Thomas Golsenne : NATACHA LESUEUR ou le retour DE l'oeuvre, in catalogue SEI, édition Villa Médicis, 2003
Prologue
Si l'art contemporain est encore de l'art, c'est dans la mesure où il produit le même effet que les créations artistiques du passé : la transgression d'une limite. Autrefois cela pouvait être une norme naturelle, comme les limites et les possibilités du corps humain, que Michel-Ange chercha toute sa vie à dépasser ; cela pouvait être une norme morale, comme Sade en fit la démonstration ; de toute manière c'était toujours la norme du référent social, du sujet figuratif, que Manet, si l'on en croit Bataille, fut le premier à détruire, au nom de l'être de l'art. La Modernité de Bataille consiste à retirer à l'art tout ce qui n'est pas de l'art.
La différence qui singularise l'art contemporain consiste en ceci : il transgresse les normes de l'art lui-même. Si bien que la question : est-ce bien de l'art ? n'est plus pertinente. Et le crédo moderniste – l'art est l'accomplissement de soi-même, l'exaltation du médium non plus comme moyen mais comme fin – n'est plus de mise. Il faut aujourd'hui poser la question de l'impureté de la création artistique et observer non pas si une oeuvre respecte ou exalte son médium, mais si elle le dépasse, le trahit, le fuit.
J'appelle ce mouvement de fuite créatrice l'ornementalité de l'art. Voici pourquoi. Dans l'art classique, toute création, toute nouveauté, prenait place d'abord dans l'ornementation de l'oeuvre – c'est-à-dire le lieu où l'artiste n'était contraint par aucun sujet imposé, le lieu où la forme livrée à elle-même pouvait proliférer comme une jungle d'entrelacs, une fourmilière de motifs. Les fameux ignudi de Michel-Ange par exemple sont avant tout les ornements de la voûte de la Chapelle Sixtine. Mais à partir du moment où le sujet imposé disparaît, c'est-à-dire avec l'apparition de l'art moderne au sens de Bataille, c'est toute l'oeuvre qui devient un ornement ; ornement d'elle-même, ornement d'ornement, pour reprendre le mot de Barthes. D'où l'importance que prend le problème du cadre, l'ornement par excellence (comme l'a bien montré Louis Marin à propos de Frank Stella), qui disparaît pour s'intérioriser dans le tableau ; d'où la réduction au motif répétitif et décoratif de la touche artistique comme chez Buren ou Claude Viallat (le mouvement Support-Surface est d'ailleurs exemplaire de cette tendance réflexive et ornementale de la modernité artistique). L'oeuvre, l'ergon, est devenue un parergon et ne se comprend plus que dans la série (chaque élément de la série constituant un ornement fragmentaire de l'ensemble) : c'est l'âge d'or de la sérigraphie (Warhol) et de la variation continue (différence et répétition).
Le travail de Natacha Lesueur hérite de cette époque moderne tout en s'en démarquant. Son oeuvre se constitue essentiellement de séries sur un thème – un fragment corporel (les dents, les jambes, les casques etc.) ; la différence que chaque photographie apporte au sein de la série est essentiellement ornementale, nous le verrons plus en détail. Mais loin de se présenter comme une partie incomplète d'un tout sériel, chacune de ses images est dotée d'une complétude qui lui donne le statut d'oeuvre à part entière. De plus, elle ne recherche pas l'être de la photographie, mais s'en sert seulement comme un moyen, elle la réduit à son rôle de médium, elle vise quelque chose au-delà de la photographie. C'est la peinture. Le dispositif auquel obéït son travail est bien celui de l'art pictural ; le protocole créateur qu'elle respecte est bien celui du peintre. Son atelier ressemble moins à une chambre noire qu'à un laboratoire de peintre-alchimiste.
C'est par ce double point de vue – ornementalité sérielle et picturalité – que j'analyserai le travail de Natacha Lesueur. Or pour démontrer qu'il obéït à un ordre ornemental et à un dispositif pictural, je le comparerai à deux jalons de la peinture classique, aves lesquels il entre en résonnance : les oeuvres de Carlo Crivelli et de Giuseppe Arcimboldo. Chez ces deux peintres – marginaux – de la Renaissance italienne, l'ornement est essentiel et implique un certain nombre de traits artistiques qu'on retrouve dans les photographies de Lesueur. Malgré les différences de contexte historique, ils appartiennent tous trois à la même famille d'artistes, que j'appellerais maniériste. Ces propriétés communes semblent n'avoir aucun rapport causal les unes entre elles ; et pourtant elles fonctionnent ensemble de façon cohérente et sont toutes nécessaires au fonctionnement du dispositif global. Elles constituent les coordonnées de la carte ornementale que dessine l'oeuvre d'art maniériste.
Virtuosité artisanale
Chez Lesueur, Arcimboldo ou Crivelli, la conception compte moins que l'exécution : problème d'efficacité, plutôt que de contenu. Leurs images sont moins à lire qu'à regarder. Le message contenu dans une photographie de Lesueur est toujours satellite, accessoire par rapport au principe esthétique qui la guide. Et certes cela n'empêche pas que ce message soit riche et puisse faire l'objet d'une étude à part entière (cela a déjà été fait d'ailleurs). Si on veut analyser l'oeuvre de Lesueur sous le point de vue du contenu, alors on sera amené à parler de l'usage du corps dans nos pratiques, nos images, dans son rapport « moléculaire » aux pouvoirs, au désir et au dégoût etc. Mais quoiqu'il en soit il s'agira quasiment toujours d'une explication après coup. Par exemple la série des Lunettes est tirée sur des grandes toiles, comme des sortes de gonfalons médiévaux ou des bannières politiques. Il est vrai que ce sont des images de pouvoir (cf. la Véronique ou l'Autoportrait en Christ de Dürer). Mais c'est là le résultat de leur fabrication – leur effet – et non leur principe. La même photographie, tirée en petit exemplaire sur un support solide, ne produit plus du tout la même impression de fascination hypnotique que dégagent ces visages sans regard.
Le travail de Lesueur est donc essentiellement artisanal et couvre plusieurs étapes : la préparation culinaire ; son application sur le support (corps, lunettes etc.) ; la mise en scène ; la prise de photo ; le tirage ; l'édition. Chaque étape doit être particulièrement soignée bien que rapide (la matière comestible ne tient pas longtemps en place ; de même les empreintes corporelles se résorbent au bout de quelques heures). Tout comme un peintre de fresques doit agir vite et bien, tant que la couche d'enduit reste fraîche. Enfin le résultat final doit être parfait : du tirage (en cibachrome, qui garantit une qualité et une durabilité optimales), de l'application sur le support (toile, plexiglas, verre, aluminium…), dépendent la clarté des couleurs, la profondeur des contrastes, bref l'effet visuel de la photographie. Aucune vitre, aucun cadre ne vient s'interposer entre le spectateur et l'image : le contact doit être immédiat et total. On peut comparer ce souci technique de Lesueur à celui de Crivelli : ce dernier vivait à une époque où les « modernes » peignaient à l'huile ; or Crivelli a toujours gardé l'ancestrale technique de la détrempe, au rendu plus mat – il l'a même améliorée au cours de sa carrière, si l'on en croit les restaurateurs de ses tableaux. « Le travail bien fait » n'est pas une valeur conservatrice dans ce cas comme dans le cas de Lesueur, de montrer le « métier » ou de satisfaire le matérialisme de leur public, mais une manière machinale de produire un objet sans montrer sa main, sa « touche », son style ; ce qui compte ce n'est pas la trace de l'Artiste dans l'oeuvre, mais le flux de matière que l'artisan manipule et suit au fil du temps.
