En mai 2022, je vais devoir quitter l’appartement situé au 31 rue Gambetta à Montreuil dans lequel je vis et travaille depuis juin 2016.
La raison de mon départ : le non-renouvellement de mon bail pour cause de destruction et de réhabilitation de l’immeuble en un immeuble de bureau. Elle est, dans toute sa sourde violence, finalement assez banale dans le contexte immobilier actuel de la proche banlieue parisienne.
En six ans et dans ma seule rue, j’ai vu disparaître et apparaître pas moins de quatre ou cinq immeubles. Il fallait bien que cela arrive un jour à celui dans lequel j’habite. Les constructions représentatives du passé industriel de Montreuil tendent à disparaître pour être remplacées par une architecture lambda. C’est à la fois triste et terriblement compréhensible. Qui irait blâmer la propriétaire de mon immeuble de vouloir faire fructifier son bien aux vues de la spéculation immobilière galopante du Grand Paris à venir ?
Je dois donc quitter ce lieu qui en six ans m’a vu vivre et travailler. Malgré l’amertume, devoir vider cet espace m’offre également une très belle et joyeuse occasion de lui rendre hommage. J’ouvre donc la porte et fait rentrer l’extérieur avec une exposition collective qui invite sept autres artistes ou duo d’artistes à investir cet appartement a n de le transformer, pour sa dernière vocation sous sa configuration actuelle, en espace d’exposition.
Cette exposition, comme le signifie son titre, est une adresse. Une adresse à entendre de plusieurs manières. Une localisation tout d’abord, situant précisément sa réalité urbaine et géographique de la périphérie parisienne. Cette exposition constitue aussi une adresse dans le sens où elle est un message, elle s’adresse à. Elle est en premier lieu une lettre et un cri d’adieu à cet espace de vie et de travail qui m’a accompagné pendant plusieurs années.
Il n’est pas pour autant question de se replier sur soi dans un mouvement sentimental. En re et du contexte économico-urbain qui en est à l’origine, cette exposition est aussi (et certainement surtout) une invitation faites à d’autres artistes à ré échir ensemble sur ce que les lieux nous font et ce que nous leur faisons en retour, sur nos manières d’être affecté.es par eux et par les situations géographiques, urbaines, immobilières, économiques dans lesquelles nous vivons et travaillons, et les manières dont nous y répondons. J’y vois là une proposition à une tentative commune d’établir une conversation entre nos (petites) histoires et les (grands) mouvements qui les impactent et peut-être aussi une occasion de rétablir la balance entre ces deux axes et regagner ainsi en puissance d’agir.
Parmi les artistes invité.es, certain.nes ont côtoyé cet espace et l’ont infusé de leurs présences et de leurs énergies, d’autres n’y sont jamais venu.es. Tous.tes ont en commun de déployer un travail attentif aux espaces, leurs histoires et nos vies qui s’y déploient.
Il me semble important de faire résonner leurs pratiques dans ce lieu qui, au moment où je dois le quitter, cristallise une réalité affective autant qu’urbaine, économique et politique. |
Vues de l’exposition 31 rue Gambetta, Atelier Grivel, Montreuil, 2022 |
Vues de la soirée de clôture avec la projection du film Black Hole Mama d’Heidi Piiroinen
Photographie Heidi Piiroinen |