Entre ciel et terre
« Le paysage de mes jours, semble se composer comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J’y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d’instincts et de culture. Çà et là affleurent les granits de l’inévitable; partout, les éboulements du hasard.
Marguerite Yourcenar - Les mémoires d'Hadrien -
Auprès des chiens pas loin des hommes, l’obscur et la lumière bataillent, éclairent, assombrissent par morceaux choisis les étendues paysagères où lévitent les braves idoles. Plan après plan, les athlètes, avec délectation, se pavanent. Les poses s’intensifient, dynamitent l’épreuve, produisent un arbitrage précis et concis. Le verdict est sans appel. Il faut attendre et voir.
La tactique consiste à provoquer l’endurance dans cette conquête des espaces. Effleurer l’impatience.
Un militantisme sans faille, s’affiche en faveur de la disparition d’une apologie du familier et du tranquille. Au plus prés des rouges, des bleus saturés animés de brumeux, le rythme dissonant n’invite pas l’équilibre. Cadencée chaque étape produite construit avec ordonnancement l’équipée fantastique des apparitions. La juxtaposition insensée abandonne sciemment une discrétion de bon aloi mais esquisse, avec jouissance, la truculence de la joute qui invite au chaos des formes et des récits. L'opulence de ce paroxysme ne badine pas avec l'insignifiance.
Pas de moitié de part! Pas de quartier!
D’abord invité, le paisible est fichu dehors de belle autorité! La panoplie domestique est alors une inestimable peau. Les chiens, les chevaux, les grenouilles, la télévision, la famille tout y passe! Masquer, travestir, insuffler le trouble et espérer la faillite du mensonge.
Ainsi je vois alors la chute, celle de l’avantageux, du bien mis, au profit du geste qui s’empare, prend, échappe…entraîne...
Epoustouflant, au sol, l'impasse sans possible fuite, au dessus, l'indéfinissable absence.
Je ne crois pas avoir pu saisir ce sentiment de solitude, d’abandon à l’imprévisible autant qu'ici.
Cette méthode éprouvée, participe d’un dézingage subtil qui
construit l’accidentel avec application.
Se jeter dans le vide, sentir le froid de l'eau, l’âpreté de l'air auprès des bruns assourdissants. Le regard ne peut rien.
Rien pour eux, pour ces espaces, en deux, en trois morceaux et plus. Il est embarqué par autant de plans contraints qui l’agite et convoquent la fascination. Dévorer l’indolence jusqu’à ne plus être rassasiée.
Au bout du champ, l'odeur prend à la gorge, la neige emboîte le pas d’un terrain fermenté sous les sols humides. Le sentiment d’un raclement fervent provoqué avec insistance accapare tout entier.
Je ne pense pas avoir jamais côtoyé d’aussi près ce désir d’exil sans retouches.
Assurément, les collisions étourdissantes tracent le périple. Eclatant.
Valérie Mazouin
Présentation de l’exposition « Demain les chiens » 2015 Galerie Eponyme Bordeaux |