Die Badenden / Les Baigneurs (2009, huile sur toile, 300 x 620 cm)
« Subtile composition d’une décomposition, d’une dissémination sur la plage et sur l’eau : mais où vont-ils en diminuendo progressif du bord de l’eau aux bords de cette ellipse perlée qui structure l’espace? Vers cette spirale invisible qui vrille à l’infini l’horizon chimérique d’un Embarquement pour Cythère à l’échelle de Disneyland ? Mais que regardent-ils, dos tournés, bras ballants, sauf, dans le panneau central, la fille et le nostalgique garçon qui, sans se regarder, semblent échanger un regard grave d’adieu ? Par rapport à la frontière de cet axe central qui le sépare en triptyque, si le tableau se pliait en dedans, les deux jeunes hommes noirs de droite feraient face à la blonde jeune fille de gauche en symétrie/dissymétrie, contraste des genres, du nombre, des peaux et contrepoint des postures. Comme un désir, comme un rêve lointain d’un regard visant à l’autre rive et brisant un tabou? Rêve d’autres rivages, d’autres visages, d’une autre vie mais dérives et naufrages figurés dans le jeu enfantin d’une mer où règnent des requins.
Disant le cercle et l’ellipse en abîme de la structure globale, globes, bouées d’une modernité de plastique inondant un tiers monde où dominent les peaux basanées. Leurre des riantes couleurs sans qu’affleure un sourire : bouées aux teintes de bonbon acidulé, gonflées d’un espoir au-delà de l’arc-en–ciel magique d’un monde meilleur de l’autre rive rêvée, de l’autre côté du miroir, du miroir aux alouettes des utopies des pays des merveilles. Les bouées, tels des SOS, se démultiplient en fragiles bulles de savon, bouées pour apprendre à nager, pour surnager en eau trouble, ou bouées de sauvetage de naufrages de balseros cubains et autres, ces émigrants flottant sur leurs frêles esquifs sur le flot troublé des exils sous les fallacieux reflets d’un ciel absent. L’enfer sous le bleu « paradis des amours enfantines » ? Sous le soleil éclatant, l’envers ombreux des drames invisibles. Sous l’éclat des couleurs, le revers noir de la mélancolie. Sous la bouée, la boue. Sous la plage, les pavés de la dure réalité, sociale et raciale."
Benito Pelegrín, le 28 mars 2013 |