Virginie HERVIEU 

LE HÂVRE SYNTHÉTIQUE DE VIRGINIE HERVIEU

"Dans ce long acquièscement, dans cette ultime misère, se dissimule assurément une des formes concevables de la perfection".*

La scénographie étonne par la cohésion qu'elle confère aux diverses choses dont est jonché le sol de la salle. Tout part d'un mur et se répand en fleuve depuis cette source, laissant des flasques mais surtout des limons, boulets, coraux, fossiles et sédiments chariés de jour en jour à travers les générations avec des noms tels que nodules, dolics, foliomorphes, flasque, etc. D'imposantes masses noires dressées contre le mur se déclinent finalement en colombins, en rouleaux turquoises et en rubans ocres. Pour avoir vu certaines pièces isolément on consent à ce que leur somme précise leur nature commune. La terminologie pseudoscientifique aussi est moins efficace que l'agencement scénique pour révéler l'identité et la formation de ces volumes dont les intitulés génériques masquent la facture effective. En effet, la quinzaine de sculptures agglutinées là sont exclusivement issues de sachets en plastique récupérés, classés par couleur et attribués à telle ou telle œuvre dont l'identité provient avant tout du traitement infligé au plastique : chauffage, coupe, laminage, tissage. Les nodules par exemple ne prennent la dimension de leur nom que par la disposition où ils se trouvent comme issus d'une éruption volcanique par rapport à la coulée de lave d'ensemble. Le traitement, comme les coloris, sert surtout à homogénéiser chaque entité ; mais dans l'ensemble, tous gabarits et toutes sculptures confondus, les sculptures ont l'air échoué des algues, coquilles et autres, laissées par la marée descendante. Et si un tapis en plastique noir, qui, enroulé et ventru, rappelle la posture d'un cadavre de cétacé sur la grève, prend cette apparence zoomorphe ; on comprend que ce n'est pas avec un tel projet que V. Hervieu est parvenue à convoquer cette effet d'épuisette et d'épuisement d'un flux ; D'une force mise en œuvre dans la confection des sacs plastiques et dont on a sur-sollicité l'ultime vigueur pour aboutir à une variété optimale de concrétions ou de stratifications, puisque la matière plastique, à la différence du métal ou du verre, ne se refond pas.

Mathieu Provansal

*Roger Caillois in Morphologie générale des minéraux (Pierres p. 26)


in Journal Sous Officiel n°6 février 2002



Vues de l'exposition Gros Plans, Red district, Marseille, 2002
View of the installation at Red district, Marseilles



Vues de l'exposition Gros Plans, Red district, Marseille, 2002
View of the installation at Red district, Marseilles

Retour