(...) Ce parcours constitué de contrastes, nous allons le retrouver dans les photos que Anne Favret et Patrick Manez nous offrent de cette ville. Présentées comme en un livre qui oppose la circulation incessante le long de la Corniche et les quartiers populaires où nous voyons un minaret coincé entre deux immeubles anciens s'élancer à l'assaut d'un immeuble moderne, cependant que l'architecture néoclassique de la Chambre de Commerce égyptienne se dresse orgueilleuse non loin d'une modeste église copte.
Amoureux de la ville, de son architecture des années 30 — due probablement à l'architecte Louria — de ses immeubles aux volets fermés depuis toujours ou à d'autres qui semblent éternellement en instance de finition, du cinéma Métro que des générations et des générations d'adolescents fréquentèrent, parcours que semble résumer cette rue déserte où se dresse étrangement un panneau d'interdiction de stationner. Rues aussi défoncées qu'une avenue new-yorkaise et dans laquelle se dresse une institution qui porte à son fronton le mot Anno. Nous ignorerons toujours de quelle année il s'agit, comme nous ignorons sur quel appartement, sur quel étrange lieu débouche cet escalier qui semble partir d'un enfer au quotidien pour rejoindre un autre enfer que le photographe nous laisse le soin d'imaginer. Mais la photo la plus émouvante est peut-être celle qui fait partir d'un magnifique petit balcon d'où part un fil électrique qui va se perdre dans une prise posée incongrûment presque au ras du sol.
Jacques Hassoun, écrivain
Alexandrie 1992-1994
Prix Léonard de Vinci du Ministère des Affaires Etrangères 1992.
Ce travail a donné lieu à deux ouvrages:
- un livre d’auteur, Alexandrie, publié aux Editions Hazan en 1994 (conception et maquette de Favret-Manez)
- Alexandrie revisitée publié aux Editions Revue Noire / Institut du Monde Arabe en 1998 avec un texte de Jacques Hassoun. |