DERAIN-MAHDJOUB 

Une vie simple ? Suisse, 2000-2002

C’est une intervention éphémère qui a eu lieu dans le jardin public de Morat. Le jardin, nommé pour l’occasion Jardin de la violence, était voulu dans le cadre de Expo.02 par le Comité International de la Croix Rouge et financé par Stephan Schmidheiny, industriel suisse, alors 124ème fortune mondiale. Cinq artistes y étaient invités. Cette exposition nationale questionnait l’identité suisse. Le cahier des charges précisait que notre intervention devait inciter le visiteur à prendre conscience de sa propre responsabilité dans les violences sociales… Refusant cette volonté moralisatrice, nous avons proposé à notre commanditaire de travailler sur ce qui est à nos yeux la plus grande des violences : la répartition des richesses dans le monde et à l’intérieur de nos sociétés. Nous avons proposé une lecture du mouvement Croix Rouge et des intérêts qu'il sert — sachant que ceux qui sont à sa tête sont également des financiers ou industriels ultralibéraux, et pour certains, membres éminents de la Confédération suisse. Nous avons croisé trois corpus rarement associés : les textes de la Croix Rouge, les textes économiques édités par notre mécène et les textes juridiques concernant les étrangers. C'est le concept de limite, récurrent dans tous ces écrits, que nous avons interrogé : même la guerre a des limites, trouve-t-on dans les documents du CICR, ou il faut limiter les souffrances et créer des minima sociaux dans des textes économiques, souhaitant par ailleurs la destruction du droit du travail. Nous n'avons pas critiqué l'acte médical, ni la nécessité d'intervenir dans des situations d'urgence, mais seulement l'humanitaire en tant que reste muet de l’action politique : comment peut-on encore parler d'urgence lorsque des situations de détresse ou d’injustice perdurent pendant des décennies ? que le nombre des bénéficiaires augmente de jour en jour ? Maintenir les foules au minimum de la vie, c'est bien ce “colmatage” que nous tentons d’interroger dans la fonction que s'est donnée la Croix Rouge.

Notre installation s'est immiscée dans deux éléments existant déjà dans le jardin, qui questionnent en eux-mêmes l'ici et l'ailleurs, donnent à voir et à connaître : une lunette panoramique et une table d'orientation.


- La lunette panoramique
Une question - une vie simple? - se superpose à l'image du paysage. Elle est issue des textes de notre mécène, qui souhaite une vie simple aux travailleurs qui partent à la retraite après une vie de labeur ! La phrase gravée laisse le magnifique paysage de Morat tout à fait visible, le lac, les cygnes, les bateaux, les maisons cossues, les vignes…





Vue d'ensemble de l'installation
Table d’orientation : sérigraphie sur bois, résine, plomb, gaze, peinture, encre, fil d’acier
Diamètre 1 m, épaisseur 6 cm, poids 60 kg
Lunette panoramique avec gravure sur verre optique


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