Clémentine CARSBERG 

Pour mémoire, une conversation entre conservations, 2023
Parcours-Installations composées d’une série d’oeuvres in situ pensées pour le lieu et son contexte lors de l’exposition personnelle sur 2 sites à Loupian (34) au Musée Gallo-Romain Villa Loupian et à l’Espace o25rjj – Lieu d’Art Contemporain Résidence d’artiste chez l’habitant.
Une invitation de Pascale Ciapp de l’Espace o25rjj, Loupian en partenariat avec Patrimoine Sète Agglopole avec les soutiens de RAJA Collection Raja-Art contemporain, de La Palanquée et de la Région Occitanie Méditerranée
 
FAIRE pour VOIR, JOUER pour COMPRENDRE et PARTAGER
Ces quelques mots pourraient suffire à poser mes intentions pour ce projet, mais j’ai bien envie d’échanger un peu plus avec vous et de tenter de partager comment je me suis positionnée et quel a été mon chemin de pensée.
Pour répondre à l’invitation de Pascale Ciapp de l’Espace o25rjj à créer des œuvres spécifiques à la Villa Loupian, j’ai cherché à entrer en correspondance avec ce qui compose ce lieu, à dialoguer avec le site, les restes et leur mise en valeur.
Les images créées tentent un échange, en jouant avec les codes et les matériaux.
Le passé du lieu et son actuelle mission mènent une conversation sur la conservation. L’entretien comme point commun, les notions de préservation, de valorisation, de compréhension, de transmission sont au cœur des enjeux du site et le fil rouge de ce temps de réflexion-création déroulé à Loupian.
Une des particularités du site de la Villa Loupian est d’être « in situ », appréciée pour ses qualités « d’avoir déjà été ici », « d’être encore ici » et « de rester ici ».
  Nous y regardons le temps, l’ancrage de l’histoire et de ses strates mais aussi comment nous le voyons.
Le vocabulaire spécifique de la recherche archéologique, de la technique, des matériaux, côtoie celui de la vulgarisation, de la décoration intérieure et des mots spontanés des visiteurs.
La question de vrai et de faux, présente dans le musée, entre les « vrais » éléments et ceux reconstitués pour la compréhension, entre les explications « scientifiques» et celles projetées par notre imaginaire ou le « bouche à oreille » et les croyances, joue avec les différentes lectures.
Les œuvres soulignent ces éléments qui me touchent particulièrement, des détails, des récurrences, des fragilités, des inaperçus.
Elles suggèrent un point de vue sur les complexes modifications architecturales, des fondations à l’ornementation, et le récit qu’il en est fait, dans des sortes d’anachronismes questionnant, des comparaisons légères.

Texte d’introduction au livret d’exposition
 
 
 
La nasse
Vannerie sauvage et aléatoire en canne de Provence (Arundo donax) et ronce commune (Rubus fructicosus)

Inspirée d’objets liés à la pêche (nasse), à la cueillette (panier, corbeille), aux protections vannées des amphores et à la navigation (coracle), j’ai voulu construire une sorte de « grande poche tressée » dans des dimensions hors normes (sorte de panier de crabes pour humains), en utilisant les éléments présents, comme j’imagine qu’on le faisait dans le quotidien de la vie du lieu des époques représentées.
 
 
 
Des sorties de bain
Cartons, bois
Dans le frigidarium
Pour la réalisation de cette oeuvre, merci spécial à la Collection Raja - Art contemporain pour leur soutien renouvelé en apportant les matériaux « cartons ».

Deux escaliers en cartons flottent pour continuer les marchent existantes. En évoquant les strates du temps et en référence à la maquette en escalier du site exposée dans le musée, cette proposition touche la verticalité alors que les éléments présentés, le sont essentiellement dans leurs traces restantes, horizontales, au sol. Ces escaliers font un lien avec les motifs « casse-tête » des artisans mosaïstes et des représentations « à la Escher », des escaliers qui ne mènent nulle part ou toujours ailleurs.
Dans la vitrine proche était également présentée la maquette de ce projet.
 
