Ahram LEE 

un mètres
Travail en cours depuis 2013
Exposition Ouverture d’Ateliers d’Artistes, Marseille, 2013


le mètre est défini, depuis 1983, comme la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1/299 792 458 seconde.

j’ai demandé aux gens d’estimer un mètre au nez.
lors d’une ouverture d’atelier, les visiteurs ont été sollicités pour faire un cordon d’un mètre avec un cordeau de maçon, sans utiliser de règle. chaque cordon a été mis dans une pochette transparente numérotée, et rangé sur la table, qui servait d’accueil pour le projet. les participants pouvaient laisser leur coordonnée s’ils le souhaitaient, afin de les mettre au courant de l’évolution de ce travail.
176 cordons ont été faits depuis le début du travail.

à partir de chaque mètre-étalon prélevé, en l’utilisant comme unité de mesure, je fabrique une table d’un mètre, sur laquelle se trouvent des feuilles, au format a4 ; re-dimensionné proportionnellement par rapport à nouvel étalon ; et le cordon.

- la table
faisait un mètre. personne, y compris moi, ne le savait.
je ne m’en suis rendue compte qu’au bout d’une journée, après quelques dizaines de passages. même ceux qui mettaient la corde contre le côté mesurant un mètre pour avoir la ficelle bien tendue, ne réalisaient pas que leur cordon était sur la longueur exacte qu’ils cherchaient. cette table, anecdotique, dans l’angle mort au centre de la scène, qui est à la fois la bonne et la mauvaise réponse, je la souligne. pour la mémoire du moment, voilà la table-étalon, pour chacun de ces mètres.
même pour la table rase, il lui reste toujours la table.

- le tas de a4
les feuilles a4 étaient disposées pour noter les coordonnées des participants. certains ont eu l’idée de l’utiliser pour mesurer un mètre, sans y arriver vraiment.
un tas de feuilles, notées de quelques renseignements sur le travail présent, en a4 ; format officiel, banal, rigide, chiant, quotidien, attestant, reproduisant, expliquant ; se posera ici sur la table, étant ré-dimensionné, servira de feuille de salle.

- le cordon
rappelant inévitablement le geste de duchamp, mais choisi aussi, ou plutôt, pour sa mobilité, sa facilité de manipulation, et sa possibilité d’être autant rigide que souple, le cordeau de maçon me permet d’exécuter le prélèvement même en dehors de mon atelier.

pour toutes les productions, je n’utiliserai pas la « vraie » règle. aidée par tous les moyens sauf se référer aux reproductions conventionnelles du mètre-étalon. par conséquent, la plupart des processus serait « fait-main », et en cas de besoin d’une collaboration, je ne communiquerai les dimensions avec les autres que par des gabarits (par exemple, pour découper les ramettes de papier en a4 re-dimensionné). les outils servis pour mesurer, seront visible dans l’ensemble de l’installation, soit tels quels, soit sous forme d’une documentation.

 

 

un mètres
Travail en cours depuis 2013
Exposition Ouverture des ateliers de Lorette dans le cadre du PAC 2015, Marseille


Ce travail est à ce jour, dans une phase «préparatoire», induisant une éventuelle déviation, voire une activité en parallèle par rapport à son chemin prévu. gardant toujours en tête la possibilité de sa réalisation, je trace les étalons, marqués de toutes les mesures nécessaires pour fabriquer chaque table ; pour ce faire, j’emploie le principe de la construction ou tout autre moyen, sauf celui d’utiliser le système métrique.

 

un mètres
Travail en cours depuis 2013
Exposition Ouverture des ateliers de Lorette dans le cadre du PAC 2015, Marseille

Jj’utilise l’idée de « un mètre » comme un outil à forger l’incertitude et l’expérience hors-repère. la corde devient corde-étalon à l’appuis des deux autres éléments ; la table et le tas de feuilles ; et cette boucle triade qui s’articule autour d’une représentation de « une certaine distance parcourue par la lumière pendant un certain temps » entend et s’entend, parmi les autres. ce qui m’intéresserait ici est non seulement de relativiser et de perturber le code, mais aussi de tisser le contexte pour qu’une nouvelle organisation surgisse ; moins précise et passe-part-tout, mais plus souple ; comme une langue. j’essaie ici de saisir le lieu où la chose comme un mètre, si universelle et triviale, révèle son aspect potentiel de l’intraduisibilité, et commencer à être un langage. la pluralité des choses, entendue comme la pluralité des hommes d’après hanna arendt, fait la condition indispensable pour ce projet, et pour plupart de mes recherches en général.

( ... ) Mais sous sa forme la plus élémentaire, la condition humaine de l’action est déjà implicite dans la Genèse. (« Il les créa mâle et femelle ») si l’on admet que ce récit de la création est en principe distinct de celui qui présente Dieu comme ayant créé d’abord l’homme (Adam) seul, la multitude des humains devenant le résultat de la multiplication. L’action serait un luxe superflu, une intervention capricieuse dans les lois générales du comportement, si les hommes étaient les répétitions reproduisibles à l’infini d’un seul et unique modèle, si leur nature ou essence était toujours la même, aussi prévisible que l’essence ou la nature d’un objet quelconque. La pluralité est la condition de l’action humaine, parce que nous sommes tous pareils, c’est-à-dire humains, sans que jamais personne soit identique à aucun autre homme ayant vécu, vivant ou encore à naître.
( ... )

Condition de l’homme moderne, Hanna Arendt


Ce projet est soutenu par la DRAC PACA au titre de l’aide individuelle à la création pour l’année 2014

 
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