Pierre MALPHETTES 

Le festin - le jardin

Les pièces de Pierre Malphettes se situent résolument du côté du voyage, du déplacement, elles témoignent des multiples tentatives de l'être humain pour s'affranchir des lourdeurs et des barrières en tout genre. La gravitation, chez Malphettes, symbolise le destin qui fait inexorablement rechuter l'être humain vers la terre, vers un retour programmé à la réalité, à l'absence de rêve. Son travail s'y réfère comme une barrière dont il faut constamment éprouver les limites à travers la mise en place de dispositifs de légèreté : sa Dédicace aux oiseaux est une sorte de danse aérienne de sacs plastiques qui semblent se jouer de la pesanteur. Cela dit, les pièces de Malphettes incorporent dans le même mouvement des éléments contradictoires à leur efficacité : Le tapis roulant en est un exemple édifiant qui voit rajouter quatre roues à un tapis et donc l'empêcher de partir ; Le Tapis volant en est un autre quand il est accroché au mur?
Car l'exploit est uniquement réalisable sur le plan poétique : il n'est de projet qui ne s'affranchisse des contraintes terrestres que par l'entremise de la métaphore ou de la plaisanterie ; ainsi ses dispositifs sont avant tout des véhicules sans chauffeur, sans réelles destinations sinon que celle du cheminement intérieur (traverser les nuages, image réversible d'un avion en nuage).
Sorte de pendant géographique et architectural à la gravitation, le labyrinthe est cette autre figure de la restriction qui alimente tout aussi fortement le travail de Pierre Malphettes dans son désir de liberté, cette tension vers l'ouverture. Son plan de Paris uniquement constitué de sens uniques traduit bien cette unidimensionnalité moderne qui rend dérisoire la dérive urbaine prônée par les situationnistes et qui annule la possibilité d'un émerveillement et d'un exotisme de la ville au profit dune logique de déplacement pour le déplacement. Ses dispositifs sont toujours hantés par la figure de l'enfermement, même si parfois la transparence de pseudo murs en plastique transparent semble évoquer un possible franchissement (cloisonnements).
À Zoo Galerie, Pierre Malphettes semble s'être tourné vers des figures plus familières, objets ou situations moins mythiques que celles qu'il a pu aborder précédemment, dans une exploration/récréation jubilatoire de la domesticité. Si l'artiste a déplacé son travail vers d'autres horizons formels, on retrouve en filigrane quelques-uns parmi les motifs évoqués ci-dessus. Ce domestique dont il est justement question semble avant tout convoqué pour son côté labyrinthique : les relations amicales qui enserrent les protagonistes de la fête dans un réseau inextricable d'espoirs et de projections (le festin) ; les circonvolutions de la mouche à l'intérieur de ses couloirs aériens invisibles. Ou bien encore cette plantation d'avocats (le jardin), version cheap des relations nature/culture derrière laquelle on pourra être tenté d'y lire l'obsession de la ménagère ou l'enfermement du jeune étudiant.
Mais la stratégie de la déception est piégée de l'intérieur, la gangue des émotions et des contemplations peut être brisée et valser en de multiples scénarios inattendus : le buffet autour duquel les convives s'agitent explosera littéralement dans une chute spectaculaire et cathartique ; le ressassement de la mouche devient itinéraire de lumière ; quant à la plantation d'avocat, son socle low tech et son éclairage au sodium la font définitivement échapper au terre-à-terre et dériver vers d'autres champs.

Patrice Joly, communiqué de presse de l'exposition de Pierre Malphettes à la ZooGalerie en avril 2003


The feast - the garden
Pierre Malphettes' works are resolutely linked to traveling and the idea of displacement. They speak of humanity's numerous attempts to shake off all kinds weights and obstacles of. For Malphettes, gravitation symbolizes the destiny that inevitably pulls the human being back to earth, a programmed return back to reality and the absence of the dream. His work posits it as a kind of barrier whose frontiers must be constantly tested using light apparatuses : his Tribute to the Birds is a kind of arial dance performed by plastic bags that seem to toy with gravity. This said, Malphette's works make use of elements that are in contradiction with their very efficiency. An edifying example is the moving walkway in which a persian rug is fitted with four wheels that prevent it from moving. The flying carpet becomes one as well when it is tacked to the wall.
The exploit can only be achieved on a poetic level: no project can free itself from terrestrial constraints other than through the use of metaphor and tomfoolery. Malphette's devices are thus first and foremost vehicles wihout drivers, and without any real destinations other than those tied to an interior journey (drfiting through the clouds, a reversable image of a plane into a cloud).
Acting as a geographical and architectural pendant to gravity, the labyrinth is another figure of constraint that just as strongly informs Pierre Malphettes' work in its desire for freedom, this thrust towards escapeways. His map of Paris, which consists solely of one-way streets, offers a good example of this modern one-dimensionality that renders the urban drifting proned by the situationists laughable and cancels the possibility of urban amazement and exoticism, favoring a logic that privileges displacement for displacement's sake. His devices are always haunted by the image of confinement, even if at times the transparency of pseudo-walls in transparent plastic seem to suggest the possibility of breaking down the barriers.
At the Zoo Gallery, Pierre Malphettes seems to have shifted his attention towards more common images, objects and situations that are less mythical than those he had dealt with beforehand, in a jubilatory exploration of domesticity. Although the artist has oriented his work towards other formal horizons, some of the motifs characterizing the works evoked above can still be discerned bubbling under the surface. The notion of domesticity seems to have been employed precisely because of its labyrinthine nature. The friendship that binds the party's protagonists in an inextricable network of hopes and projections (the feast); the fly's circonvolutions within its arian airways. Or still, this plantation of avocados (the garden), a cheap version of nature/culture relations in which one might be tempted to discern the obsession of a housewife or the confinement of a young student.
But the strategy of deception is snared from within, the strait-jacket of emotions and contemplation is undone and sashays towards a multiplicity of unexpected scenarios: the kitchen dresser with which the party guests fidget will literally explode in a spectacular and cathartic fall; the fly's satiation becomes an itinerary of light ; as for the avocado plantation, its lo-tech pedestal and sodium lighting allow for it to definitively escape the mundane and drift towards other plains.
Patrice Joly, press release for Pierre Malphettes' exhibition at the Zoo Gallery in April 2003

Le jardin 2003
Néons, plantation d’avocatiers, lampes à sodium, étagères en métal, dimensions variables
Vue d'ensemble et détail
The Garden
Neon, avocado plantation, sodium lamps, metal shelve, various sizes


Le Festin 2003
Vidéoprojection, 7’, son
Vues de l’exposition à la Zoo Galerie, Nantes
Photographies Benjamin Rivière
The Feast
Videoprojection, 7’, sound

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