Mohammed LAOULI 

« La mer est histoire », pour reprendre la citation de Derek Walcott dans le texte de Bonaventure Soh Bejeng Ndikung [1], à propos du travail de Katrin Ströbel & Mohammed Laouli. Elle devient territoire au fil des histoires collectives ou singulières de déplacements, circulations et migrations. Les deux artistes nous l’esquissent sans en tracer les limites : le projet s’appelle Frontières fluides. Au moyen d’une barque de fortune créée à partir de ce qu’ils trouvent sur place, Katrin Ströbel et Mohammed Laouli défient les frontières, les affrontent. L’action se situe dans les ports de Rabat-Salé, Playa Blanca, Amsterdam ou Marseille. L’ensemble des photographies tient pour document de leur traversée performative. À l’instar de leur vie mobile d’artiste, ils passent d’une rive à l’autre – Katrin Ströbel est allemande, installée à Marseille et engagée sur la scène artistique marocaine, Mohammed Laouli vient de Salé et vit et travaille entre le Maroc, l’Allemagne et la France. Dans un premier temps, il y a la construction de la barque dans l’espace public, objet de médiation pour recueillir les paroles, les expériences, les histoires d’exil. Les témoignages accompagnent le travail photographique des artistes à travers une bande son ou dans des citations associées aux images. Ils rendent compte de la réalité de leur mobilité. Le territoire est public, l’œuvre est commune.
Puis, il y a le temps de la traversée - celles des artistes et celles évoquées dans les récits - qui implique d’autres protagonistes. Le territoire est à tous [2] mais il est bien gardé. À Playa Blanca, la traversée n’aura pas lieu malgré les négociations quotidiennes avec les autorités locales. Bahja[3] le pêcheur convoque l’histoire pour rappeler que la colonisation est arrivée par les ports. Yassin [4] témoigne, lui, de sa traversée en tant qu’enfant de la mer, de la marchandisation des passeurs. Marwan parle de l’utopie qui motive et nourrit la traversée. Quant à Emmanuel, il évoque la poétique de l’attente, du morcellement, celle d’Une vie pleine de trous [5] qui mérite cependant d’être vécue.
Katrin Ströbel et Mohammed Laouli habitent ce territoire d’entre-deux où l’on vit et meurt, ce territoire où l’on est « présent en tant que passant » [6].

Madeleine de Colnet pour le catalogue de l'exposition Africa is No Island.

1] Bonaventure Soh Bejeng Ndikung « The Paradoxicality of the ‘Transitzone’ » in Frontières fluides II, 2016, Mohammed Laouli et Katrin Ströbel
[2] Depuis 1982, la Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer attribue aux états côtiers certains droits souverains en fonction de la distance de la côte. Au-delà de cette juridiction nationale se trouve la Zone internationale qui a le statut de « patrimoine commun de l’humanité ».
[3] Témoignage retranscrit dans Frontières fluides, Mohammed Laouli et Katrin Ströbel, 2014, Le Cube-independant art room, Zeppelin Museum Friedrichshafe
[4] ibid.
[5] Driss ben Hamed Charhadi, Une vie pleine de trous, ouvrage cité dans la citation d’Emmanuel.
[6] L’expression est tirée de l’interview d’Achille Mbembé sur France Culture à propos d’un avenir sans frontière et de l’importance de repenser la question de l’identité en dehors des frontières excluante mais dans un état “d’être passant”.

 

The project Fluid Boundaries by Katrin Ströbel and Mohammed Laouli takes movements of migration and transit between Europe and Northern Africa as a starting point to examine the cultural, social and economic impacts of colonialism and European migration politics in Europe and Northern Africa. At the same time it explores how these issues influence the identity and everyday life of artists in an era of a globalized art world.
The artists have developed an installation of a "nomadic-boat" (a temporary shelter built on local boats) as a symbol for the voluntary as well as involuntary forms of nomadic life today: unstable, temporary, precarious, always in motion, in transit.
Make passages, overcome or accept borders has become an important part of everyday life for artists, but it describes also the reality of thousands of migrants that crossed the seas in the last centuries: From Europe to America, from Africa to Europe, from Old Europe to the New World, from one life to another, back and forth.
Until now, the project in progress took place in Rabat/Salé, Playa Blanca, Amsterdam and Marseille. Right now it continues in Friedrichshafen (Germany) and Bregenz (Austria) at Lake Constance. Lake Constance is the only area in Europe where no borders exist, because there is no legally binding agreement as to where the borders lie between Switzerland, Germany and Austria.
 
35° 49‘ N, 5° 43‘ W et Frontières fluides 2013-2015
Serie de photographies, 80 x 110 cm / 50 x 35 cm
Ed 7 + 3 AP
 

Série de calligraphie 2014
Ink jet print, aquarelle, 35 x 50 cm chaque
Ed 7 + 3 AP
De droite à gauche:
L‘exile ou la mort / Le colonialisme n‘est pas entré en brodequin / L‘hreg, c‘est simple

 
Vues d'exposition, Le Cube - independent art room, Rabat, Maroc, 2015
 
Frontières fluides / Marwan
Projection en boucle
 
Frontières fluides / Rachid
Projection en boucle
 
Frontières fluides (Rabat-Salé) 2014
Photographie, 50 x 35 cm
Ed 7 + 3 AP
 
Frontières fluides (Rabat-Salé) 2014
Photographie, 50 x 35 cm
Ed 7 + 3 AP
 

 
Frontières fluides, Amstelpark, Amsterdam, 2014
 

 
Vues d'exposition, Galerie Lisi Hämmerle, Bregenz, Autriche, 2014
 
Géographies 2014
Diptyque, objets trouvés, fragment d'un passeport sénégalais, dessin/texte, 35 x 55 cm chaque
 
Frontières fluides, Lac de Bregenz, Autriche, 2015
 

 
Frontières fluides, Marseille, 2015
 

 
Frontières fluides (Yassin, Marwan, Rachid, Abderrahim)
Installation vidéo HD/16/9, 25 minutes
Vue d'exposition, Zeppelinmuseum Friedrichshafen, Allemagne, 2015
 
Frontières fluides, Lac de Constance, Allemagne, 2015
 

 
L'exile ou la mort 2017
Ink jet print, drapeau, 120 x 200 cm
Ed 5 + 2 AP
Vue de l'exposition WeltenWanderer, Museum Mülheim, Allemagne, 2017
 
Vue de l'exposition Africa Is No Island, Museum of African Contemporary Art, Marrakech, 2018
 
En savoir plus : voir l'édition liée au projet, Le Cube – Independent Art Room, Rabat / Zeppelin Museum Friedrichshafen, Allemagne, 2015
 
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