Martine DERAIN 

Le pont de Saint-Antoine Marseille, 1997
Un projet de Dalila Mahdjoub et Martine Derain
(projet refusé)

Proposition d’intervention artistique dans le cadre de la requalification du pont de Saint-Antoine et aménagement plastique de ses abords, opération prévue dans le programme d’intervention en faveur des commerces de proximité du secteur GPU. Commande publique initiée par la Ville de Marseille et la SNCF.






Le quartier de Saint-Antoine, dans les Quartiers Nord, est divisé en 3 parties, peu ou mal reliées : l’ancien centre historique, le noyau villageois et la cité du Plan d’Aou construite en 1970 et conçue par les architectes Dunoyer de Segonzac et Dabat. Le pont à bardage métallique qui enjambe la route nationale de Saint-Antoine a été construit en 1942 pour remplacer un passage à niveau. Sa construction n’a pas été rendue nécessaire par la guerre, mais résolvait un problème bien plus ancien : faire passer à la fois des trains et des camions par cette voie. Les contraintes du terrain lui ont donné sa forme : bâti sur un plat, ne devant pas excéder un certain degré de pente afin d’être utilisable par les motrices d’alors, il n’a pas été créé pour relier – la symbolique du pont ne fonctionne pas ici – mais simplement pour répondre à l’augmentation du volume des échanges. Le pont possède des qualités esthétiques dues à cette fonctionnalité même, il ne marque pas non plus l’identité de Saint-Antoine, mais il est un “bon repère” sur cette très longue route, comme nous le diront de nombreux habitants. Nous avions proposé une intervention minimale sur le pont, destinée à révéler ses qualités propres : remise en couleur discrète, proche du ton de l’acier, réfection de la dalle et des piles en laissant le béton brut. Nous n’avions pas envie d’un éclairage spécifique, qui devait simplement s’inscrire dans la réfection de celui du quartier.Nous proposions également de porter attention à l’environnement proche, impasse du Chemin de Fer, la placette près du bar, en demandant à ce que le mobilier urbain soit de qualité, peut-être comme celui du centre-ville ?

Notre regard s’est porté sur les relations des habitants du village avec ceux de Plan d’Aou.Comme de nombreuses cités, elle véhicule les clichés de violence et d’insécurité, réelles et fantasmées, induisant des comportements de peur: une peur qui se cristallise dans des objets sécuritaires, par exemple ces murs isolant la zone pavillonnaire du Pas des Tours de la cité de Plan d’Aou, cinq murs en parpaings et barbelés construits sur des voies publiques, sans permis mais tolérés par la Mairie.






Nous voulions questionner la réponse apportée par les institutions aux questions urbaines posées par les cités, nous voulions interroger ces démolitions, cet effacement d’un pan de l’histoire populaire. Pour autant, il ne s’agit pas de dire, à l’instar de certains discours officiels, qu’il peut faire bon vivre dans ces grandes cités, telles qu’elles sont aujourd’hui! Cette démolition annoncée de Plan d’Aou, cet évènement local nous reliait à l’histoire générale de la démolition des grands ensembles. On sait ce qu’il en est aujourd’hui de ce programme, qui pose à nouveau dans la plus grande urgence la question du logement social.







Démolition des Tours de la République, quartier Démocratie, à Vénissieux le 4 octobre 1994. Images Libération, octobre 1994


"Ce que l’on veut démolir, de façon aussi spectaculaire, ce que l’on ne veut plus voir, ne serait-ce pas davantage le contenu que le contenant ?"
Alain Fourest - Ensemble refaire la ville : une solution ? la démolition ? Texte DSU, réunion du 22 septembre 1987

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