Le 16 octobre 78, trente-neuf artistes
se sont présentés dans l’après-midi,
au Musée du Louvre pour faire à
tour de rôle une performance d’une
minute devant une peinture de leur
choix. Grâce à l’appui de Pontus
Hulten, directeur de Beaubourg, la
permission de faire une telle chose
au Louvre venait du directeur même
des Musées de France. Avec bien
entendu, des règles du genre : ne
pas parler haut, ne pas s’asseoir, ne
pas… ne pas… autrement dit : se tenir
comme des touristes. Évidemment
décidés à enfreindre les règles, nous
avons suscité entre les responsables
présents et nous, une tension telle
qu’elle a contribué et en s’accentuant,
à donner à l’ambiance - déjà exceptionnelle,
compte tenu du lieu - une
acuité particulière et favorable aux
actions. Good ! Le Louvre est devenu,
cet après-midi-là, un musée vivant.
On a pu faire vingt-trois performances
sur les trente-neuf prévues
et devant une très large audience.
On a dû arrêter après l’intervention
de trois étudiants imbéciles qui ont
lâché un produit inoffensif mais très
fumigène dans la galerie de la reine
Médicis. La direction a commencé,
alors, à fermer les portes. Le tout a
duré 90 minutes. Les journalistes,
hélas, ont brillé par leur absence.
Extrait de l'entretien avec Éric Mangion paru dans le catalogue de l'exposition À la bonne heure, Semiose éditions / Villa Tamaris Centre d'Art / Villa Arson Nice, 2008
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Jean Dupuy
Lecture inaugurale d'Art performance/minute au Louvre, devant le Saint Jean Baptiste de Leonard de Vinci.
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Louvre-boîte performance épidémik de Joël Hubaut devant Les noces de Cana de Véronèse.
Extraits d'une description de sa performance par l'artiste :
"(…) je déballe une toile libre (nappe… repas) transparente sur laquelle est marouflé au centre un poster de la Joconde (la nappe est maintenue par deux personnes comme s'il s'agissait d'une couverture que tiennent des pompiers pour recevoir quelqu'un en chute libre) (…) donc devant une des plus grandes toiles du monde (c'est quand même quelque chose) (évènement) je brandis une boite de haricots en conserve (mise en boite du conservateur) que j'ouvre avec un ouvre-boite vert Véronèse (…) je déverse le contenu de ma boite de conserve sur la face hilare de la Joconde, dégoulinure, épidémie de haricots dégoulinant sur la nappe (…) donc, c'est le capharnaüm (après les noces de cana, Jésus descendit à capharnaüm) ici, lieu renfermant des objets entassés confusément (le bordel) (le musée comme bordel) (…) alors je l'ouvre (ma gueule) en hurlant : oh ! oh ! les beaux haricots (faire la liaison) donc, jouissance de pouvoir hurler enfin dans le musée du Louvre où le chuchotement est au pouvoir (…) Alors je demande au public de répéter avec moi (comme si nous étions à la noce… chansons de fin de repas de mariage) un- deux- trois : oh ! oh ! les beaux arts - icots, ici refrain "culturel" (…) vroum ! vroum ! je termine la performance en vrombissant dans le public (…) je dévale dans la foule comme sur une piste de karting (…)"
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Performance de Jacques Halbert
Habillé en chef, il lit un menu "ceriste" devant Les Noces de Cana de Véronèse.
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Performance de Jacques Monory
"L'emplacement était prévu dans la Grande Galerie du Louvre près du Gilles de Watteau. Il s'y trouvent affrontées deux paires de colonnes, genre en marbre, de chaque côté de la Galerie. Entre elles des miroirs qui créent une fuite infinie, et une partie surélevée où reposent des bustes romains d'un effet des plus pompier. Je voulais simplement face à un de ces Romains froids et sinistres, lui remettre mes insignes : chapeau, foulard, lunettes. Et en buvant un verre de vin rouge lui souhaiter "A la tienne". Ce qui gentiment indiquait que le système ne m'impressionnait plus (en étant encore un peu dupe, car en reflet dans le miroir Gilles nous regardait). Cette vague subtilité a été détournée heureusement par l'interdiction faite par un Conservateur gendarme, acoquiné d'un gardien. Confiscation du verre de vin, certainement bu par le gardien (du très bon Bordeaux), et la performance signifia plus clairement que les Musées sont bien ce que nous savions, des cimetières où nous devons parler aux morts sans amitié seulement avec respect."
