Le film animé Geodésir réalisé à partir des dessins produits dans Sainte Victoire durant l'été 2014
tente de retrouver l’immersion dans la montagne provençale et l' expérience d'une dérive émotive au grès des sensations éprouvées.
L’ambiance est changeante obscure, tellurique, et le tracé sismographique du stylo bille noir, loin d'un face à face descriptif avec la montagne, pointe plutôt les états changeants du lieu: fraicheur des sous-bois, douceur des courants d'air, euphorie des lumières et des sens, extravagance des modelés…et plus tard… grondement des tectoniques… échos des lointains dinosaures… rumeur sensuelle des pensées ... le souvenir perçant de la déferlante de l’enfance revient... mémoire d’un chamboulement physique.
Tout se mélange, tout se relie.
Le dessin suit l’émotion, dérègle les courbes de niveau, la géographie toute entière… non euclidienne. Sainte Victoire ne se donne pas dans l’immédiateté d’un signe reconnaissable, mais s’approche, s’appréhende dans l'humeur, le mouvant, l' émotif… Me revient une phrase de Samuel Beckett dans Soubresaut: “ Ici tout bouge, nage, fuit, revient, se défait, se refait. Tout cesse sans cesse. On dirait l’insurrection des molécules, l’intérieur d’une pierre un millième de seconde avant qu’ îl ne se désagrège.”

La durée filmique, avec la montée des images et leur disparition dans un lent diaporama qui s’anime par moment, ainsi qu' avec la composition électroacoustique de Fabrice Martin, ajustée sur les captations sonores prélevées in situ, donnent à l’ensemble, la qualité d’ une lente démesure. Si la géodésie est la science de la mesure de la terre, le néologisme géodésir suggère l’art de désirer et de sentir comme moyen d’ouvrir les contours du monde ... y compris le fond de l’ océan, celui de la pensée et celui du coeur...