Chez Natacha Lesueur ce matériau est comestible. On a beaucoup glosé sur l'utilisation de la nourriture par la photographe et son application sur le corps humain, et souvent pour constater le mélange d'attirance et de répulsion que ces images provoquent sur le spectateur. C'est exact, mais insuffisant. Il ne faut pas oublier que la nourriture, telle que Lesueur s'en sert, est un formidable médium, ou plutôt une infinité de mixtures, de matériaux, de couleurs, dont la valeur d'usage dépend de son talent et de son imagination. La nourriture peut se faire pâte visqueuse, fluide liquide, accessoire solide ; elle peut tomber, coller, se fixer presque comme on veut. Ce serait comme une cire qui pourrait tout imiter, un peu comme le marbre baroque imitait aussi bien la chair que le tissu. Là encore on retrouverait à l'époque de Crivelli de tels exemples de « food art » : ainsi pendant les banquets de mariage entre princes de l'Italie centrale du XVe siècle, les plats apportés étaient un véritable spectacle pour les convives : sculptures en sucre, histoires mythologiques et autres allégories mis en scène par les cuisiniers, lapins, faisans, poulets présentés comme s'ils étaient vivants etc.). Le grand mérite de cet art culinaire, c'est d'exploiter les qualités singulières de la nourriture que son usage courant (même gastronomique ignore ou limite) : plasticité, consistance, couleur. C'est pourquoi Natacha Lesueur prend bien garde, comme une chimiste, de ne pas mélanger des aliments qui ne conviendraient pas ensemble : les légumes avec les légumes (Frises), la charcuterie avec la charcuterie (Casque), le sucré avec le sucré etc. Il y a une convenance de goût (car on pourrait toujours manger les trompe-l'oeil de Lesueur) ; et il y a une convenance visuelle (il faut l'accord chromatique, l'accord des formes). Lesueur ne pratique donc pas un usage arbitraire ou gratuit du matériau comestible pour faire « chic » : elle développe plutôt l'ornementation des plats à manger à son extrême – ornementation qui existait déjà mais qui, après la Renaissance, connut un long retrait pour se limiter au strict minimum. Évidemment la fonction nutritive et la qualité gustative passent au second plan : Natacha Lesueur inverse ainsi le rapport traditionnel fonction-plaisir alimentaire/plaisir visuel de la nourriture.
N'oublions pas non plus que le matériau culinaire n'est pas présent dans toutes ses oeuvres : Lesueur cherche avant tout la difficulté technique et montre, dans ses créations, toujours plus de virtuosité : ou bien par un travail sur le minuscule (comme dans les Ongles ou les Lunettes) ou bien par un travail sur le majuscule (comme les Coiffures, toujours plus hautes, toujours plus improbables). Mais c'est toujours une esthétique du moindre détail. On retrouve ce trait stylistique dans la peinture de Crivelli : sa ligne acérée permet de souligner le détail vestimentaire de ses personnages, le sang qui coule dans leurs veines saillantes, le moindre cheveu de leur coiffure. Il peint avec la précision d'un miniaturiste, mais l'effet d'ensemble est celui de la profusion ornementale. L'un sans l'autre ne fonctionnerait pas. Ainsi chez Arcimboldo, c'est sa virtuosité qui permet de peindre ses toiles en fonction du double regard du spectateur : un regard distant, synthétique, qui perçoit le contour d'un visage, et un regard proche, analytique, qui découvre et détaille les objets dont se compose ce visage.
Les photographies de Lesueur fonctionnent de la même manière : de loin, on perçoit une coiffure extravagante, des collants-fantaisie, des dents gâtées – et de près seulement, on découvre les grains de maïs, les dentelles de concombre, la peau de saumon. Seul un regard attentif permet de distinguer sur le corps les traces rougies qui dessinent un corset, un collier, les lettres d'un test optique : test pour le spectateur et son abilité à voir. L'art de Lesueur navigue à la surface de l'imperceptible, entre l'évident (le regard lointain) et le non-évident (le regard proche ou tactile). En un mot, c'est un art du trompe-l'oeil. On croit voir une dentelle alors qu'il s'agit de viande des grisons (Lausanne). On croit voir des fleurs, mais ce sont des radis ou des tomates (frise 1). Un trompe-l'oeil qui opère un double détournement : le référent alimentaire est détourné de son image et de sa fonction pour devenir vêtement, maquillage, accessoire de mode ; le référent vestimentaire est détourné de son objet car il est devenu feuilles de chou, poireaux, betterave.
Chez Crivelli également la virtuosité va jusqu'au trompe-l'oeil – et souvent par référence au monde organique, alimentaire : ainsi une mouche, un concombre, une pomme, sont parfois projetés dans ses tableaux religieux comme déposés dans la scène représentée, ou parfois sur le panneau lui-même. Dans ce cas le trompe-l'oeil opacifie la « fenêtre » visuelle du tableau, qui s'affiche ainsi dans toute sa matérialité. Il peut arriver que le jeu aille encore plus loin : Crivelli ne se contente pas d'imiter le relief par la peinture (trompe-l'oeil), il imite encore le trompe-l'oeil par la sculpture (meta trompe-l'oeil). Certains détails de ses oeuvres sont en effet de vrais moulages appliqués sur la surface peinte, comme les clés de saint Pierre, la couronne ornée de pierres précieuses de la Vierge. Si bien que ce que l'on pourrait prendre pour un trompe-l'oeil est en fait un objet réel qui imite le trompe-l'oeil.
Cette problématique du moulage n'est pas sans faire penser à l'usage de l'empreinte par Lesueur. Certes l'empreinte ne crée pas de relief, mais plutôt des creux (comme les empreintes de corsage ou de collier) ou de légères épaisseurs (comme les marques de verres de vin sur les Torses). Mais ce qui compte ici, c'est le procédé mécanique de reproduction : la main de l'artiste disparaît, aucun style ne se manifeste dans son toucher, son doigté ; mais par un protocole artisanal rigoureux une imitation impeccable est obtenue. Virtuosité, artisanat et ornementalité vont ensemble. Aussi dans les Torses, la disparition de la ressemblance et du fini formel entraîne automatiquement une réapparition de la présence de l'artiste, de sa gestuelle. Telle est l'exception qui confirme la règle.
C'est pour ces raisons que, entre l'original d'une photographie de Lesueur, comme d'un tableau de Crivelli ou d'Arcimboldo, et la reproduction dans un catalogue, se produit une perte irrémédiable : la perte de l'efficacité visuelle de l'oeuvre. Le rendu des textures, la finesse des détails, le luxe des couleurs, ne sont plus les mêmes. Les effets de trompe-l'oeil n'opèrent plus aussi bien. Le corps à corps du spectateur face à l'oeuvre est absolument indispensable s'il veut l'apprécier à sa juste valeur.
Luxe et mode
On peut dire que les photographies de Natacha Lesueur présentent un caractère superficiel, à condition de ne pas connoter ce terme de façon péjorative. D'abord, en adoptant le dispositif pictural, elles en tirent une mise en valeur de la surface : au lieu de fonds qui se détachent derrière les figures centrales, elles présentent plutôt des champs qui apparaissent tout autour ; champs dont l'aspect souvent vague, uniforme ou ornemental, leur confère un caractère abstrait. C'est évident pour le fond noir des Lunettes ; c'est vrai encore de la série des Coiffures ou dans les Casques photographiés dans une salle de bains (les motifs décoratifs de la vitre ou du carrelage décorent la figure). A contrario, la série des Tests optiques comporte des intérieurs d'appartements avec des objets tridimensionnels identifiables (canapé, lits etc.) ; cela va avec le caractère plus narratif de ces images. Mais malgré tout la planéité travaille ces objets, grâce à l'angle de prise de vue et à la pose du modèle : le meuble devient le cadre de la figure, lui-même cadré par le mur de la pièce qui les contient : une figure de dos sur un canapé de face aux motifs géométriques nets devant un mur de pierre, une figure vue d'en haut sur une table noire de travers se détachant d'un carrelage blanc (cf. Malevitch), une figure vue depuis la tête, habillée en blanc jusqu'aux jambes, sur un lit aux draps blancs, devant un mur blanc. Par ailleurs, et d'une manière générale, le corps est employé comme une surface d'inscription, un support plus ou moins régulier pour les préparations culinaires ou les empreintes qui s'y déposent. Dans la série des Torses, le corps pris en plan serré envahit quasiment toute la surface de l'image : il devient le fond lui-même, pur support désubstantialisé.