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Performance de Untel (Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Wilfrid Rouff).
Défilé de mode dans la Grande Galerie. Présentation de la Collection Touriste.
/ En avant première / UNTEL présente aujourd’hui / dans la grande galerie du musée du Louvre / sa collection très colorée / « TOURISTE » /
/ JEAN-PAUL / N°1 / veste blanche / pantalon ajusté blanc / au motif répétitif / au graphisme étudié / maillot de corps cerise / encolure ras du cou / harmonisé au costume /
/ N°2 / PHILIPPE / porte un ensemble neige, très confortable / imprimé de couleurs vives et dynamiques / veste décontractée / boutonnée sur le devant / pantalon droit / tee-shirt, coloris abricot /
/ Le 3 / WILFRID / a revêtu un complet white tout simple / veste aux poches surpiquées / pantalon sport / polo 100% coton / manches courtes / impression polychrome / le tout reste très original et jeune /
/ A la ville comme en week-end / ces tenues très légères / à porter en toutes circonstances / restent néanmoins très classique /
/ Les badges et accessoires / sont aussi une création UNTEL /
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Performance de Orlan
La performance a eu lieu dans la Grande Galerie devant une peinture de Blanchard. Description par l'artiste : "-Je suis habillée d'un manteau trois-quart noir, et d'une jupe également noire.
-De dos au public, face à la toile.
-A l'aide de ma main droite, je mets une palette de peintre en plastique blanc derrière ma tête, comme une auréole. -Je décris un quart de cercle avec cet objet, du dessus de ma tête jusqu'à ce que mon bras s'arrête à l'horizontale. -Je tourne lentement la tête, je tiens entre les dents un gros pinceau, la tête entraine les épaules, puis la poitrine, puis la taille et enfin les jambes.
-Je suis face au public.
-Mon bras droit se trouve a gauche.
-Je déplace le bras en faisant passer la palette sous ma tête.
-Je montre les dents, puis la palette et mon bras passent à droite à l'horizontale.
-Ma main gauche se saisit de la ceinture de mon manteau.
-Je tire, le manteau s'ouvre et ma jupe tombe.
-Je suis revêtue d'une toile photographique noir et blanc, me représentant nue.
-J'arrache le triangle de mon pubis, je montre cette représentation de mes poils.
-Sous ce triangle apparaissent mes vrais poils que j'ai au préalable rasés et recollés avec de la colle à postiche.
-Je prends la palette dans la main gauche en montrant le côté que je n'ai pas encore montré; ce côté "malade" à 5 croix de plus en plus petites, faites avec du sparadrap, côté collant à l'air.
-Avec ma main droite, j'arrache par touffes mes poils.
-Je les colle au centre de ces croix, comme des touffes de peinture.
-Lorsque mon pubis est imberbe, je présente la palette devant mon visage (j'ai toujours le pinceau entre les dents). -Je prends avec tous les doigts le manche du pinceau.
-Avec un geste ample, je fais semblant de prendre de la peinture sur la palette (en vérité, j'avais déjà mis de la peinture noire sur le pinceau).
-Avec le pinceau je repeins mes poils sur mon pubis, et sur la toile photographique.
-Je remets la palette cote blanc comme une feuille de vigne devant mon pubis.
-J'enfonce le manche du pinceau dans le trou de la palette.
-Je pivote très lentement sur la gauche.
-Je marque un temps de profil.
-Je suis a nouveau de dos face à la toile."
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Performance de Jacqueline Dauriac avec Sylvie Durastani
Tableau vivant devant la toile de l'École de Fontainebleau Gabrielle d'Estrées et la Duchesse de Villars
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Interruption forcée de Art Performances / Minute à cause des fumigènes posés par des étudiants dans la Galerie Médicis du Louvre et négociation de Jean Dupuy avec les responsables du Musée du Louvre. |
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