Pascale MIJARES 

Bricoler l’ordinaire 2015
18 assiettes Gien du XIXème avec monogrammes et blasons, 18 étais assemblage bois et métal, moulages béton, objets et matériaux divers, plantes vertes d’intérieur, éclairages.
260 x 316 x 270 cm
Réalisée avec le soutien du Fonds Régional d’Art Contemporain, Provence-Alpes-Côte d’azur
Vues de l'exposition La figure de l'étrange/et..., au Bild Galerie de l'école d'art de Digne-les-Bains, en partenariat avec le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) Provence-Alpes-Côte d’azur, 2015

L’installation intitulée bricoler l’ordinaire  invite à la promenade, à se perdre dans un jardin intérieur plus proche du grenier et de ses malles aux trésors que de la quiétude du patio, bien loin du jardin japonais.
Des assiettes sont plaquées au plafond à l’aide d’étais, en équilibre sur leurs piques comme des assiettes chinoises en jonglerie. L’outil du maçon est ici recréé, imité à l’aide de matériaux tel que le tasseau de bois ou la barre de métal, le chambranle d’une porte ou l’assemblage de planches et autres boiseries trouvés dans la rue après avoir été méticuleusement sélectionnés (un goupillon de ramoneur, une ganivelle de clôture,…). Il s’agit autant de sublimer l’espace par le biais de la rosace que de valoriser un statut social, une filiation, par l’utilisation d’assiettes de la célèbre faïencerie de Gien datant du XIXème et arborant blasons ou monogrammes. L’espace est rendu impraticable, infranchissable, in-aménageable. Pourtant la situation ne semble pas être subie mais pleinement assumée voire privilégiée. Les clous, vis, pointes et autres systèmes de fixation dont sont pourvus les étais ont trouvés un second emploi, ils supportent, ils exhibent. Un foisonnement d’objets éclectiques ainsi suspendus nous raconte des histoires. Certains se répondent, nous renvoyant à une époque, à un rang social (la vénerie, les plumes de paon, l’embrasse en bronze, le chandelier de piano) d’autres nous plongent dans un univers domestique plus austère, tendant vers le précaire par la présence du formica, du pyrex, la qualité du sac et son évocation. Si certains objets ont été choisis pour leur symbolique comme le sac qui renvoie à l’exil d’autres pour leur référence comme la reproduction des raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte*.
On découvre d’autres éléments de chantier comme le sable, le gravier, le ciment, en y regardant bien, le serre-joint, le seau, le bac de peinture.
Rien n’indique ce qui est idéalisé ou regretté, fantasmé ou vécu, tout est magnifié.
Les éclairages diffus et les plantes d’intérieur insistent sur cet épanouissement dépassant de loin l’adaptation. L’installation met en scène l’art de la débrouille et magnifie les tactiques qui permettent d’échapper à la mélancolie mais surtout qui évitent d’être tenu à l’écart, d’être prétendu invisible : jongler avec son quotidien.

* A l’époque il n’était pas d’usage de s’intéresser aux petites gens sur lesquelles été porté un regard souvent entaché de préjugés négatifs ou misérabilistes. Le sujet a été jugé trop trivial pour être exposé au Salon de 1875.
On entre dans une période de rénovation de la ville de Paris et de modification architecturale avec l’apparition des boulevards Haussmanniens, ce qui va changer le tissu social. Les ouvriers sont relégués à la périphérie, loin des quartiers bourgeois (alors que jusque-là les domestiques étaient logés aux étages les plus hauts)

 
Bricoler l’ordinaire 2015
Objets divers, dimensions variables
Vues de l'exposition La figure de l'étranger, Galerie de l'école d'art de Digne-les-Bains le Bild, en partenariat avec le Frac Paca, 2015
 
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