La surface travaille donc la photographie de Lesueur dans sa picturalité. On le vérifie en observant chez Crivelli la même propriété : ses tableaux multiplient les fonds, composés par strates, depuis le fond d'or originel jusqu'à la surface invisible (mais parfois opacifiée) de l'écran pictural. Mais prenons le superficiel dans son sens métaphorique. Là aussi il faut le dégager de sa connotation péjorative. D'ordinaire est superficiel ce qui n'est pas profond, c'est-à-dire essentiel, intelligent, pensé, comme une fille superficielle parce qu'elle aime la mode, une image parce qu'elle est de mode, un artiste parce qu'il est à la mode. Si donc on accuse la photographie de Lesueur d'être superficielle, c'est qu'on lui reproche son manque de contenu, son rapport à la mode, son côté gratuit et décoratif. On a fait le même reproche à Crivelli : l'ornementation surabondante dans ses oeuvres aurait pour but de masquer un manque d'invention, d'inspiration dans le sujet, dans le style etc.
On n'a pas compris que leur art résidait dans l'étendue plutôt que dans la profondeur, dans l'intensité plutôt que dans la structure : comme les gestes d'un danseur le projettent aussi loin qu'il le peut de son corps et créent un corps plus grand, la peinture de Crivelli ou la photographie de Lesueur puisent leur force dans la propagation d'une onde picturale, d'une idée visuelle, d'un flux de matière, jusqu'au bout de leurs limites. D'où le travail en série, qui permet de saisir le développement de ce geste créateur, un peu comme les différents états d'une eau-forte de Rembrandt : série des Vierge à l'Enfant ou des Pietà chez Crivelli, série des Lunettes, des Casques, des Dents etc. chez Lesueur. Chaque panneau constitue une ornementalisation, une intensification du précédent. Dans les Vierge à l'Enfant de Crivelli, les fruits deviennent de plus en plus gros, les couleurs de plus en plus riches ; dans la série des Coiffures de Lesueur, on assiste à une semblable complexification, comme si toujours la barre à dépasser s'élevait en même temps que la hauteur des coiffes : jusqu'où puis-je aller semble être la question de la photographe. C'est comme on le voit toujours le problème du dépassement des limites qui est posé. (les futurs projets de Lesueur le confirment : toujours dans la série des Coiffures, elle prépare une installation multi-focale – effet « Matrix » - pour photographier sous tous les angles des coiffures toujours plus hautes et plus difficiles à réaliser).
De sorte que le rapport à la mode et au luxe évident chez Lesueur ou Crivelli peut s'expliquer autrement que par la recherche de la facilité, du chic, du kitch, de la Beauté. Il est la conséquence de l'ordre ornemental qui régit leur oeuvre. La mode leur fournit le modèle de formes qui changent sans cesse, de formes en devenir (et peu importe son public, ses amateurs et ses acheteurs) : tout le contraire de la stabilité classique de la structure intemporelle. Ils puisent ainsi dans la mode vestimentaire non pas seulement des images, mais surtout un principe dynamique d'invention. C'est pourquoi Lesueur s'intéresse de près à la photographie de mode et s'inspire de modèles des années 60 comme de la mode trash contemporaine, comme de la mode des coiffures extravagantes des nobles dames de l'entourage de Marie Antoinette. Elle ne suit pas le courant de la mode actuelle, son but n'est surtout pas d'être à la mode, mais elle s'intéresse à tout ce qui a été et est à la mode, quelle que soit l'époque ; elle parcourt la surface du continent-mode en suivant des tracés qui lui sont propres. Crivelli pour sa part s'inspire de la mode de son temps mais en propose des modèles plus somptueux et plus riches qu'aucune dame de Venise n'aurait pu porter. L'ornementalisation du vêtement dépasse le recours au référent réel. Quant au luxe des images de Lesueur ou de Crivelli, il découle de leur virtuosité artisanale. Chez Crivelli la source d'inspiration implicite est l'orfèvrerie gothique, avec ses ors, ses pierreries, ses émaux : puissance de la matière en fusion. Chez Lesueur, le recours au luxe est indirect : il est associé à la photographie de mode, au monde qu'elle implique ; il résulte surtout du travail de virtuose culinaire et photographique qui donne à voir au spectateur un luxe de détails, une richesse chromatique sans failles.
Anti-Visagéités
L'ordre ornemental qui régit le travail de Lesueur, d'Arcimboldo et de Crivelli impose une destructuration du visage, un démantellement du dispositif classique de la visagéité. À savoir : l'ordre figuratif et tout ce qu'il implique (primat de la figure sur le fond / du centre sur la périphérie / du sens sur le non-sens) mais aussi le visage comme réceptacle de l'âme, centre de signification et d'expression. Nous sommes toujours dans le cadre de la peinture classique mais nous en fuyons : il y a toujours des figures au centre et un fond marginal accessoire ; il y a toujours plusieurs significations attribuables à ces figures. Mais on voit bien que là ne réside plus l'intérêt de l'oeuvre et l'investissement artistique. Chez Crivelli, la figure est imposée : Vierge à l'Enfant. Sujet millénaire, vidé de son sens, que seuls des apports extérieurs, de surface, peuvent réactualiser. Aussi c'est aux extrémités du groupe figuratif que grouille la vie de l'oeuvre : plis des vêtements, lignes des motifs qui les recouvrent et des contours des personnages. Toute une animation externe qui contraste avec l'impassibilité rêveuse de la Vierge et de l'Enfant et qui n'est pas sans faire penser à Botticelli. Chez Arcimboldo, le visage est atteint d'une autre manière, sous une autre espèce : le portrait. Quand Arcimboldo doit peindre un portrait (figure imposée), il lui impose un masque qui le recouvre et le rend méconnaissable (Portrait de Rodolphe II). D'une autre manière, il peint des figures inventées mais présentées comme des portraits. Le visage constitue bien le centre de l'attention, mais pas pour son expressivité – faire ressortir l'intériorité de la personne. Au contraire, c'est parce que tout un monde l'habite et le recouvre, qu'il soit social (Le bibliothécaire) ou naturel (Les 4 Saisons). C'est un jeu ; mais un jeu sérieux. Ainsi vont les artistes maniéristes de tous les temps : pour sortir du dispositif majoritaire, ils ne s'en soustraient pas mais l'intensifient à la n-ième puissance, jusqu'à le faire éclater.
Dans ce sens la photographie de Natacha Lesueur est maniériste. Le corps humain (la figure) y est présent partout – mais jamais le visage. Couper la tête à ses personnages (comme dans les Tests optiques) c'est se retirer d'emblée de la Visagéité – des dichotomies de l'expression classique. Le corps se met à exister pour lui-même, en dehors de la personne humaine. Mais quand la tête apparaît à l'intérieur du cadre, elle reste une tête, sans devenir un visage. D'abord on voit la tête de derrière (Casques) – mais notre habitude visuelle nous force à rechercher le visage sous le couvre-chef et provoque en nous l'impression terrible d'un visage recouvert par un masque total, sans yeux ni nez ni bouche. Ensuite on voit le visage dans les Coiffures mais il n'est pas le vrai sujet : il sert de support à l'ensemble coiffure-maquillage qui le recouvre. Le cadrage choisi par la photographe laisse voir aussi les épaules des modèles : on a donc affaire à une sorte de buste photographié, typique de la photo de portrait classique. Mais là encore, plutôt que le corps et ses formes, c'est le vêtement et ses accessoires qui comptent. L'unité de l'image est obtenue par l'accord de couleurs, de forme et de texture de la coiffure, du maquillage et du vêtement, plutôt que par la physionomie du modèle. Ou plutôt : celle-ci fait elle-même partie de l'harmonie d'ensemble. Ce n'est pas un modèle imposé mis en valeur par sa coiffure ou son maquillage, mais un modèle choisi pour s'accorder à la parure, qui constitue le véritable enjeu esthétique de la photographie. Cette série pousse l'ornementalisation du portrait classique à son comble : elle garde tous les éléments du code mais en inversant leur polarité.
