Martine DERAIN 

Prolongé d’un rien
Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture [2011-2013]
 
En 2011, MP13 m'a confié la direction artistique d'un des quinze Quartiers créatifs de la capitale, programme de création artistique qui visait à "produire des objets ou des actions dont l’élaboration des formes est partagée avec les habitants. Lancé au cœur du mouvement de la rénovation urbaine, il doit pouvoir questionner, infléchir ou compléter le processus d’aménagement." Nous avons sans doute questionné, certainement pas infléchi ou complété la réhabilitation… Nous fûmes d'une splendide inutilité de ce côté-là…

 
Nous – Martine Derain, Film flamme, Ex Nihilo, Suzanne Hetzel et Raphaëlle Paupert-Borne – avons fait de la cité un atelier permanent : là, entre le grand ordinaire et l'universel de la création, se sont révélées à nous des formes qui ne pouvaient s'imaginer ni se dessiner ailleurs. Formes préalables même à notre présence. Formes inscrites dans l’air de la cité, dans le geste de ses habitants, dans la structure de ses bâtiments, l’écorce de ses arbres. Formes que nous avons prolongées d’un rien, un trait de crayon, un mouvement de caméra, le déclenchement d’un appareil photo… En cinéma, c'est le choix de la fiction ou du ciné-poème qui s’est imposé et nous a permis de rencontrer les habitants sur une terre commune : celle de la création, de nos infinies folies douces… En danse, c'est l'élan d'un premier mouvement, avec les enfants de l'école ou les dames et messieurs de la cité voisine. Avec Suzanne Hetzel, un patient travail d'écoute des histoires intimes où bruisse la grande histoire collective et avec Raphaëlle Paupert-Borne, des peintures de voyage… Au-delà de la « direction artistique », terme tout à fait impropre à définir mon action (qui fut simplement de créer une situation où les artistes étaient libres, tout en rêvant de chocs entre la danse et le cinéma, la peinture et la fiction…), j'ai réalisé avec Jean-François Neplaz un film, De loin en loin, une fable qui nous emmène de Casablanca au Pérou en explorant l'un des bâtiments de la cité de l'Abeille, qui sera hélas démoli : un petit immeuble de l'équipe Candilis/Josic/Woods… Une balade « patrimoniale » avec les habitants, que j'ai continuée jusqu'en 2015, et un livre-carnet de voyage, Prolongé d'un rien. Le livre où nous racontons à plusieurs voix ce que fut cette expérience. Un livre-invitation à suivre les lignes tracées sur le sol de la cité pendant ces deux années : les lignes de la danse, du chant, du dessin et des récits… Notre résidence à ciel ouvert fut un point de voir privilégié : sur les désastres de notre temps et plus encore sur la richesse de ce qui est déjà là.
 

De loin en loin 2013
Super 8, super 16, 33', avec Jean-François Neplaz

Le film est une fable écrite depuis la cité. Au fil et autour de ma narration, d’autres histoires s’entrecroisent : récits des habitants ou interventions des artistes invités à l’Abeille. L'histoire prend sa source d’un immeuble promis à démolition dans le cadre du plan de rénovation de l'Abeille, une « Opération Million » de l'équipe Candilis/Josic/Woods dont l'origine se trouve à Casablanca. Le film pose en exergue l’apport de l'expérience marocaine, qui affronte la question du logement du plus grand nombre, et suggère la possible transmission d’une histoire populaire et ouvrière.
Avec Smaïl Bouanani, Hassan Darsi, Martine Derain, Fateh Mezlef, Bénédicte Chaljub, Denise Païka, Gilberte Mannu, Raphaëlle-Paupert-Borne, Brigitte Manoukian, Adrienne Laube, Giuseppe Secci… Lieux de tournage Carrières Centrales à Casablanca ; Cité de l'Abeille à La Ciotat ; Institut Français d'Architecture à Paris / Remerciements particuliers à Takis Candilis, Bénédicte Chaljub, Hassan Darsi et à l'IFA

 

Quelqu'uns 2013
Super 8, 6'

Improvisation de la compagnie Ex Nihilo, sur un air de West Side Story, joué lors du concert donné à l’Abeille pour la Nuit des Cités par les Ensembles Philarmonica, Rondo di Cello et Les 4 cordes. Une histoire de place que l'on cherche et que l'on s'invente…
Avec Ex Nihilo, les ouvriers du chantier et deux jeunes filles de la cité…

 
La continuité du Quartier créatif :
Projet Tatlin 2014-2016

J'ai nommé “Projet Tatlin” ce qui a continué dans la cité de l’Abeille et ailleurs, après le Quartier créatif, action soutenue par la seule Ville de La Ciotat (au travers de la Politique de la Ville, les autres institutions n'ayant pas donné suite aux mouvements de création initiés dans les quartiers) Projet Tatlin consistait à diffuser les créations réalisées sur les “scènes normales de l’art” pour la peinture ou la photographie, en festival pour les films, et à poursuivre le geste de création avec un nouveau film collectif. Nous avons pu montrer les films, la peinture, le livre, parler de cette riche expérience lors de nos interventions et rencontres, mais la réalisation du nouveau film fut complexe : en 2014 et 2015, nous avons vu disparaître le mouvement que nous avions su créer par une présence quasi-quotidienne dans la cité. Un contexte tendu, celui de la mise en œuvre de la réhabilitation (où les jeunes n’avaient pas été recrutés) a rendu notre travail presque impossible dans la cité même. Et puis, nous n’avions plus à nos côtés M. Giuseppe Secci, fabuleux personnage de nos films précédents…
 

Un nouveau film avec Film flamme :
Du monde j’ai fait la tour

C’est l’un des films tournés en 2013, Tatlin, de Aaron Sievers, qui avait donné ce désir partagé de continuer l’aventure... Dans cette fiction, Livario, un ancien ouvrier du Chantier Naval de La Ciotat projette de construire, en plein cœur de la cité de l’Abeille, un monument en hommage aux travailleurs. Ce monument, c’est la tour de Tatlin… qui n’existe que par deux dessins, connus dans le monde entier. La fin du film voit Livario planter les premiers piquets de fondation. Le nouveau film est né de ce trouble. Il y eut une première session d’écriture collective du scénario en juillet 2014, deux sessions de tournage/montage en mai et juin 2015. Une dernière semaine de montage a eu lieu début 2016 : le film restera inachevé – notre acteur principal n’est pas venu au deuxième tournage – et je n'ai pas eu la force de poursuivre l'engagement des années précédentes… Il faudra l’accepter inachevé.

 
 
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