Chourouk HRIECH 

Dans le monde de Chourouk Hriech, Revue Diptyk mai 2015
Par Olivia Marsaud


Dans le monde de Chourouk Hriech, il y a des lignes de fuite qui appellent au voyage et des lignes d’horizon familières. Il y a des architectures tellement folles qu’elles semblent crever la page. Il y a du soleil au zénith, des jungles imaginaires et insolentes, des bateaux en partance. Dans le cadre du Printemps de l’art contemporain (PAC) de Marseille, ses dessins dialoguent au Musée Cantini avec des œuvres - issues du très riche Fonds de communal de la ville de Marseille - de Mathieu-Kleyebe Abonnenc, Pascal Navarro, Antonin Artaud, Auguste Elysée Chabaud (1882-1955) et une touchante étude pour « Sun in an empty room » d’Edward Hopper. Grâce à la plateforme dédiée aux arts visuels de Lydie Marchi, Hydrib, on retrouve l’artiste franco-marocaine le long de la rue de Rome, via des interventions sur les balcons de l’hôtel StLouis, les vitrines de la boutique Le Sommelier, le plafond du porche de la Poste et la vitrine de la boutique Scotto Musique. Hydrib a aussi produit la performance qui a eu lieu samedi 16 mai dans le jardin du Musée Cantini. « La proposition première de Chourouk était d’investir les vitrines vides de la rue de Rome et d’inviter d’autres artistes. Le projet s’est finalement réduit à quatre interventions. Mais l’intention de partage avec d’autres est restée, d’où l’idée de cette performance », résume Lydie Marchi. Quand elle travaille, Chourouk Hriech chante. Elle respire, s’étire, s’ébroue pour décontracter ses muscles, dénouer les tensions. « Le dessin, cela engage tout le corps, explique-t-elle. Je voulais rendre compte de cet état de création. Le chant est une pratique qui m’accompagne. Ses variations m’emmènent ailleurs, les mélodies que je chante sont souvent slaves, grégoriennes… La musique permet de se recentrer, de saisir l’espace, le mesurer, l’apprivoiser. Le dessin est quelque chose de très silencieux et en même temps de très bruyant. Du brouhaha, sortent les formes. » Voilà pourquoi pour « … le départ », « poème graphique performatif », elle s’est entourée d’une danseuse - « les danseurs sont des gens qui dessinent dans l’espace » - et de deux chanteuses lyriques jouant aussi du violon. C’est donc une expérience sensorielle qui a eu lieu samedi 16 mai : l’artiste devant sa toile blanche, avec le son des traits de stylos amplifiés par un micro. Tremblements, raclements, coups de pointe et points de suspension… Chourouk Hriech dessine sans regarder la toile, brandissant son modèle. Une méthode qui rappelle les exercices d’école, lorsqu’il faut dessiner sa main sans regarder la feuille. La danseuse, Ghyslaine Gau est toute de noir vêtue, comme le trait précis et calme de Chourouk, dont elle serait une sorte d’alterego. Elle habille de gestes souples l’espace du jardin du Musée Cantini. « Dans le travail de Chourouk, j’ai aimé l’idée des mondes suspendus, de l’architecture mêlée au mouvement. J’ai eu envie de créer un personnage vivant mais pas forcément humain. Mon visage est caché par un bandeau de cheveux. L’annulation de la face fait écho au fait de dessiner sans regarder la page et aux personnages cachés, dissimulés dans ses dessins. J’étais en lien avec son mouvement et en interaction avec les chanteuses. » Ces dernières se sont livrées elles aussi à une improvisation, vocalisée cette fois. Les tonalités évoluent entre orient et occident.
« Nous avons pensé à une écriture dans l’espace, à faire sonner le bâtiment. Je suis partie à un moment dans une musique éthio-jazz, qui m’a moi-même surprise », explique Hélène Peronnet. « Dans l’improvisation, il y a des citations de thèmes musicaux que Chourouk crée quand elle dessine et qu’elle enregistre. Trois chants qu’elle a inventés et que nous avons harmonisés. Nous souhaitions créer une connexion entre le geste vocal et le geste du dessin », note Audrey Pévrier. Ainsi, les traits des dessins suivent parfois le rythme de la musique, mais l’on ne sait plus bien qui mène qui… et c’est tant mieux. Le résultat est un moment hors du temps, vécu quasi-religieusement par les 200 personnes présentes et un dessin organique, barré de ces traits qui structurent l’œuvre sans jamais l’alourdir, lui donnent sa colonne vertébrale. Une parenthèse. Une bulle.

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