Monique DEREGIBUS 

I love you for ever Hiba 2009
104 pages, 21 x 25 cm, 91 photographies couleur
Liban, été 2005 - Las Vegas, Nevada, Etats Unis, février 2007
Éditions Filigranes

2e et 3e de couverture : image achetée à Christopher Anderson de l'agence Magnum et publiée dans Libération du 4 août 2006. Légende : « Srifa 31 juillet. Un combattant du Hezbollah sur les ruines, dans ce village frappé par des bombardements israéliens. »
Ainsi les photographies du livre réalisées au Liban datent de l’été 2005 et sont donc antérieures à l’image de presse réalisée quelques mois plus tard en 2006 et qui enserre les cahiers intérieurs comme témoignage d’une mise en boucle sans cesse recommencée ainsi que d’une temporalité qui semble être toujours fatale pour le Liban.
 

Tout commença en juillet 2006 lorsque je devais pour la seconde fois consécutive me rendre au Liban afin d’y terminer le projet photographique que j’y avais engagé l’été précédent ; la guerre civile (1975-1990) semblait bien loin alors, et  je tentais de témoigner de cette autre violence qui a pour tendre nom « reconstruction » ; je prenais mon billet d’ avion pour me rendre au Liban.
On sait ce qui arriva alors ; mes amis étaient  là-bas sous les pluies des bombes chimiques, et au cours de ce mois de juillet 2006 je suis restée à Marseille, abasourdie par la brutalité de ce déclenchement de guerre disproportionné.
C’est à ce moment là sans doute – recherchant en une sorte d’équivalence à ma rage - une métaphore pour dire ce désir de mort au cœur  des hommes qu’a germé en moi le retour sur Vegas, Nevada ; j’ étais passée par là en 1999 et je m’étais dit alors que si l’enfer existait sur terre il devait probablement ressembler à « ça » ?

Je devais désormais oser cette virée dans Vegas puante et scintillante de mille feux, - grosse machine inflationniste de désespoir -  afin de mieux révéler l’ outrance  de ce spectacle autarcique qui ne cesse de réduire l’ humain à de la valeur ajoutée… écrasante puissance de «  l’ empire américain » dans cette course à la mondialisation de nos souffles, de nos représentations,  pris en otage que nous sommes  d’un monde qui tourne mal,  happé par les baudruches du grand capital planétaire.
Las Vegas,  comme paradigme de ce qui s’exporte et nous regarde tous, Las Vegas, l’empire du toc, Las Vegas qui triomphe misérablement car ici la vie ne tient qu’ à un fil, elle a sa propre logique car elle y inclut légitimement sa propre fin.

A propos du thème de « l’identité » proposé par Septembre de la photographie 2008,  j’avais écrit : « l’inquiétude par rapport à l’usage de ce terme proviendrait du fait que l’ère de la mondialisation et de ses effets  ravageurs que nous connaissons désormais si bien,  semble plutôt générer  une tentation de repli : repli sur l’ idée de nation, de région, de regroupement ethnique, linguistique, religieux, sexuel...  nul ne doute qu’il s’agisse là d’ un contre effet de la globalisation; le capitalisme ne cesse de nous submerger d’ une production d’ objets ayant pour fonction de nous isoler toujours plus dans nos solitudes,  en fabricant d’ est en ouest et à vive allure « du même » sans épaisseur;  « la tendance » alors  serait de s’ inventer des territoires  singuliers et rétrécis, « identitaires », dans lesquels  l’ autre n’ aurait de véritable fonction qu’ à y tendre son propre miroir . »

Vegas : première destination touristique au monde des américains !
l’autre n’ y existe pas ; le lointain, les pays  se réduisent tour à tour à des containers pour machine à sous boulimiques… Venise Paris Le Caire et même Bagdad… dans la survivance du « Casino Aladdin », s’illuminent à heures fixes pour ranimer ces empires de carton pâte goulus. Sans doute et à ce compte là seulement ? on doit pouvoir - sans trop d’état d’ âme – répandre stratégiquement le chaos « ailleurs ».