Enfin dans les Lunettes il ne reste plus que le visage ; mais c'est pour mieux le cacher. La référence au portrait a disparu ; la tête coupée prend une valeur abstraite, on ne peut plus l'identifier au corps qui la porte, à la personne qui la possède. La tête n'est qu'un support pour l'accessoire qui est devenu essentiel : les lunettes. Déjà les lunettes de soleil, qui cachent en permettant de voir comme derrière une glace sans tein, accessoire de mode qu'on met facilement la nuit parce que son usage social a depuis longtemps dépassé sa fonction initiale, appartiennent au monde superficiel de l'apparence vestimentaire, c'est-à-dire à l'antichambre de l'art. Par l'ajout des « broderies », les Lunettes vont au-delà : d'accessoire elles basculent définitivement dans l'oeuvre. Ou plutôt : elles deviennent elles-mêmes le support de l'oeuvre (la broderie). La photographie qui en résulte est le fruit d'un dispositif à trois étages : premier support (visage) – second support (lunettes) – oeuvre (broderie). L'ordre figuratif classique est totalement renversé : le visage y était le fondement, les lunettes l'accessoire, la broderie un accessoire de l'accessoire.
Épilogue
En 1967, Robert Klein écrivait que le problème des artistes était alors la destruction de l'oeuvre, qui symbolisait les valeurs bourgeoises (l'objet-fétiche du marché de l'art) et chrétiennes (l'art incarné). À l'oeuvre, les artistes substituaient l'événement, l'expérience, le dispositif. Il semble qu'aujourd'hui la question de l'oeuvre soit redevenue d'actualité. Les photographies de Natacha Lesueur le montrent, comme on l'a vu, mais son cas n'est pas isolé. Les autres pensionnaires de la Villa Médicis qui exposent avec elle partagent, à leur manière, cette problématique. Guillaume Bardet dessine et sculpte des meubles à exemplaire unique, avec une référence explicite à la sculpture de taille classique (Brancusi). Christophe Brunnquell édite un journal à un seul numéro. Édouard Ropars transforme ses maquettes architecturales (dont le statut habituel est celui de parergon au sens littéral, de hors-d'oeuvre, en sculptures, en oeuvres à part entière, exaltées en tant que tel par leur piédestal métallique. Mathieu Weiler peint sans complexes des toiles au format traditionnel. Ce mouvement de retour à l'oeuvre, partagé par des artistes de la même génération, serait trop facilement interprétable comme une tendance réactionnaire du post-modernisme : retour aux vraies valeurs de l'art, à ses formes traditionnelles (peinture, sculpture). En réalité, il s'agit pour ces jeunes artistes sans tabous artistiques ni préjugés culturels de faire preuve d'inactualité : de puiser dans les formes du passé – quelles qu'elles soient – de quoi alimenter la vie du présent. Aux historiens en retour de réinterroger l'art du passé à la lumière d'aujourd'hui.
Dr Amanda Crawley Jackson, Department of French, University of Sheffield
Deux temps de lecture: derma-graphics in the photographic works of Natacha Lesueur
Natacha Lesueur, (b. Nice, 1971) is a controversial star on the French art scene. Having won the Prix Ricard in 2000, her work has been exhibited internationally and she has secured a number of important and high-profile commissions in France and internationally. Lesueur's notoriety derives in no small part from her recourse to a controversial and ideologically and politically charged visual repertoire, as the artist explains:
Comme j'ai fait appel dans mes références à une photographie populaire (la publicité, la mode, la pochette de disque), et que j'ai sciemment utilisé la séduction, la sophistication comme composants participant à la constitution de mon « piège visuel », mon travail a pu être perçu comme « suspect », « commercial », « à la morale douteuse ».
Lesueur's photographs are large-scale, highly coloured glossy portraits which attend to the paraphernalia with which contemporary subjects adorn their bodies. In their seriality, artifice and ironic appropriation of culturally recognisable but ultimately empty signs, they speak to postmodern conceptual discourses of the self as simulacrum and of the body as discursive product. Moreover, the referential value of the photographs is mediated by their positioning within a very painterly tradition. Composed over a period of time, dressed and staged with the shutter – as the artist notes – serving only (like varnish) to settle upon and seal the artistry that has preceded it, Lesueur's photographic image is clearly disconnected from the Barthesian ‘ça-a-été', enjoying rather the paradox that inheres in the production of a simulacral real: ‘Je suis plus proche et donc plus influencée par la mise en scène que le reportage, ou l'enquête photographique. Je suis à l'inverse de l'idée d'objectivité du processus photographique ; je suis dans le simulacre'.
Similarly, in their recourse to hegemonic imaginaries, particularly of the female body, Lesueur's photographs suggest an attention to the nature of the image itself and the image-bound society in which we live. By expropriating this visual imaginary, however, there is a danger that the photographs are too easily recuperated by the voyeuristic, conservative gaze. Lesueur's portraits of female subjects typically depict young, lithe bodies clad dressed in spiky shoes, flowers and high fashion clothing. While this deliberate over-investment of the subject with the feminine symbolic might be read as a self-reflexive challenge to the stereotype, the masquerade (be it postmodern or ironic, and despite its a long history of subversion) always risks collapsing into itself as another essential femininity, as Elizabeth Grosz has warned: ‘The practices of femininity can readily function, in certain contexts that are difficult to ascertain in advance, as modes of guerrilla subversion of patriarchal codes, although the line between compliance and subversion is always a fine one, difficult to draw with any certainty'. It will be my intention in this paper, by focusing on a series of disjunctions that occur at the level of the image and between the paradigms and practices of viewing, to explore how Lesueur's photographs avoid reiterating any supposed feminine essence or indeed constructing an alternative. The artist has argued that her works solicit ‘deux temps de lecture'; in other words, they produce multiple temporal readings which destabilise the economy and object (or archetype) of the atemporal, appropriative gaze which in her photographs she mimics and subverts. I will suggest that this multiple time of reading is coeval with a photographic process that chiasmatically produces and collapses the body-image. In short, I will argue that what we erroneously think of as the ‘static moment' of the photograph in fact inhibits the coagulation of identity (into stereotype), revealing instead identity and meaning as events.
The relationship between women and photography is historically ambivalent. Marsha Meskimmon has suggested that at its inception, the new art of photography escaped the academicism and hierarchies which dominated established media such as oil painting and as such enabled women artists to take their places more easily within it. In addition, the plasticity of the medium encouraged the use in self-portraiture of ‘a whole host of experimental techniques' (such as double exposure, complex framing, photo-montage and collage) which resulted in representations of the self that were not contained within the referential, psychological, symbolic and deeply unified (and unifying) binds of academic portraiture. As women photographers practising at the turn of the twentieth century brought themselves into representation, it is Meskimmon's claim that they reinvented and renegotiated the symbolically charged tropes of the woman and the female body in art.
Decades later, photographers such as Cindy Sherman (whom Lesueur cites as ‘incontournable') continue to exploit photography by engaging its ludic potential to unlock, diffuse and multiply subject positions ad infinitum. Performing, staging and photographing herself in the guise of innumerable identities (clowns, secretaries, starlets from black and white films, even corpses), Sherman belies the possibility of there being a unified or essential (feminine) self. All is image, all is simulacrum; and beneath the simulacrum, there is nothing, for the simulacrum – as Baudrillard has argued – is a copy without an original. However, in her knowing appropriation and re-working of archetypal images of femininity, Sherman – like Lesueur – solicits the complicity of the spectator, whose role is revealed to be at once affirmative and reductive, ‘supply[ing] the femininity simply through social and cultural knowledge' and ‘showing how ideology works – not by undoing it, but by doing it'. In fact, as the images of ‘this woman' continue to proliferate, the spectator struggles to keep up, forced continually to review hermeneutic positions as the signifiers from which his myths are made slide and change. The resistive, ambiguous materiality of the signifiers deployed by Sherman is explored by Rosalind Krauss, for whom an analysis of the formal properties of the photographs (lighting, paper quality, composition, angle, etc.) opens up a reading of the photographs as operating ‘against the linked conditions of form' and preventing therefore the ‘mobility of the signifier [from coming] to rest in a meaning, itself cut out as the meaning of the signified'. This attention to the flesh of the (photographic) text, which Krauss mobilises to disengage mythical readings of woman as alternatively fetish or abject wound, will inform the present analysis of Lesueur's corpus.
