Catherine MELIN 

Une relation forte et constante au dessin sous-tend les déploiements qu’a explorés le travail de Catherine Melin depuis plusieurs années : le dessin lui a offert le premier moyen d’embrasser l’espace architectural en s’y projetant, en prenant appui et en filant sur ses murs.
L’œuvre pour la chapelle Notre Dame du Guelhouit emprunte à ses dessins muraux leur mode d’occupation précaire et temporaire : il s’agit ici, littéralement, de ne pas toucher les murs, de ne pas « s’installer ». Tréteaux, planches de bois brut assemblées par « rapiéçage », simplicité de l’ensemble laissent percevoir la possibilité de bascule, de déplacement…
S’il y a une parenté avec les « aires de jeux » qui ont fait l’objet des recherches antérieures, ici le rapport à « l’usage » est déjoué par les détails de coupe des planches, l’inversion des fixations les rendant impropres à supporter du poids, et la fine couche de craie frottée sur le bois. Leviers, balanciers, tremplins formés par les différentes longueurs et inclinaisons tournent le dos à la verticalité attendue d’un écran, lui préfèrent l’instabilité du discontinu, l’incertitude de trajectoires obliques.
À la déconstruction de l’écran, morcelé en plans inclinés disjoints, répond celle de l’image qui s’y projette — ou plutôt, qui y est interceptée, capturée, en même temps qu’elle y est « fracturée ». Esquivant la frontalité, à la portée du toucher, à l’échelle du corps qui, en se déplaçant, la perçoit fractionnée, disjointe, mobile, l’image tout à la fois « tient » ensemble les différents modules dont elle détermine le dessin et la position dans l’espace.
La figure animale revient régulièrement dans l’œuvre — ici des étourneaux. Réduits par la vidéo à l’état de points mobiles, ils glissent le long des lignes électriques sur lesquelles ils sont perchés. Ils dessinent à leur tour des figures instables, temporaires, sans bords, avant de brusquement s’envoler dans l’un de ces mouvements collectifs dont ils sont coutumiers, et sur lequel Catherine Melin pose le même regard « chorégraphique » qui était déjà le sien dans les travaux antérieurs observant, en Russie ou en Chine, les comportements humains d’appropriation et détournement des espaces communs, et les formes d’occupation des espaces interstitiels urbains.
Ici les étourneaux et leur « structure politique » complexe, dont Jean-Christophe Bailly dit quelque part qu’elle « les tient ensemble comme séparés », mettent en jeu le rapport de l’un et du multiple, de l’individu et de la communauté. Leurs trajectoires singulières reconfigurent en permanence leur « corps commun ». À leur danse silencieuse, éclatée sur les balanciers mobiles, répondent les déplacements des observateurs, pendant que du dehors résonnent jusqu’à eux les chants des oiseaux.

Cédric Loire













L'art dans les chapelles 2016
Bois, métal, dimensions variables
Chapelle Notre-Dame du Guelhouit, Melrand
Crédit photo Laurent Grivet



Vidéo 2016
2mn en boucle

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