Les Sculptures n'étaient pas blanches 2020
Capture d'écran
Vidéo, durée 15 m |
Les Sculptures n’étaient pas blanches. Beyond whiteness. Intersecting aesthetic and political contestations to the colonial order
La vidéo Les Sculptures n’étaient pas blanches met en scène deux types de résistances – politique et esthétique – aux traces matérielles du colonialisme à Marseille que constitue une partie de son héritage monumental : Les Colonies d’Afrique (1925). Réalisée par l’artiste Louis Botinelly, cette sculpture fut commandée par la ville en 1922 à l’occasion de l’exposition coloniale. Elle célèbre une allégorie du continent africain sous la forme d’une femme nue et lascive qui construit le message colonial par une représentation de l’Afrique de type primitiviste.
En reposant sur une action narrative qui capte l’artiste en train de nettoyer des traces de peinture rouge, l’oeuvre dévoile différentes histoires de résistances. Ces histoires concernent d’abord le domaine politique. L’artiste révèle le geste d’un groupe de mlilitants anticoloniaux qui, en juillet 2020, dans le sillage de Black Lives Matter, fut responsable d’un acte iconoclaste de projection picturale sur la sculpture. Elles sont ensuite de type esthétique. Mettre au jour l’aspect changeant de de la couleur de la statue, qui de blanche se voit maculée de rouge, permet à l’artiste de rappeller combien, dans le projet esthétique moderne, le paradigme de la blancheur visait à enraciner les beaux-arts dans un canon où, par le biais de la couleur, les catégories esthétiques étaient déterminées par les catégories raciales.
Les usages du monument colonial dans l’oeuvre développent également un discours sur le rôle du passé dans la compréhension du présent. Vêtu d’un bleu de travail, l’artiste se met en scène dans un rituel de nettoyage qui convoque la figure des immigrés maghrébins venus en France pour nettoyer et reconstruire la France des Trente glorieuses. Le monument colonial renvoyant à un passé traumatique devient ainsi une ressource pour sonder la violence structurelle du colonialisme quand le présent renvoie inlassablement les immigrés aux tâches subalternes.
Enfin, les usages du monument colonial dans l’oeuvre développent un commentaire sur les différentes modalités de gestion de l‘héritage colonial au sein des métropoles et les tonalités affectives qu’elles peuvent prendre, entre violence et résilience. L’oeuvre enregistre le geste anti-colonial d’ordre militant qui témoigne d‘une modalité basée sur l’action violente, similaire à celles opérant lors des déboulonnages des statues de Cecil Rhodes et Edward Colston au Cap (2015) et à Bristol (2020). Mais elle développe en contrepoint la propre perspective de l’artiste autour du monument. De l’ordre du care, la décolonisation effective du site colonial qu’elle propose ouvre le registre affectif à l’espoir. Le fait que l’artiste s’occupe de la sculpture dans la vidéo dans un registre de gestes doux et attentifs suggère en effet la possibilité de se distancer des anciennes relations de pouvoir.
Marine Schütz septembre 2020 |
Les Sculptures n'étaient pas blanches. Beyond whiteness. Intersecting aesthetic and political contestations to the colonial order
The video Les Sculptures n'étaient pas blanches stages two types of resistance - political and aesthetic - to the material traces of colonialism in Marseille constituted by a part of its monumental heritage: The Colonies of Africa (1925). Created by the artist Louis Botinelly, this sculpture was commissioned by the city in 1922 for the colonial exhibition. It celebrates an allegory of the African continent in the form of a naked and lascivious woman, constructing thereby the colonial message through a representation of Africa of a primitivist type.
Based on a narrative action that captures the artist cleaning traces of red paint, the work reveals different stories of resistance. First of all, these stories concern the political field. In the video, the artist reveals the gesture of a group of anti-colonial militants who, in July 2020, in the wake of Black Lives Matter, were responsible for an iconoclastic act of pictorial projection on the sculpture. They are then of an aesthetic type. Bringing to light the changing aspect of the color of the statue, which initially white becomes stained with red, allows the artist to recall how much, in the modern aesthetic project, the paradigm of whiteness aimed at rooting the fine arts in a canon where, through color, aesthetic categories were determined by racial categories.
The uses of the colonial monument in the work also develop a discourse on the role of the past in the understanding of the present. Dressed in a blue overalls, the artist stages himself in a cleansing ritual that summons the figure of the Maghrebi immigrants who came to France to cleanse and rebuild France of the 30-year post-war boom. The colonial monument referring to a traumatic past thus becomes a resource for probing the structural violence of colonialism when the present tirelessly sends the immigrants back to their menial tasks.
Finally, in the work, the uses of the colonial monument develop a commentary on the different modalities of handling colonial heritage within metropolises and the emotional tonalities they can take on, between violence and resilience. The work records the anti-colonial gesture of a militant order that bears witness to a modality based on violent action, similar to those that took place during the unbolting of the statues of Cecil Rhodes and Edward Colston in Cape Town (2015) and Bristol (2020). But it develops in counterpoint the artist's own perspective around the monument. In the realm of care, the effective decolonization of the colonial site that he proposes opens the emotional register to hope. The fact that the artist deals with the sculpture in the video in a register of soft and attentive gestures suggests indeed the possibility of distancing oneself from the old power relations.
Marine Schütz, september 2020 |