What is at stake in these (accounts of) photographic practices by women is the politically charged interplay between representation and (re)cognition. Both Sherman and Lesueur, within the parameters of a medium that is deeply inflected by the ubiquitous cultural and visual phenomena that are pin-up calendars, advertising, ‘soft' pornography and fashion shots, engage in a complicated transaction with images of femininity that are calqued on and reproduce culturally recognisable normative paradigms of the desirable female subject. It is not surprising, then, that Gauthier Huber observes how for some critics, Lesueur's work represents ‘une concession faite à l'époque, friande d'images glamour'. In fact, I would argue that what is going on in the work of both Sherman and Lesueur is a critical awareness of the structure of the image that ‘deliver[s] up to us that which we are supposed to want to see, and thereby confirm[s] our appetite for the (apparent) thing itself', thus embodying ‘the principle of a self-fulfilling prophecy'. When Lesueur so obviously re-presents the consumables designed to manufacture desire, this generates a kind of unease in the consumer/spectator who at once recognises and confirms the object before him but also his own subordination to it.
Sherman mobilises cinematic tropes to force the viewer into complicity with ‘the way these “women” are constructed: you recognise the styles, the “films”, the “stars”, and at that moment when you recognise the picture, your reading is the picture'. Looking at Lesueur's photographs, the spectator is plunged into the worlds of advertising and high fashion, which Maxim Matray has shown function in her corpus ‘comme ligne d'horizon, comme protocole de vision, mais aussi est surtout comme fonds d'images abstraites'. Her works trigger a rapid and vertiginous process of free association with images rendered familiar, if not iconic, by the countless global advertising campaigns, billboards, posters and glossy magazines which bombard our consciousness every day. For example, the 1998-2000 Jambes and 2001-2002 Frises series (both of which depict lines of daintily posed stockinged legs) inevitably conjure up adverts for famous hosiery brands such as Pretty Polly and Cette. Pressions (1994-1996) and Photographies pressées (1996) cast an obvious nod in the direction of the infamous Aubade adverts, but with an interesting twist. First, the lingerie in Lesueur's photographs has been removed, but remains visible as a negative impression on the models' skin thanks to the indentations caused by constraining lace and elastic. Secondly, the widely reported theft of Aubade adverts from public billboards and their redeployment as works of art in the bedrooms of their ardent collectors is a perfect postmodern irony and one of which, we can assume, Lesueur would approve.
In addition to the canny mobilisation of signifiers (particular clothes and body shapes, for example) which have been commodified (and thus constructed as desirable) within the fashion system, Lesueur exploits the cultural constitution of femininity as being ‘co-extensive with the fashion photograph'. As a ‘protocol of vision', fashion photography constructs ‘Woman' as a consumer product to be advertised. It is for this reason that fashion photography structures femininity ‘in terms of desire', standing even ‘for “desire itself”'. Lesueur's choice of medium (which reveals itself in the angles, composition, lighting and colour used) further encourages a certain kind of reading that positions the subject as object of desire and the spectator as desiring gaze. Circuits of desire, representation and hermeneutics are locked (irrevocably, it seems) into a self-completing circle. However, the medium of fashion photography is perhaps the first signifier to which we must turn our critical attention. In an untitled photograph (dated 1996) from the Pressions series, a model wearing a stretchy, iridescent fuschia top faces away from the camera towards some closed yellow blinds (which suggests that she has nothing to look at, but is there only to be seen). Her perfectly proportioned, bare buttocks occupy the very centre of the picture plane, which is delimited by the top of her left breast and the middle point of her thighs. While the eye of the spectator is immediately arrested by the juxtaposition of highly contrastive colours, the sexy, angular pose and the foregrounding and proximity of the subject's body, it is soon detracted by the circular indentations where the fabric of her pants has previously pressed into her skin; the small bruise on her right leg (in the bottom right corner of the image); the rectangular indentation beneath the left buttock (the mark, perhaps, of a chair or the edge of a table) and a small red mark just beneath that, which could be a birthmark or a patch of psoriasis. The gaze of the spectator oscillates over a double image (rather like those favoured by psychoanalysts, in which you see now a rabbit, now a duck). As a result, and thanks to the clues and obstacles which are placed in his way, the process of signification and his own complicity within it are revealed to the spectator.
The connection between desiring and cognitive consumption is manifest in Lesueur's frequent association of the body with food. Photographs in the 1997-1998 and 2002 series (both entitled Portraits) resemble the close-up head and shoulder portraits that we are accustomed to seeing in hairdressers' magazines, with the remarkable exception that the elaborately sculpted hair of each of the models is dressed with food: slices of ham and cucumber, roll mops, pecan nuts and fish skins, for example. Jambes (1998) is a series of photographs of women's legs which have been encased in highly decorative stockings made from sweets, hams and other foodstuffs; and Aspics (produced in the same year) portrays a succession of women's heads, seen from behind, which have been set in assorted jellies. In an earlier series of photographs made in 1994 and entitled – simply – Divers, richly coloured seafood, sushi and seaweed are used to inscribe the forms of flowers and foliage on pale female bodies. In each of these photographs, only the torso is visible, from the thighs (which occupy the upper half of the image) to the ribcage beneath the (invisible) breasts. The legs are raised and cropped at the knee by the frame, constituting a strong vertical that generates stability and fixity in the image. The pubis, which is partially depilated (and thus, one might say, acculturated), is positioned at the intersection of the horizon with the centre point of the picture plane, drawing attention to itself as a (centralised) locus of both meaning and desire. The faceless body (which is clearly invested with tropes from the orientalist imaginary) is constructed as a surface upon which delights are served and savoured.
All of these images speak obliquely to discourses of diet and body shaping but more particularly to the archetypal notion of a woman's ‘power to create, to generate and to feed desire'. Like the depilated pubis and carefully chosen clothes which serve to acculturate and ascribe meaning to flesh, the foodstuffs used by Lesueur as metonymical displacements of the desire to consume the body have been brought into culture, having been subjected, without exception, to the processes of cooking, curing, salting and preserving. Even the ostensible rawness of sushi is subsumed (or sublimated?) by the complicated aesthetic and ritualistic project which shapes its presentation. Food, like the body, is distanced from the formlessness of the raw and served as a readymade to the approbatory consuming gaze of the eater/spectator. Of course, this raw/cooked binary can be contextualised within discourses of the abject and also Marxist accounts of the commodified fetish. The perfectly confectioned body has erased the very processes of its construction; in other words, it has abjected the (cognitively ungraspable) formlessness upon which its very form is predicated. The glossy sheen of the perfectly formed, cooked and acculturated (what Laura Mulvey calls the ‘fetish's semiotic' ) therefore secretes formlessness within itself. The return of the ‘informe' is made manifest in the spasmodic disruptions which challenge (and choke) the hegemony of the spectatorial construction/consumption, and in the signifiers which refuse to allow ‘the “phallic signifier” to map itself onto the image-form' and thus function ‘in tandem [with these signifiers] to produce cognitive unity'. A kind of nausea is induced, for example, when the spectator realises that the (culturally acceptable) cosmetic adulteration of the hitherto fetishised body is effectuated by food products, which of course (even when cooked), eventually decompose, rot and smell. The fetish thus contains (and is premised on) an abject predisposition to decomposition that generates disgust and fractures the desiring vision of the spectator. As such, a synaesthetic surge of the olfactory and tactile within the clean image of the photograph serves to undo the ocular power of the photograph itself (the producer par excellence of images and stereotypes).
