Vue de l’exposition De l’exercice et des (dé)mesures, Galerie Idéale, Paris, 2025
C’est le même phénomène qui se joue dans la série des Pièces innocentes, où, sur des fonds colorés représentant un ciel nuageux, se découpe une phrase en réserve : "Car l’air est gratuit". Si, à première vue, cela peut évoquer les enjeux climatiques, ce bout de phrase parle aussi d’une liberté fondamentale : le droit de respirer. Elle cache cependant un sens plus cynique, voire mercantile : si l’air est gratuit, peut-on en abuser ? En réalité, cette phrase, qui se répète sur ces dessins, est extraite d’une blague raciste, que ceux qui la connaissent se remémorent sans doute avec culpabilité.
Damien Levy
Pièces innocentes (car l’air est gratuit #1 à #12), 2024
Fusain et peinture acrylique sur papier, 45 x 55 cm
Pièce innocente (car nous devons réfléchir, Narcisse #1), 2025
Encre et graphite sur papier, 93 x 58 cm
Vue de l’exposition De l’exercice et des (dé)mesures, Galerie Idéale, Paris, 2025
Photographie Adrien Thibault, ADAGP
Je voulais que ce dessin soit comme une sorte de miroir noir. Avec le verre du cadre, les noirs de ce dessin qui représente la Seine, deviennent miroitant, la personne se trouvant devant peut alors -aussi- se contempler dans les profondeurs de l’eau.
Une réflexion, un miroir, agit comme un révélateur du présent permanent, l’image devient fluide et évoque l’impermanence dans la permanence. Le reflet dans le dessin est le témoin d’un présent continu et constamment changeant, tout comme le cours d’un fleuve l’est.
L’analogie devient évidente mais m’intéresse (peut-être par ce qu’elle est évidente, justement). Cette pièce n’est qu’une succession de réflexion et de dédoublement (image, langage, environnement réel). Le texte est à la fois une injonction, la résolution d’une question / d’un problème dont on ignore la teneur et une sorte de slogan. Je voulais avec cette pièce évoquer des problématiques liées au reflet, à la réflexion, au dédoublement et à la fluidité. A quoi devons-nous réfléchir ? De quoi sommes nous le reflet ?
Sous ses airs d’évidences banales et de tautologies, ce dessin pose un certain nombre de questions qui restent en suspens, prisent quelque part entre la réalité de leurs énonciations et le dédoublement de leurs reflets.
L’idée d’espace liminal m’intéresse et est présent dans le reste de mes projets. Ce geste simple, dessiner un cours d’eau (ou plutôt : dessiner les réflexions de la lumière sur un cours d’eau) atteste qu’il n’y a pas d’œuvre qui soir coupée du monde. L’autonomie, la séparation n’existe pas.
Pièce innocente (car nous devons réfléchir, Narcisse #1), 2025
Encre et graphite sur papier, 93 x 58 cm
Elargir le cercle de ses amis (pièce innocente), 2018
Crayon sur papier, 100 x 100 cm