Noël DOLLA 

Vue de l'exposition Plis & Replis “Silence“, Galerie Bernard Ceysson, Paris, 2015
Photographie François Fernandez
 

« La barbe ne fait pas le philosophe... le pli du vêtement, si ! » Gilles Deleuze, Le Pli Leibniz et le Baroque, Paris, Editions de Minuit, 1988

La tarlatane est apparue très tôt dans mes œuvres. C’est sur mes chantiers de peinture en bâtiment que j’ai rencontré pour la première fois ce matériau génial, qui me servait à masquer les crevasses des plafonds et les fissures des murs. La tarlatane, c’est également la gaze de nos pansements, le tulle fripon des danseuses de Degas, le bel arrondi ferme des chapeaux des belles Anglaises, la rigidité du col des chemises des banquiers, mais la tarlatane sert aussi à réduire l’intensité lumineuse des projecteurs (gamelles) de cinéma, ou à essuyer l’encre sur les plaques de gravure à l’eau forte. Depuis 1969 la tarlatane m’accompagne dans mon œuvre sous des formes extrêmement variées. Lors de ma dernière exposition à la galerie Bernard Ceysson à Luxembourg, je présentais un ensemble de Tarlatanes sous le titre: Plis & Replis. Pour cette nouvelle exposition, j’ai décidé de garder le même titre, mais avec un ajout de poids « Silences ».
« Silences » parce qu’en ces temps bavards, il me semble bon de travailler dans le Silence de l’atelier, loin de l’actualité, de la mode, et des modes. Replis ? Certainement pas, juste une façon de dire NON, à la course à l’échalote, aux œuvres « gigantesques » et impressionnantes, démonstratives et théâtrales, produit du capitalisme néolibéral et de la sueur des petites mains des pays sous développés.
Les Tarlatanes sont toujours peintes par trempages successifs avec à chaque fois un séchage intermédiaire, qui nécessite de déplier le rouleau pour voir ce qui a été teint / peint. Je replie par enroulement ma bande de tarlatane et je recommence cette opération autant de fois qu’il me semble nécessaire pour obtenir le dessin et la densité colorée qui me paraissent « justes ». J’ai alors devant moi mon matériau peinture prêt à l’emploi. Mes deux bandes de tarlatane sont disposées perpendiculairement l’une à l’autre et se superposent. Après, vient le temps de la construction de la forme, plis, replis se succèdent dans le Silence qu’impose le geste précis, la volonté de faire ART avec si peu. Il n’y a dans ces œuvres aucun état d’âme, aucune tentative de raconter quelque chose d’intelligible, de sensé, de bien pensant, ou de violent. Rien qui ne puisse avoir un lien direct avec l’actualité du moment. Je reste là, à ma table, ou à genoux, pliant et dépliant les méandres de mon cerveau. Ne rien dire d’autre que l’évidence d’une pratique de la peinture qui se moque des bruits et de la fureur du temps présent, pour essayer d’atteindre la beauté du souffle d’une brise marine un matin de printemps.

Noël Dolla, septembre 2015

 
Vues de l'exposition Plis & Replis “Silence“, Galerie Bernard Ceysson, Paris, 2015
Photographies François Fernandez
 
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