Karim GHELLOUSSI 

Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 140 x 140 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 120 x 120 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 120 x 160 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 140 x 160 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 120 x 120 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 120 x 160 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 140 x 140 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 120 x 120 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 140 x 160 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 140 x 140 cm
 
Ici comme ailleurs (Au Val d'Argent) 2018-2019
Chutes de bois sur panneaux de bois, 160 x 160 cm
 

Au début de cette année, mélancolie hivernale ou crise de la quarantaine, me sont revenus des souvenirs de la petite enfance. Mes parents habitaient Argenteuil, en banlieue parisienne. Grands ensembles, communisme municipal, mais aussi matins gris et lumière sans ombre. Argenteuil, pour mes yeux d’enfant, c’était d’abord la grande fresque dynamique, magnétique, aux couleurs vives sur la façade du théâtre Jean Vilar qui ouvrait la perspective Gabriel Péri. On trouvait, un peu plus loin, un bassin de mosaïque aux formes étranges, fascinantes elles aussi. Je lançai une recherche. Curieusement je me suis aperçu que ces lieux qui m’avaient tellement marqué étaient très peu documentés. Le bassin, hommage à Braque (Georges Braque est né à Argenteuil, Marx y a séjourné et Mesrine y repose1), a été rasé dans l’indifférence générale. La municipalité actuelle envisage de détruire la fresque. Le boulevard Lénine est devenu boulevard Général Leclerc et un Lidl vient d’y ouvrir. Changement d’époque, recouvrement des mémoires.
Le petit bassin était l’œuvre de Roland Brice. La fresque, L’homme du 20ème siècle, est l’œuvre d’Édouard Pignon. Pignon fut mineur, ouvrier, communiste et artiste. Ami de Picasso, il l’accompagne à Vallauris. Brice est également issu d’un milieu ouvrier. Il rencontre Fernand Léger et devient son céramiste attitré. L’un comme l’autre réalisent de nombreuses œuvres monumentales installées dans l’espace urbain, essentiellement en banlieue parisienne. Non entretenues, volontairement laissées à l’abandon, ces œuvres ont été pour la plupart détruites, rasées. Brice et Pignon, deux figures oubliées, humiliées. C’est que l’histoire de l’art, elle aussi, est écrite par les vainqueurs.

Assemblant des fragments de caisses de transport préalablement barbouillées (barbouillées et non peintes, la nuance est importante), je réalisai un premier tableau (détruit depuis, ce n’était qu’un point de départ) représentant comme un souvenir de la fresque de Pignon. Il ne s’agit pas d’être fidèle à quoi que ce soit, qu’importe ici la ressemblance, seule compte la vraisemblance. Puis la gare du Val d’Argent, aux lignes futuristes désormais désuètes. Et la dalle. La dalle d’Argenteuil. Le 25 octobre 2005, Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait effectué une visite dans le quartier de la dalle d’Argenteuil. Interpellé par une dame se plaignant de l’insécurité, il avait lancé : « Vous en avez assez de cette bande de racaille ? Eh bien, on va vous en débarrasser ! ». Cette saillie largement médiatisée avait contribué à déclencher des émeutes dans de nombreuses villes de banlieue en novembre.

Racaille, ce qui reste quand on a tout raclé.

Mes tableaux sont des radeaux arrachés à la mémoire. Ils relèvent de la racaille, de ce qui reste quand il n’y a plus rien.



(1) C’est faux bien sûr. Le corps criblé de balles de Mesrine pourri au cimetière Nord de Clichy-la-Garenne.

 
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