Pierre-Gilles CHAUSSONNET 

Petites fantaisies militaires 2011
Tripode, 125 x 70 x 70 cm
Vue d'exposition à la Cité du Livre, Bibliothèque Méjane, Aix en Provence, 2012


Gros nibards et petits soldats
Les Petites fantaisies militaires se composent de plusieurs pièces fonctionnant comme une seule brigade. Ces insectes géants ou robots cyclopes prêts à l’assaut recèlent d’autres tiroirs à explorer. Juchés sur pieds, les caissons de munitions (chacun aménagé de loupe et de décor miniature) nous placent dans la position courbée d’un spectateur isolé ; l’approche de l’œuvre est faussement simple car le propos ne se limite pas à une interprétation première où il serait question d’humour grinçant, de violence, ou encore à un constat technique mêlant ready-made et modules « faits main » dans l’extraordinaire atelier-maison du Panier.

Une filiation duchampienne (dans sa posture posthume en particulier) ne peut être niée. Les dispositifs d’optique, sortes de judas laissant entrevoir une poésie parfois cruelle, sont légion dans le travail de Chaussonnet ainsi que la tenue d’Eve, souvent de mise.

Anne Dumonteil souligne que, face à la démarche de PGC, « Nous sommes un peu voyeurs du dérisoire mais également de la gravité » ; les figurines des premiers plans se détachent sur des fonds photographiques intensément éclairants. De la pin-up généreuse de vulgarité au hamburger voluptueusement gaveur, l’image de la femme en tant que produit ou caricature n’est pas la seule cible. En effet, les méfaits de la guerre (essentiellement masculine) sont illustrés par l’insoutenable : le cliché d’une dépouille de vietnamien atrocement mutilé, porté par un GI comme s’il tractait nonchalamment sa caisse de bières, apporte une ponctuation glaçante, une balle perdue qui vous siffle aux oreilles et vient se jucher entre vos yeux. On pense, même s’il elle s’avère plus excessive, à l’installation des frères Chapman présentant sous neuf vitrines rectangulaires (disposées en forme de croix gammée) une scène de bataille imaginaire dont le déchaînement orgiaque perturbe. Les petits soldats meurtris et peinturlurés de carmin semblent sortir d’un cauchemar.

Chez Chaussonnet, les personnages en plastique choisis sont plus sobrement là, tels qu’ils ont été acquis. Cependant, le jouet enfantin ainsi directement placé sous nos regards trouve un écho particulier avec des adultes qui, en arrière garde, se mettent en joue… Des conflits et des préjugés dédramatisés de prime bord mais qui s’avèrent davantage stigmatisés à la seconde salve.
La figure de l’artiste n’apparaît pas, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans le théâtre optique de Pierrick Sorin, mais le sens du décalage et les lectures à digérer sont autant omniprésents. En ce qui concerne la réalisation de Pierre Huyghe, This is not a time for dreaming, les marionnettes ainsi que les éléments en scène servent de porteurs d’hommage à la conception de l’architecture ; la vidéo (souvent investie par Chaussonnet), scrutant un monde factice, devient ainsi le moyen appuyé de saisir le tangible par la fiction.

Dans un schéma similaire, en sourdine, on entend bien que le plasticien, ingénieur de génie (antimilitairiste s’il en est), mène son combat sans se représenter lui-même, en usant et usinant matières à faire avancer la carlingue ; il conduit cette dernière à travers un parcours d’images à réinterpréter qui, comme, l’oxymore (titrant ce groupe de sculptures-machines et faisant référence à une chanson d’Alain Bashung : « Soldat sans joie va déguerpis / L’amour t’a faussé compagnie ») suscitent l’étonnement en créant une nouvelle réalité jusqu’à l’absurde.

Marika Nanquette-Querette « Genres : Masculin / féminin », Cité du Livre, mai 2012 / DAAC / APA



 

Vues de l'exposition Petites Fantaisies militaires et rêves de plomb, Armandat, Barjols, 2011

Petites fantaisies militaires 2011
Tripode, 125 x 70 x 70 cm
Vues interne

 

Vues de l'exposition Petites Fantaisies militaires et rêves de plomb, Armandat, Barjols, 2011

Petites fantaisies militaires 2011
Quadripode, 125 x 70 x 70 cm
Vues interne
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