C’est entrer dans la peinture, entrer dans la matière. Une matière cérébrale, organique, émotionnelle et affective. Y a-t-il une méthode, un protocole pour percevoir tout ce qu’il nous est permis d’y trouver ? Entre coups de pinceaux, de brosses, des gris colorés à la peinture gravée, nous nous frayons un passage dans la forêt de ses compositions, fragiles mais redoutables d’équilibre. Tout semble tempête, spontanéité et intuition. Mais à force de temps, l’œuvre s’offre à nous et distille petit à petit ses zones éclairées. Alors nous pouvons à notre tour recomposer la toile et enfin entrer en communion avec elle. L’œuvre de Charles Gouvernet nous est révélée.
De la peinture grand format aux compositions plus discrètes, des images-sujets sont essaimées comme pour tracer un chemin fait de pointillés à relier, de façon à nous entraîner d’une œuvre à l’autre. C’est aussi un moyen additionnel pour capter notre attention et nous permettre de nous réinterroger sur ses œuvres : la place de ses formes et l’utilisation dans ses séries, en passant du plat vertical au volume. Ces images-sujets, signes ou symboles, apparentes ou dissimulées, peintes ou gravées, semblent faire partie d’un répertoire, telle une liste non exhaustive issue de ses collectes de tous types, réelles ou imaginées et de ses liens affectifs avec elles. De cette façon les sculptures hybrides, Les Théopeluches sont issues d’une quête intime assemblée à des éléments modelés, pour une création qui ne relève en rien du fantastique mais qui peut tout au contraire évoquer à chacun le quotidien de l’artiste, son environnement créatif, artistique ou familial. C’est par ses compositions que le public pourra se retrouver en terres connues. Car bien que l’artiste nous guide par ses repères, il essaie parfois de nous égarer. « Peinture (re)commencée » illustre l’actualisation de certaines des œuvres de Charles Gouvernet. Par ce principe il s’autorise à remettre à plus tard le difficile moment de décider si l’œuvre est ou non terminée. L’œuvre est présente dans l’atelier, dans sa vie. Elle n’est ni remisée, ni abandonnée dans l’attente de retrouver la lumière, un jour peut-être. C’est un acte d’actualisation, d’évolution, qui s’applique à elle au même titre qu’à son créateur. Apparaît alors la dimension animée de la peinture : référence au vécu de l’œuvre sur laquelle est consignée son histoire pour ne rien effacer à tout jamais et pouvoir en garder une trace photographique, comme on raconte l’histoire des siens dans un album de photos de famille. Ainsi, les entrées dans le travail de cet artiste sont multiples, la lecture en est double, tant patiente et minutieuse, tant jaillissant d’une culture commune.
Coralie DUPONCHEL |