Monique Deregibus, décembre 2008

 
Lire le texte d'Isabelle Hermann
 
Voir la vidéo réalisée dans le cadre de l'exposition I love you for ever Hiba
Centre culturel Marcel Pagnol, Fos sur Mer, 2009
Sur une proposition du FRAC Paca et de France Paringaux
 
 
Série Groupe Méditerranée, Liban été 2005
Photographies argentiques couleur, 60 x 70 cm et 90 x 110 cm
Vues de l’exposition Toucher l’indicible, CRAC Sète, 2006
avec Juan Manuel Echavarria, Valérie Jouve et Boris Mikhaïlov
Commissaire d’exposition Noëlle Tissier
Crédit photo William Squitieri


Mediterranean Group, Lebanon, summer 2005
Colour silver prints
 
Dans l'exposition Toucher l'indicible Monique Deregibus présente Groupe Méditerranée, Liban, été 2005, un ensemble de photographies réalisées l'été dernier au Liban, et plus précisément dans la ville de Beyrouth; comme dans les séries précédentes il s'est agi pour Monique Deregibus, dans un laps de temps extrêmement bref, de tenter de traduire une rencontre visuelle faite de heurts, de lacunes, voire d'impossibles.
Le choix des villes, notamment Sarajevo, n'est nullement hasardeux et permet de maintenir à vif une violence en représentation qui aurait pour équivalence intime l'acte même de la photographie.
Ainsi de Beyrouth : où chaque image produite s'inscrit à la fois dans un ensemble qui la dépasse et dont elle est pourtant nécessairement un maillon singulier à lire comme paradoxe : d'abord comme totalité rencontrée dans l'espace logique de chacune d'entre elles; invitée ensuite à se dénouer aussitôt par la force combinatoire, voire contaminante de l'ensemble du bloc, tout autour.
Vingt-sept photographies donc, "ramenées" du Liban, décollées d'une géographie presque lointaine et malheureusement prémonitoire; ayant chacune sa propre logique de retranscription, invitée à poser ici ou là les jalons d'une quête complexe de signes opaques, d'indices à bas bruit, d'interférences hasardeuses prélevés au gré des déplacements.

10 heures 10 Beyrouth, place de l'étoile : la photographie exhibée à l'intérieur de la photographie nous indique l'heure en quelque sorte, révélant ainsi le trouble des temporalités : toujours arrêté, figé, fractionné, toujours périmé, le temps photographique fonctionne comme leurre traquant un réel qui se dérobe.

1982-2005, Chatila Beyrouth

In the exhibition Toucher l’indicible, Monique Deregibus shows Mediterranean Group, Lebanon, summer 2005, an ensemble of photographs made last summer in Lebanon, and to be more exact, in the town of Beirut; as in the previous series, Monique Degeribus attempted to transpose, in a very brief lapse of time, a visual encounter made up of shocks, absences, and even impossibilities.
The choice of the towns, particularly Sarajevo, was not fortuitous and enabled the violence in representation, which would have as its intimate counterpart the photographic act itself, to be kept alive.
Thus from Beirut : where every image produced is at the same time part of a context that goes beyond it and of which it is however inevitably a particular link to be read as a paradox: first as the totality met in the logical space of each one of them ; then invited to disconnect itself, using its combining even contaminating force, from the whole block all around.
Twenty-seven photographs then, “brought back” from Lebanon, taken off from a geographical region that is almost far beyond and, unfortunately, premonitory ; each one with its own logic of rewriting, invited to place here and there the marks of a complex quest of opaque signs, softly spoken clues, fortuitous interference picked up as moving along.
10 hours, 10 Beirut, place of the star: the photograph shown inside the photograph in some way indicates the time to us, thus identifying the difficulty of temporalities : always stopped, motionless, fractioned, always expired, photographic time functions like a bait tracking a reality that conceals itself


 
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