Céline MARIN 

La cinquième saison, Acte I 2019-2020
Série de 25 dessins, crayon sur papier, 21 x 29,7 cm, papier color 90g/m2
 
 
 
Vue de l'exposition Voilà l’été, Le 109, Nice, 2020
 
 

La cinquième saison, acte I

Chaque année, au mitan de l’hiver, des traditions d’un autre temps se ravivent partout en Europe; des mascarades célèbrent le renouveau, chassent les mauvais esprits ou balayent les discordes de l’année écoulée. En Allemagne, ce temps du carnaval est joliment appelé “la cinquième saison. C’est le nom qu’a donné Céline Marin à sa série de dessins née d’une résidence itinérante autour des rituels d’hiver européen.

De janvier à mars 2019, sa recherche la mène dans cinq communes d’Europe où se côtoient pêle-mêle des figures d’hommes sauvages, d’ours, de sonneurs de cloches et autres étonnants personnages aux vêtements et masques chamarrés ou étonnantes coiffes. Elle y observe attentivement les costumes et attitudes insolites des habitants qui prennent part aux parades, témoignant d’un folklore européen riche et toujours vivant. L’artiste fait d’abord étape à Silió en Espagne pour le tout premier carnaval de l’année qui a lieu chaque premier dimanche de janvier. Il convoque une foule de personnages à l’allure archaïque parmi lesquels se distinguent les zarramacos, personnages au visage noirci dont le corps est recouvert de peaux de mouton et la tête couronnée d’un long chapeau en forme de cornet, qui effraient les esprits malins en agitant de lourdes cloches. Ils participent ensuite, avec d’autres, à une mise en scène de mise à mort de l’ours symbolisant la victoire du bien sur le mal. L’apparition de l’ours signe de la fin de l’hivernation, annonçant ainsi l’arrivée imminente du printemps. On retrouve cet animal dans de nombreuses fêtes rituelles comme en France, à Prats-de-Mollo la Preste où Céline Marin s’est également rendue. Chaque année, de jeunes hommes costumés et maquillés de noir figurent l’ours et simulent des scènes de rapt et d’agression à travers le village. Capturés par les chasseurs, ils sont rasés et débarbouillés sur la place publique; débarrassés de leur animalité, ils deviennent hommes.

À Urnäsch, en Suisse dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, c’est en entonnant un yodel, que les Silvesterkläus éloignent les mauvais esprits chaque 13 janvier, lors du deuxième réveillon de l’année1.

La clique des Schöne s’y distingue par ses masques naïfs aux joues rouges et ses impressionnantes coiffes surmontées de charmants paysages, scènes de la vie paysanne ou même scènes de jeux olympiques en miniature. Les deux autres cliques troquent les beaux vêtements de velours coloré typiques de la région pour des costumes plus naturels, recouvrant leur corps de branches, de peaux de bêtes, d’écorces ou de mousse. Tous portent de lourdes cloches de vache ou grelots fendus et se déplacent de ferme en ferme pour souhaiter la bonne année.

Observant ces drôles de parades, Céline Marin n’en garde que l’essentiel : elle isole les figures, se concentre sur les postures et les costumes, reconfigure les danses et les rondes qu’elle fixe sobrement à la mine. La couleur de fond nous ramène à des détails clés du carnaval ou retranscrit son atmosphère : l’orange des Gilles de Binche en Belgique, le vert des alpages suisses ou le rouge des costumes chatoyants des participants à la Coumba Freida qui chassent les vents néfastes de l’hiver en agitant des fouets en crin de mules.


Mélodie Boudel, revue Gros gris, Croyances, N°7


1 La date fait référence au calendrier julien resté en vigueur jusqu’au 19e siècle à Urnäsc

 
 
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