There is a temptation when looking at Cindy Sherman's later work (for example, her images of death, vomit, excretion and decomposition) to correlate abjection with the ‘literalization of formlessness – pictured as chaotic scatter, or detritus, or substances of disgust'. According to Krauss, in Laura Mulvey's analysis of Sherman's photographs, ‘when the veil is lifted, when the fetish is stripped away, the mythic content of a packaged signified – “the monstrous feminine” – nonetheless rises into place to occupy the vertical field of the image/form'. For Krauss, on the other hand, Sherman's work is less about the semantic inscription of the abject than the pull exerted by the formless on form and the visual field more generally. Lesueur's works speak precisely to this idea. With the exception of a short and very early series, Divers (1993), in which the subject's flesh swells to become an excessively soft and lumpy dough and caviar appears to erupt, like a hideous disease, through the skin on the face, Lesueur's portraits remain highly aestheticised and thus, apparently, sublimated and bound within the frame (of the known). Philippe Piguet locates the destabilising tensions that underpin her work in ‘un dosage subtil entre le déplacé et le familier, entre l'inconnu et le reconnu'. What I find useful in Piguet's analysis is his emphasis on these ‘incessants décalages'. He asserts: ‘la question majeure que pose ce travail est directement liée à celle d'un écart. Entre l'être et le paraître, le beau et le laid, le naturel et l'artificiel'. Noting the pertinence of this statement to the double vision I have just described, but remaining wary of its potential to reinstall the binaries (such as true/fake, real/image, authentic/inauthentic) that would pull our attention towards ontological debates concerning the ‘actual' status of the subject and artist, I would like to use Piguet's observation to think through some other desublimating fractures in Lesueur's practice.
A number of fundamental disjunctions can be seen to inhere in the serial form used by Lesueur. Each series is accorded its own generic title but the individual components remain ‘sans titre', reinforcing an internal contradiction between typologies (or branding) of the feminine and the resistance of individual subjects to taxonomic designation, organisation and sorting. Equally, the fact that the individual images within the series are thematically (but not semantically) related to each other works against the production of meaning, thwarting any attempt at narrative organisation within the series. The absence of titles at the level of the individual photographs serves to reinforce the faceless anonymity of the female subjects, who may or may not be the artist herself:
c'est-à-dire que parfois je me suis utilisée moi-même […] mais sans que l'on puisse me reconnaître (mon visage n'est jamais apparu), parfois des amis (complaisants, la plus grosse part) parfois des modèles que je ne connaissais pas et que je payais.
The subjects of the photographs thus resist visual and semantic (re)cognition, which – as I suggested earlier – is inextricably linked, within the paradigm of normative spectatorial encounter, with desire. Paradoxically, the exhibition of the body serves only to obscure the self that the gaze seeks to appropriate: ‘En utilisant des bouts de corps de femme, j'avais le sentiment qu'il s'agissait toujours en quelque sorte d'un même corps, des bouts de corps qui parlent du Corps pour lui-même en dehors du sujet'. We have affair here with the body without a face (‘c'est une têtê, pas un visage'), the body as all bodies; the body before the self: ‘Le Je est en retrait pour qu'il ne reste que le corps'. In contradistinction to the generic conventions of portraiture, Lesueur's portraits are premised on the absence of any cognizable self (for which the face, as Levinas reminds us, typically stands as a metaphor) and also on the interconnectedness of all selves.
A second effect of the series is to generate a surfeit of images (all of which we are supposed to want to see), thereby inducing in the spectator a vertiginous nausea of the kind presumably experienced by the slow-footed but ardent pursuer of the ‘real' woman in Sherman's extended corpus. This surfeit is compounded by the dense network of art historical references into which each of Lesueur's photographs extend and connect. (For example, Piguet distinguishes in just one series references to Ingres, Arcimboldo, Velasquez, Watteau and Hopper.) Although the imaged self resists cognition, it exists in a discursive field constituted by innumerable intertexts which tempt the spectator to construct new (but in practice always provisional) meanings. One photograph in particular from the Tests optiques series (dated 2001) reveals the thickness of the intertextual mass in Lesueur's work. In it, we are presented with a rear view of a woman sitting in a bath of what appears to be milk. As spectators, we are positioned (unbeknown to the subject) at the entrance to the bathroom, much like the voyeuristic observer of one of Degas' bathers. The shape and pose of the woman's back remind us ineluctably of Man Ray's Le Violon d'Ingres (1924), which in turn was constructed as an photographic intertext of Ingres' La Baigneuse de Valpinçon (1808). Man Ray's shrewd appropriation of Ingres' nudes as a means of deflecting the accusations of pornography that attended his own work offers an interesting angle from which we might read the intertextual relation between his and Lesueur's work. The fact that Lesueur's subject is bathing and Kiki de Montparnasse, the subject of Man Ray's photograph, is not represents an intertextual allusion to the latter's own intertextuality. This playful mise en abîme suggests that much more is at stake in Lesueur's use of intertextuality than a surface correspondence of form and content. Kirsten Hoven Powell explains how Man Ray ‘manipulated the photograph in several ways […], [leaving] the evidence of his manipulation on the surface for all to see'. For example, a ‘crisp pencil line' sharpened his subject's left shoulder, thereby ‘approximating the effect […] of the Valpinçon bather's sharply defined left shoulder, torso and leg'. An ink wash was used over the model's buttocks to replicate the effect found in Ingres' painting, and ‘the instrumental decision' was made ‘to apply those sound holes with India ink, transforming the bather's flat back into the violin of the title'. As Man Ray inscribes the photograph, Lesueur inscribes the body, bringing us to the conclusion that the two processes might usefully be read against each other, an idea to which I shall return in a moment.
Another disjunction lies in the double vision generated by the angle and depth of field of individual works. For example, if we take a second look at the 1994 Divers series, the angle and proximity of the bodies we had assumed were laid out for scopic consumption suggest rather that the ‘camera eye' is that of the subject-photographer herself. Lying on her back, with her head, shoulders and knees lifted for the purposes of both view and balance, the photographer reveals to us the (necessarily embodied) vision of (a part of) her own body and at the same time, in the curve of her posture, removes her torso from the spectator's gaze. The consumerist display slides into the scene of a subject's cataplectic pleasure and absorption in the (serialised and therefore constantly changing, rather than immanent) landscape and writing of her own body. What may have appeared at first as a displayed, fetishized fragment now returns in a plenitude that dissolves the binaries of subject and object, photographer and model.
The large format of Lesueur's photographs is another signifier that generates important hermeneutic consequences. Martine Beugnet has argued in her perceptive analysis of the function of the close-up in recent work by women filmmakers that this kind of camera work ‘(forcibly) brings the eye where it would not normally look', bringing the spectator into an absolute proximity that ‘creates uncanny intimacies and shows us the body as we rarely dare look at it – as an organic mass bearing the marks of a process of decomposition that is barely visible to the naked eye'. Ultimately, Beugnet asserts, ‘the extreme close-up brings us beyond the point of recognition, where the body becomes matter and falls into the realm of the unnameable'. Lesueur does not use digital cameras (except at the ‘test run' stage, when she works up the composition and lighting of the tableau she will photograph), and nor does she manipulate the photos she has taken by digital means. Rejecting the ease and instantaneity offered by new technologies, she uses instead 5x4 inch film and an unwieldy, time-consuming Studio Sinar camera, a combination which allows her to produce the very large prints that characterize her practice. Closing down the aperture and printing on fine grain ektachrome film allow her to create a depth of field that brings into relief the finest details of the subject she is photographing: the escaped pubic hair, blisters, ‘boutons, bleus, poils, kilos' (which, incidentally, also inhibit the direct mapping of the stereotype onto the real body). Lesueur's attention to the material properties of the camera, light, aperture and film enable her not only to produce the desired image but also an image which – in its size and detail – overflows the very confines and limitations of the eye. In this sense, the details of Lesueur's function rather like the Barthesian punctum; the ‘blind field' outside the photograph, or the real:
Par l'emploi du grand format, je joue sur la capacité de la photographie à enregistrer plus que l'oeil ne peut voir. Mes images n'ont pas pour objet de tromper le regard mais lui propose de mettre en oeuvre son exactitude par une focalisation plus ou moins progressive. D'où l'importance du format final des photographies et des deux temps de lecture. De loin, on voit une résille, une perle, une dentelle ; de près, on voit le caviar, la colle, la peau du saumon, etc.
