Fria, hiver 73 est un ensemble d'œuvres réalisées spécialement par Pierre-Gilles Chaussonnet à l'occasion de l'ouverture de " La Planque en Live " à l'American Gallery. Les créateurs y ont carte blanche pendant cette année culturelle, pour des occupations très personnelles de l’espace mis à disposition par Pamela King.

Chaussonnet nous présente quasiment une réinitialisation artistique. L'histoire d'un Noël en Guinée-Conakry resurgit à travers des bulles de souvenirs. Son exposition s’avère être un point de départ de l'intention artistique, une invitation au voyage. L'omniprésence militaire, la beauté du paysage, en particulier du fleuve Konkouré, le danger animalier, le long périple au-dessus de diverses contrées se voient réinterprétés par le plasticien qui a gardé le regard aiguisé et émerveillé de ses 11 ans.
Ici, des clichés épousent le souvenir aluminium d'une usine de bauxite ; là, avec une exactitude d'archives, une cartographie de trajets en avion, jalonnée de photographies familiales ; ailleurs, une armoire à pharmacie de bal disco aux rythmes d'Horoya*. Les rapports inversés concernant la faune et les humains, les miniatures ou la présence de tentes individuelles suspendues perturbent les proportions. Du dehors dans du dedans vu de dehors, des variations de rythmes verticaux et horizontaux, une oscillation de cloisonnements aériens en panoramas clos…
Mais " Ceci n'est pas un album de vacances "... Le narrateur mêle des traces de vécu avec des pistes d'atterrissage sur le champ de l'imaginaire. Plus qu'un lieu de projection de mémoires, l'artiste nous sollicite à une place où la fiction reste à construire, au travers de dispositifs techniques atténuant volontairement la netteté des scènes présentées. La mise sous cloche, qu’il affectionne, incite à prendre de la distance et autorise la liberté d’interprétations et de projections d’expériences singulières. L’itinéraire se prête à des détours discursifs.

Aujourd’hui, Chaussonnet offre un partage de l’intime et s’oriente dans une démarche d’épuration et de simplification de la forme pour le fond.
Lui qui pourrait nous faire croire que la vie est un jeu permanent, nous propose un au-delà du ludique qui ne perd pas en dimension infantile, comme nous le montre la série " Baladi-Balado ", pleine d'humour et librement inspirée du film " The Lost Continent " (1951). En nous invitant à nous pencher sur la surface d'îlots hors du temps, il nous indique un parcours dans les circonvolutions vivaces de l'enfance, creusé au bivouac du monde adulte…

* Horoya (Liberté) Band National : groupe de Jazz fameux sous Sékou Touré.

Marika Nanquette & Agnès Leussier