Julien CLAUSS 

Insulation 2015
Webcams distantes, réseau internet, télévision à tube cathodique, ordinateur, programme informatique
Vue de la performance

Insulation est un film clignotant composé de portions de ciel prélevées en direct sur des images de webcam situées le long du 45e parallèle nord. Chaque seconde, le spectateur voit défiler devant lui une succession de monochromes. Il voit le bleu du ciel pendant une fraction de seconde, celui du ciel quelques milliers de kilomètres plus à l’est la fraction suivante, et ainsi de suite, glissant à une vitesse abyssale vers le crépuscule et repartir sans fin dans une nouvelle rotation. Le ciel de ces images, après avoir été analysé par un logiciel, est synthétisé en une seule couleur qui est retransmise en direct par la télévision.

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Insulation 2015
Webcams distantes, réseau internet, télévision à tube cathodique, ordinateur, programme informatique
 
Insulation, d’abord, incite le spectateur à s’interroger sur le statut des images qu’il est en train de regarder, des monochromes se succédant les uns aux autres. Julien Clauss montre des images de télévision qui, dépouillées de leur signifiant, se présentent, en quelque sorte, comme des images de télévision « pure ». Qu’est-ce que pourrait être la télévision si elle n’était qu’un médium ? Quel est le message porté par ce médium ? Nous pourrions dire : Cette fenêtre qu’est la télévision, témoigne d’une perception « machinique » du monde. Elle cette boîte lumineuse, qui nous rappelle que partout il y a de la vision (une succession de fabrications d’images) produite par la technique, qui par le maillage des réseaux d’informations, dans l’instant et à l’endroit où nous nous trouvons, exprime un état du monde que nous voyons, mais dont nous ne pouvons faire l’expérience réelle : le bleu du ciel, le bleu de tel ciel, en quelques fractions de seconde partout autour de la planète.
Voilà pour esquisser une explication intellectuelle d’Insulation. Mais cette approche serait insignifiante si la télévision de Julien Clauss ne permettait pas une lecture poétique ou sensible de sa situation. Si nous prenons cette télévision pour ce qu’elle est, telle qu’elle se présente, nous pourrions dire qu’il s’agit d’une lumière, une lumière vibrante. La proposition de Julien Clauss de déposer là, à La Villedieu, une lumière adressée à tous et aux gens de passage, signale qu’ici quelque chose a changé.
Depuis la nuit des temps la lumière exprime l’espoir ou le renouveau. Qu’il s’agisse de la lumière du phare maritime guidant les bateaux à l’abri des rochers, ou de la lumière des photophores, cierges et bougies évoquant une altérité spirituelle.
Repris à notre compte nous dirions que la lumière émise par la télévision de Julien Clauss est plutôt celle d’une luciole. Comme l’évoquait déjà l’historien d’art Didi-Huberman, on tente ainsi de suivre la leçon de Walter Benjamin, pour qui le « déclin » de notre rapport au monde n’est pas « disparition ». Il faut « orga- niser le pessimisme », disait Benjamin. Et les images – pour peu qu’elles soient rigoureusement et modestement pensées, pensées par exemple comme « images- lucioles » – ouvrent l’espace pour une telle résistance.
Elie Kongs
 
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