La résidence de Badr El Hammami au Cube – independent art room prend place dans le contexte du projet État d’Urgence d’Instants Poétiques.
Conçu et mis en place par Bouchra Salih, État d’Urgence d’Instants Poétiques est une manifestation artistique annuelle qui prend place dans le Jardin d’Essais Botaniques de Rabat.
Durant cette parenthèse, où le jardin devient un espace d’exposition à ciel ouvert et un lieu d’inspiration, les citoyens sont invités à se réapproprier l’espace public en se laissant porter par les propositions plastiques des différents artistes réunis.
Les œuvres présentées sont créées in situ, au sein même du jardin, tout en s’y incorporant, comme un prolongement de l’écosystème naturel qui le compose.
Dans cette ambiance où l’art et la nature se fondent en une seule et unique entité, le public de Rabat, de Salé et d’ailleurs, est convié, pendant cet instant poétique, à se saisir d’un espace public qui est le sien ; à découvrir ou redécouvrir le Jardin d’Essais Botaniques sous une autre facette.
En outre, État d’Urgence d’Instants Poétiques est une occasion pour réconcilier art et nature, à porter un nouveau regard sur la création hors murs, à questionner le lien entre l’œuvre, l’espace et le public.
Dans une volonté de rassembler une diversité de pratiques artistiques et de faire du Jardin d’Essais Botaniques un espace de création in situ, un laboratoire d’inventivité et de fusion, Bouchra Salih invite, pour cette seconde édition, Badr El Hammami, aux côtés de Amina Agueznay, Driss Aroussi, Kamal Aadissa, Nassim Azarzar, Khalid El Bastrioui, Abdellah El Hassak, Simohammed Fettaka, Jamila Lamrani, Lina Laraki, Mohamed Mourabiti, Younès Rahmoun et Nazha Rhondali.
Pour sa nouvelle production pensée spécifiquement pour le Jardin d’Essais Botaniques, Badr El Hammami puise dans l’histoire de ce jardin, intrinsèquement liée à l’histoire coloniale du Maroc et l’impact de la présence française sur les imaginaires liés au pays du début du XXème siècle jusqu’à nos jours.
Le Jardin d’Essais Botaniques de Rabat a en effet été conçu dès le début du protectorat, afin de servir d’espace d’expérimentations botaniques dans l’Empire Français de l’époque. Il a été pensé en parallèle des autres jardins botaniques, présents dans différents pays colonisés ainsi qu’à Paris, afin d’envisager les exploitations et transplantations de plantes possibles pouvant servir la France à cette époque.
Les impacts de ces expériences ont définitivement modifié les paysages de chaque région et dirigé, dans certains cas, les exploitations agricoles et fruticoles des pays, toujours en cours aujourd’hui.
Il est en outre intéressant de constater que les images des pays coloniaux véhiculées dans la métropole durant les colonisations, notamment à travers l’édition de cartes postales, incluaient de nombreux éléments botaniques. Or, comme l’ont démontré de nombreux sociologues, réaliser et posséder l’image, c’est déjà posséder une partie de ce qui est représenté.
Ainsi, maitriser et rentabiliser la nature était un enjeu majeur à l’époque, histoire dont le Jardin d’Essais Botanique est le porteur aujourd’hui et dont Badr El Hammami souhaite se saisir pour penser son projet.
L’artiste précise en outre que, à leur arrivée, les colons ont installé leurs camps militaires dans les champs avoisinant les villes afin de mieux envisager leurs actions. Ces camps, mobiles, portaient souvent des noms d’arbres, comme le camp des Oliviers aux alentours de Meknès.
Intitulé L’arbre qui cache la forêt, le projet de Badr El Hammami pour État d’Urgence d’Instants Poétiques reprend certains éléments propres aux tentes qui constituaient ces camps militaires, et vient dans un même temps mettre en exergue la place des images dans cette période de l’histoire.
L’artiste utilise le vocabulaire des tentes et espaces d’entrainement des camps militaires, et notamment leur structure en bois, cordes et piquets, pour créer une installation qui vient évoquer leur présence. Sous ces armatures, qui deviennent architectures, l’artiste entrepose sur des tables des collections de cartes postales de l’époque coloniale. On y voit les plantes, des quartiers de villes, mais également des éléments du Jardin d’Essai Botanique de Rabat.
Ainsi, avec L’arbre qui cache la forêt Badr El Hammami déploie une proposition qui, au sein même du jardin dont elle est l’objet, nous invite à dépasser l’attrait d’un environnement afin de porter notre intention sur son contexte et son histoire. |
L'arbre qui cache la forêt, 2019
Installations, Jardin botanique de Rabat
Trois structures, trois tables, cordes, bois, piquets |
Structure N°1 :
Armature de tente en bois, cordes et piquets
Dimension : 200 cm x 300 cm x 250 cm
Table d'archives, Cartes postales
Dimension : 150 cm x 75 cm x 50 cm
Structure N°2 :
Armature de tente en bois, cordes et piquets.
Dimension : 200 cm x 180 cm x 120 cm
Table d'archives, Cartes postales
Dimension : 150 cm x 75 cm x 50 cm
Structure N°3 :
Armature de tente en bois, cordes et piquets
Dimension : 200 cm x 180 cm x 180 cm
Table d'archives, Cartes postales
Dimension : 150 cm x 75 cm x 50 cm |