As this quotation makes clear, readings of Lesueur's photographs are therefore necessarily multiple. The first reading – at a distance – affords the spectator a sense of the whole, but at the expense of detail. There is, then, a call upon the spectator to come closer; and yet, when the second reading takes place, proximity, detail and compelling haaecceities (in the form of the texture, imperfections and interruptions I have just mentioned) bring the spectator into a relation with a fragment which inhibits the cognitive and scopic appropriation of the whole. Furthermore, the highly reflective plexiglass frames in which the photographs are always encased (Lesueur specifies ‘[une] plastification ultrabrillante') throw spectators back upon themselves and into the gallery space at the very moment in which the proximal encounter with the image is enacted. When displayed as a series, a rhythm emerges between one photograph and the next as the subjects variously fold and unfold, curl and stretch, hunch and hang. This wave of movement (which changes with each exhibition and each hanging) blows a kind of elusiveness through the static postures of the individual models and as a result spectatorial contemplation undulates, is mobilized and diffused. Always embodied in space and time, the eye of the spectator is literally grounded, jammed and unable to perform the magical ‘survol' in which the image is synthesised as both detail and totality. The spectatorial encounter is a ceaseless (and irresolvable) ‘va-et-vient' which ‘imitates and simultaneously exposes the conventional economy of the gaze'.
I have so far concentrated on the series in which Lesueur inscribes and adorns the body by applying food and other substances in decorative form. However, Lesueur is also concerned with the manner in which the means of inscription might be provided by the body itself, in organic synergy with external forces. Marks are made through the application of pressure (often from the lightest of materials - pearls, feathers or lace, for example) or epidermal reactions to a cataplasm. In the case of Tests optiques (1999-2001), a mustard poultice is applied to the model's skin by means of a stencil and left for about two hours. It takes a further two to eight hours after washing away the poultice for the red marks to begin to appear, and they then remain visible on the skin for approximately two to three weeks. In the untitled 2005 series of black and white close-ups of the faces of sleeping men, the models' skin has been impressed with feathers and foliage by means of a complicated process which Lesueur describes thus:
J'ai rigidifié mes plumes avec de la résine, du vernis. J'ai fait un moulage en plâtre du visage de mes modèles (avec trou à la bouche et trous de nez pour respirer). Ensuite, les plumes sont placées sur le visage (j'anticipe le plus possible les emplacements des marques - pas complètement, car la peau ne marque pas toujours de la même manière) puis fixées dans le moule. Enfin, le moule est pressé sur le visage à l'aide d'un sac de sable (30/40 kg) pendant 20 minutes. C'est contraignant pour le modèle, un peu « claustrophobant » (ils ne voient rien ne peuvent pas parler), [puisqu']ils sont allongés, avec ces poids sur le visage! Ensuite ils se relèvent et posent assis, la tête légèrement appuyé sur l'oreiller qui est fixé verticalement.
Cela doit être très rapide pour que la marque soit bien en relief (ce qui disparaît très vite). Même si toute cette contrainte affligée au modèle n'est pas un but en soi je pense que cela participe à l'ambiance général, à l'expression assez vulnérable dont ils sont porteurs. Aussi le fait qu'ils ne soient pas couchés, et qu'ils doivent continuer à « porter » leur tête, renforce une certaine étrangeté, ils ne peuvent pas s'abandonner complètement comme on peut le faire dans le sommeil.
Three important points emerge from this explanation. First, each body reacts differently to the external energies which play upon it, and also in different time frames. Secondly, it is with a certain awkwardness and difficulty that the signs are imprinted on bodies that are at once vulnerable and resistive. Thirdly, these autologous marks and texts are ephemeral; the body breathes, opening and closing over them, leaving no trace and no permanent scar. It seems to me, therefore, that Lesueur's work attends to the ‘processes, flows, [and] in-between status [which] have to be taken into serious account, that is, into conceptual representation'.
Paradoxically, Lesueur makes manifest this perpetual sense of becoming in the still of the photograph, thereby undoing the mythic significations which typically emerge from the medium and help constitute normative readings of its subjects. Peter Wollen has described how for Barthes, ‘the moment captured in the image is of near-zero duration and located in an ever receding “then”'. In contradistinction, Lesueur's photographs reinstall the thickness of time (as an intensity of past, present and future). For example, the marks on the models' skin in Tests optiques have taken time to produce (in the photograph's past) but in their extreme ephemerality they also allude to the future (serving as a result to trouble the hitherto immutable present of the image). The dirt on the bathtub in which a model sits discloses its long-term neglect in the past, but the milk with which it is filled threatens soon to go cold and thus indicates a time beyond the present of the image. The decomposition alluded to in the dirty, chipped tiles, shabby sofa and peeling skirting boards against which subjects are photographed exists in a kind of temporal ‘chassé-croisé' with the painterly emphasis on the composition and staging of the scene. The serial organisation of her corpus points not to teleology but to ‘a flux of successive becomings' that resist temporal and narrative connection. We might say, therefore, that the time of Lesueur's photographs is not approached ‘in terms of a before and an after but instead […] regarded as an entirely disclosing moment in itself'.
In the light of these observations, I feel there are some further important parallels to be drawn between the corporeal markings in Tests optiques and the photographic process itself. The photograph is a chemical and photosynthetic reaction. It reacts variously, like the skin, to exogenous stimuli. The photographic impression – like the marks on the skin – takes time to develop before eventually beginning to fade. Similarly, bodily inscriptions are synaptic; that is to say, produced – like photographs – at the point of contact between energies. Consequently, these corporeal marks function within the photograph as a mise en abîme of the photographic process itself and also as a comment on the instability and ephemerality of the image. Just as the photograph fades, so the indentations will slowly plump out and disappear. The red marks and rashes that are caused by the mustard poultice in the Tests optiques series fade over time to invisibility. In the case of the marks produced by the feathers being pressed into the skin, at the very moment the pressure is removed, the marks begin to disappear, and the jellies on the models' heads begin very quickly to melt under the lights of the photographer's studio. What all of this reveals is a chiasmatic relation between (or a fulcrum of energy in which) the construction and deconstruction of the photograph, body and image simultaneously take place. By foregrounding the materiality of the body/signifier and revealing it as particular and resistive, Lesueur discloses the evental (rather than ‘natural') status of identity and meaning.
Consequently, if we accept that identity and meaning are events, we posit them as a resistance to the mirror (a frequent trope in women's portraiture and self-portraiture), a tool which – as both Irigaray and Beauvoir have shown – frames, fixes and enables the contemplation of a subject constituted as an immutable totality and reduced to that which can be seen. For Lesueur, the ambiguity of the lens enables ‘the guarantee of non-closure in the practice of subjectivity'. The inscriptions on the bodies of the Tests optiques series are not mirror writing. They had to be written backwards in order to be read forwards (a device that troubles the normative paradigm of viewing a woman's body in representation). This is clearly a comment on the distortion which has to take place in order for the normative spectatorial encounter with the woman's body to occur. Moreover, the signs which Lesueur inscribes on the body mean nothing. In the Tests optiques series, the models' bodies are marked with an eye test – some in Latin script, others using hieroglyphics, pictograms or dials. While these markings function as a form of seduction and a call to interpretation (read me! eat me!), ultimately, they serve to disrupt the privileged link between seeing and knowing because, as eye tests, they imply already that the spectator's vision is impaired or has degenerated, and therefore requires correction. It is in these ways that Lesueur ruptures archetypal readings and challenges normative viewing paradigms.
In this sense, while Lesueur's works endorse the idea of the simulacrum, they also at another important level resist the dematerialization of the body which is brought about in postmodern art practice. I would suggest, in fact, that Lesueur's practice might on the contrary be understood as an attempt to ‘speak the corporeal'; to address Irigaray's imperative to work towards ‘different conceptions and symbolizations of the relationship between the biological and the imaginary body which is socially and culturally produced'. On the one hand, the body is a surface upon which images might be projected. As Mark Taylor puts it:
our world is characterized by a proliferation of images in the media that multiply at a speed exceeding rational calculation and control. This explosion of images implodes on the surface of civilization and skin of our bodies. We are all tattooed by the media whose creation we have become.
