Pascal MARTINEZ 

Le secret est une affaire privée. Il faut remonter le passé, faire le point sur des moments clefs, soulever les tapis, retourner l’appartement et se demander au milieu du désordre ce qu’on aurait bien pu cacher. Pour ceux qui pratiquent l’analyse, l’introspection devient une affaire d’honnêteté. “J’ai déjà tout dit !”. “Vraiment ?”.
En demandant à cent personnes d’écrire un secret sur une matière précieuse (une feuille d’argent), un protocole s’engage avec un rituel précautionneux qui donne de l’importance au projet. La plaisanterie se délite et s’efface devant la noblesse de l’acte.
L'artiste s'invite chez les gens , il leur prête une machine à écrire, leur demande de signer un contrat de confidentialité, il les photographie. Rien ne lui échappe et l'ensemble du procédé valide l'idée.
Il réactualise le concept cher à Jean Paul Sartre pour qui chacun de nos actes engage les autres et par la-même, la terre entière. Dans la réminiscence du secret, il y a donc la question de l’existence. Puis-je exister sans avoir de secrets ? Difficile à croire, parce que le secret a le droit d’être partagé par un groupe restreint. Il offre la possibilité et la jouissance d’une complicité. Il achète en quelque sorte l’amitié et plus il est répété, plus il devient un secret au sens propre, c’est-à-dire qu’il questionne l’intégrité du groupe et le sentiment d’appartenance. Là, on frôle l’affaire d’Etat, le document classifié, la bombe qui peut tout faire péter.
Pascal Martinez coule chaque secret dans une dalle de verre et construit une bibliothèque pour exposer une somme d’intimités. Il prend le pari de l’objet inviolable, il sacralise l’œuvre d’art, parce qu’il est interdit d’y toucher. Il supprime le pouvoir de l’ouïe au profit du regard et magnifie l’impuissance du spectateur à connaître ce qui se trame sous l’épaisseur du verre. Il est frappant de noter que l’élévation (la bibliothèque) attise la parole, alors qu’une exposition au sol convoquerait la pierre tombale et l’idée du recueillement. Tout autant que l’image, la prise de position dans l’espace interpelle notre inconscient.
Dans les séries noires, le secret est souvent lié à un objet lourd et anguleux (l’arme du crime). Cent dalles de verres, c’est également cent dangers potentiels. On est loin de l’inventaire de Fluxus, où tout est clairement lisible et de Carl André où tout est parfaitement carré.

Karim Grandi Baupain

Hortus Conclusus 2010
100 pavés de verre (avec feuille d’argent et feuille de mika), structure métallique et documentation
Œuvre réalisée au CIRVA dans le cadre d’un atelier de l’EuroMéditerrannée-Marseille Provence 2013 en partenariat avec ART-O-Rama

Hortus Conclusus 2010
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