Thierry LAGALLA 

Niçois, ne suis d’origine. Niçois, suis devenu. L’honneur de présider la Mission pour l’inscription de Nice sur la Liste du patrimoine mondial et la responsabilité qui m’a été confiée d’assurer le commissariat général d’un programme biannuel d’expositions m’ont permis de mieux connaitre cette ville et, tout simplement, de l’aimer.

Pour moi qui fus, entre autres fonctions, président du Centre Pompidou, l’un des traits les plus passionnants et les plus attachants de cette ville est son inlassable capacité à s’attacher des artistes, à abriter des expériences artistiques inédites et à stimuler la création. C’est là que Matisse accomplit la révolution des papiers découpés. C’est là que s’est cristallisé ce phénomène protéiforme dont les rebondissements sont incessants qu’est « l’École de Nice » dont on célèbre, cette année, le 70e anniversaire. C’est là encore, sur les rives de la baie des Anges, que d’excellentes galeries déploient leur activité visant, souvent, à mettre en valeur le travail des artistes de ce terroir hors du commun. Parmi ces artistes – pour ne citer que quelques-uns de ceux qui ont un pied dans l’histoire – comment ne pas évoquer Ben, Noël Dolla ou encore Jean Dupuy et, pour ceux qui sont définitivement partie prenante de cette histoire, Yves Klein et Arman.

Thierry Lagalla est issu de ce terreau dont il se revendique, d’ailleurs, de façon militante. La découverte de son travail a été pour moi une révélation, attiré que j’étais, au départ, par sa pratique d’un « art rapide », le dessin, qu’il a pris le parti de souvent cantonner dans ce format qu’il dit « trivial », le format A4, que je dirais plutôt commun. Le choix de ce format est pour Thierry Lagalla une façon de ne pas s’embarrasser de préalables formels, encombrants, afin de privilégier le fond, c’est-à-dire le sens qu’il donne à sa production d’images. Cette production permet à celui qui s’adonne à sa découverte d’effeuiller une véritable éphéméride de la pensée, des sensations, des passions et de la pensée de l’artiste. Cet artiste-là sait, avec une virtuosité à la fois désinvolte et profonde, jouer à la fois des images, des signes et des mots. On pense souvent à Picabia, on pense aussi, pêle-mêle, à la Joconde lubrique de Marcel Duchamp, L. H. O. O. Q ou encore, à la fameuse Trahison des images de Magritte qui proclame, insolemment, « ceci n’est pas une pipe ».

Contemplant la suite des dessins faisant l’objet de cette publication, je me rends compte à quel point Thierry Lagalla est un artiste qui plonge les racines de sa création dans l’histoire de l’art qu’il aime explorer et citer. Dans E perché no ? on retrouve Warhol et Manet. Dans un autre dessin, ce sont Les poissons rouges de Matisse, déjà cités par Roy Lichtenstein, qui folâtrent dans leur bocal. On s’étonne aussi qu’un dessin porte comme titre Astraccion geometric e penec ou un autre the Abstract Brothers sings cercle et carré. Toutes ces références et bien d’autres n’encombrent pas Thierry Lagalla. Elles le libèrent, elles lui offrent sa piste d’envol. Ce n’est pas sans raison que dans l’un des dessins où il se représente, les yeux grands ouverts sur les territoires infinis de l’imagination, il écrit : Je me souviens très bien de l’instant où je compris, tout à coup, que j’étais moi.

Sacré Lagalla !


Jean-Jacques Aillagon, 2017
Édition L’Esperiença Plata (The Flat Experience), Les Requins marteaux

 
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