However, as I have just shown, Lesueur engages the body in a synergistic circulation of energies and as such reveals a body that is rather like Bogue's reading of the Deleuzian sign – in other words, less representative of things than an intervention in them. This idea has been explored by Elizabeth Grosz who construes the body as an ‘intensely energetic locus for all cultural production', having ‘impetus and energy', rather than simply being a ‘location' or ‘recalcitrance'. For Grosz, it is difficult to imagine the body as ‘a blank, passive page, a natural “medium” or signifier for the inscription of a text'; rather, ‘the specific modes of materiality of the “page”/body must be taken into account: one and the same message inscribed on a male or a female body, does not always or even usually mean the same thing or result in the same text'. Lesueur's focus on the hegemonic imaginary which circumscribes the female body reveals a similar awareness of the body as a materiality in complex interaction with the cultural.
In conclusion, I would like to recast debates concerning Lesueur's ‘suspect' (because ‘anti-feminist'?) ‘commercialism' in the light of Rosi Braidotti's argument that ‘the political gesture consists firstly in situating oneself at the crest of the contradictions that are constitutive of the social and symbolic position of women, and secondly in activating them towards the destabilization of the socio-symbolic system and more especially of the asymmetrical power relations that sustain it'. Lesueur's photographs – in their attention to the density and ambivalence of signifiers at the levels of content, support and surface – both stimulate and inhibit mythical readings of the feminine subject, thereby revealing the constructedness of meaning and identity. Innumerable intertexts further serve to release signifiers and signifieds from their points of connected anchorage. By inducing double visions and double readings, and by blurring the edges between photographer and model Lesueur recasts hegemonic identities and images as ludic ‘doubles je(ux)'. In contradistinction to the idea that she reiterates a fixed imaginary, I would like to finish by suggesting that for Lesueur, like Deleuze, ‘indiscernability, imperceptibility, and impersonality remain the end points of becoming'.
Natacha Lesueur, 'E-Mail Interview with Natacha Lesueur', ed. by Amanda Crawley Jackson (Sheffield and Paris, November 1st 2006). This will hitherto be referred to as ‘Interview' (2006).
‘Interview', (2006). The paradox is heightened by Lesueur's incorporation of the negative edge numbers in the final prints of some of her works (notably Tests optiques), which imbricates the simulacrum in an (aporetic) forensic reality.
Elizabeth Grosz, Volatile Bodies: Toward a Corporeal Feminism (Bloomington: Indiana University Press, 1994), p. 144.
Here, I make grateful use of a term coined by my postgraduate student, Matthew John, whose work on the relationship between photography and time has prompted many of my reflections in this regard.
Marsha Meskimmon, The Art of Reflection: Women Artists' Self-Portraiture in the Twentieth Century (London: Scarlet Press, 1996), p. 159
Lucy Lippard writes of women artists in the mid-twentieth century: ‘The inexpensive, ephemeral, unintimidating character of the Conceptual mediums themselves (video, performance, photography, narrative text, actions) encouraged women to participate, to move through this crack in the art world's walls'. Lucy Lippard, Six Years: The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972 (Berkeley: University of California Press, 1997), p. xi.
Judith Williamson, ‘Images of “Woman”: The Photography of Cindy Sherman', in Hilary Robinson (ed.), Feminism-Art-Theory: An Anthology 1968-2000 (Oxford: Blackwell, 2001), pp. 453-459, at p. 454. Originally published in Screen, 24:8 (1983), 102-106.
Rosalind Krauss, ‘”Informe Without Conclusion”', October, vol. 78 (Autumn, 1996), 89-105, at p. 93.
Gauthier Huber, ‘Natacha Lesueur', Kunstbulletin, 3 (March 2004), 32-33.
Lisa Downing, ‘Baise-Moi or the Ethics of the Desiring Gaze', Nottingham French Studies, 45:3 (Autumn 2006), 52-65, at p. 63.
Williamson (2001), p. 454.
Maxime Matray, ‘Natacha Lesueur' in the catalogue to accompany Lesueur's solo exhibition at the Villa Arson in Nice, 1997. www.natachalesueur.com/articles/cat_Villa_Arson_1997.jpg (Accessed 30/01/2007).
Jennifer Craik, The Face of Fashion: Cultural Studies in Fashion (London: Routledge, 1994), p. 92.
Ibid. Craik cites from C. Evans and M. Thornton, Women and Fashion: A New Look (London: Quartet Books, 1989), p. 107.
Helen Michie, The Flesh Made Word: Female Figures and Women's Bodies (Oxford: Oxford University Press, 1987), p. 133.
For example, Julia Kristeva, Pouvoirs de l'horreur: Essai sur l'abjection (Paris: Editions du Seuil, coll. Essais, 1980 [1979]).and Mary Douglas, Purity and Danger: An Analysis of Concepts of Pollution and Taboo (London: Ark, 1984).
Laura Mulvey, ‘A Phantasmagoria of the Female Body: The World of Cindy Sherman', New Left Review, no. 188 (July-August 1991), p. 148.
Krauss (1996), p. 95.
ibid. Here, Krauss refers to what she has called elsewhere the ‘bulimia/vomit/disgust' photographs made by Sherman in 1987-1991, and which provided Laura Mulvey in particular with the materials to make such a correlation.
Rosalind Krauss, Cindy Sherman, 1975-1993 (New York: Rizzoli, 1993), p. 193.
Philippe Piguet, ‘Natacha Lesueur', L'Œil, 521 (November 2000), 64-67, at p. 67.
Ibid.
‘Interview', (2006).
ibid.
ibid.
Piguet (2000, p. 67) admits that these intertextual references might be intererpreted as the findings of ‘un regard qui cherche à tout prix le principe d'un syncrétisme savamment élaboré là même où il n'y a somme toute que les effets croisés et subis d'une culture de la modernité'. However, like the fashion photography and culinary arts upon which Lesueur might also be seen to draw in her work, they function as ‘un référent esthétique largement absorbé par une passion irrésistible pour la belle manière'.
Kirsten Hoving Powell, ‘Le Violon d'Ingres: Man Ray's Variations on Ingres, Deformation, Desire and de Sade', Art History, 23:5 (December 2000), 772-799, at p. 780
Martine Beugnet, ‘Close-up Vision: Re-mapping the Body in the World of Contemporary French Women Filmmakers', Nottingham French Studies, 45:3 (Autumn 2006), 24-38, at p. 25.
‘Interview', (2006).
Jane Gallop, ‘The Pleasure of the Phototext', in Liz Heron and Val Williams (eds.), Illuminations: Women Writing on Photography from the 1850s to the Present (London: I.B. Tauris, 1996), pp. 394-402.
‘Interview' (2006).
Elisabeth Bronfen, Introduction to Lothar Schirmer (ed), Women Seeing Women: A Pictorial History of Women's Photography from Julia Margaret Cameron to Inez van Lamsweerde (Munich: Schirmer Art Books, 2002), p. 15.
‘Interview', (2006).
Rosi Braidotti, Metamorphoses: Towards a Materialist Theory of Becoming (Cambridge: Polity, 2002), p. 63.
Peter Wollen, ‘Fire and Ice' in Liz Wells (ed.), The Photography Reader, (London: Routledge, 2003) pp. 76-81, at p. 76. We might compare Barthes' understanding of the temporality of the photograph with Henri Cartier-Bresson's assertion in Images à la sauvette (Paris : Editions Verve, 1952), p. 6 : ‘nous jouons avec des choses qui disparaissent'.
Again, I am grateful to Matthew John for this commentary on the nature of time in the photograph.
Braidotti (2002), p. 39.
Rosemary Betterton, An Intimate Distance: Women, Artists and the Body (London: Routledge, 1996), p. 16.
Mark C. Taylor, Hiding, London: University of Chicago Press, 1997, p. 143.
Ronald Bogue, Deleuze on Music, Painting and the Arts (London: Routledge, 2003), p. 82.
Grosz (1994), p. 147.
ibid., pp. 155-156.
Rosalind Pollack Petchesky has shown how scientific discourses of the human body have, in recent years, addressed the same question ‘Foetal Images: The Power of Visual Culture in the Politics of Reproduction', in M. Stanworth (ed.), Reproductive Technologies: Gender, Motherhood and Medicine (Cambridge: Polity Press, 1987).
Braidotti (2002), p. 28.
ibid., p. 179.
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