Tirage photographique sur bâche, 350 x 175 cm, sur chassis et chevrons bois
Vues de l'exposition Paysage chavirés, Voyons-voir, Domaine de Grand Boise, Trets, 2010
La représentation du paysage est une construction du regard indissociablement associée à la projection romantique de l'artiste du XIXème siècle sur la nature. C'est en quelque sorte une naissance du paysage en tant qu'objet de perception.
Malgré d'innombrables ruptures dans l'histoire de l'art, le paysage a une formidable capacité à résister en tant que motif dans l'imaginaire collectif. Le paradigme pictural du paysage reste la montagne, cette masse devenue surface qui fait obstacle à une projection du regard sur l'horizon. Dans l'idéal romantique, la montagne n'était pas seulement un motif à peindre mais à expérimenter, à traverser, à explorer dans ses coulisses. Elle est précisément ce qui fait ce tenir ensemble la diversité du paysage.
De ce motif apparemment immuable, la peinture a su montrer qu'il est en mouvement, sans cesse à reconstruire. S'approcher de ce qu'on voit signifie glisser dans l'entre-deux du réel et de sa représentation, dans le mouvement simultanée de marcher et de penser, dans un transfert improvisé de nos projections sur l'environnement - devenu un espace intérieur, au-delà du voir.
A travers cette photographie, Nicolas Desplats tente de confronter l'expérience du réel et l'image. Il semble en mesurer l'écart. "Qu'une image échoue toujours mais éclairera même faiblement, la grandeur de ce qu'elle ne pourra jamais atteindre et qu'on pourrait qualifier à l'image de ce qu'aurait pu être une transparence de l'idée dans le réel(…)". Mais la photographie a aussi son autonomie, son langage, son réel.
Ici, le panneau d'annonce insiste sur la façon comme l'expérience est codifiée par d'autres langages, qu'il s'agisse de celui du tourisme ou de l'appropriation publicitaire de notre désir d'évasion dans la nature.
Nicolas Desplats invite à saisir un temps, à s'y perdre, car aucune perception ne saurait être immédiate. Pour que voir devienne une expérience.
Pedro Morais
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