 
Conversation // Conservation
À l’extérieur entre le site et le musée
Lettrages adhésifs sur panneaux d’origine repeints.

Ces deux mots aux lettres en commun tissent des liens.
Une conversation est un entretien et l’entretien est une conservation. Le musée a été réfléchi pour mettre en valeur le site, par des choix et des sensibilités, ici de montrer la Villa tardive au V siècle, bien que l’occupation date du I siècle.
Cette œuvre et cette idée sont reprises sur la carte postale lenticulaire en « édition limitée », disponible sur demande.
 
Le marquage au sol
Galets récupérés sur le site
À l’extérieur

A l’emplacement « initial » du frigidarium, est tracé aux galets blancs comme le petit chemin juste avant (qui n’a pourtant rien à voir), le contour du frigidarium.
Jouer avec les éléments présents, essayer de comprendre les modifications d’espace en le remettant à sa place « d’origine ».
C’est un jeu avec les zones fictives et simulées, un jeu avec l’usage du mot « tapis » pour les « rectangles » de mosaïques qui marquent parfois l’emplacement du lit de repos (sur le petit côté d’une pièce), un jeu de tracés, une simulation de frontière.
 
Les pansements
Collages d’environ 18 000 gommettes de 8mm sur papier calque,
Dans la salle des mosaïques
Pour la réalisation de cette oeuvre, merci spécial à la Collection Raja - Art contemporain pour leur soutien renouvelé en apportant les matériaux « gommettes ».

Deux feuilles (de cognassier ou de figuier), un panier, une frise (feuilles lancéolées (laurier ?), une feuille sous la gourde de l’automne, une poêle (une patère et l’extrémité d’une autre, il est également possible d’y voir un miroir), des frises (dont un rinceau de gaines d’acanthes ou de cornes d’abondance), un canthare et quelques pampres de vignes.
Les termes « lacunes » et « manques » donnent envie de continuer et d’imaginer selon les formes, de proposer une suite, une continuité, de réincarner des « vides » grâce aux pastilles autocollantes.
En ajoutant cet « étage chromatique », les 3 existants sont mis en valeur : tesselles d’origines colorées / tesselles de reconstitution en noir et blanc / lacunes-manques avec tracés, simple évocation, traitée en aplat monochrome, limitée aux lignes de force du décor.
Les couleurs criardes complètement anachroniques des gommettes jouent la reconstitution et permettent d’appréhender la technique de remplissage et des motifs.
Ces zones proposent malgré l’écart de technique, un motif voisin et taquin de celui des mosaïques du début du siècle.
Comme des « pansements/tapis » qui se posent au sol au bon endroit pour que les motifs correspondent, ces éléments évoquent les« cartons » (modèles) des artisans voyageant avec leurs ateliers et motifs ; tel un « trésor commun des canevas » ainsi que les influences multiples qui coexistent ici.
Les matériaux détournés de leur usage premier permettent de revoir ces techniques anciennes et précises sous un nouveau jour dans des comparaisons légères, qui en appellent au sourire.
 
 
Les macarons
Broderies à 16 mains (7 volontaires et moi-même)
Dans la salle des mosaïques

Broderies faites à la main reprenant des motifs circulaires existants du site. Ces petits éléments positionnés dans les cercles vides, lacunaires, font référence aux emblema présents dans l’art antique, des tableaux mosaïques amovibles et transportés qui complétaient des espaces laissés vides lors de l’absence du « maitre de maison ».
 
Des piles d’assiettes
Assiettes récupérés ou trouvées en recyclerie

Colonnes reconstituées pour donner une idée du péristyle et de la verticalité des lieux.
Ces accumulations amènent comme un peu d’usage et une sorte de trace, de « preuve » que ces lieux étaient utilisés pour de grandes rencontres, banquets... comme si on avait laissé la vaisselle sale en partant.
 
 
Le dedans au devant
Impression sur bâche

Sur la F.L.A.C. à l’Espace o25rjj
Du sol privé au mur exposé, du sol d'usage, au mur « terrain de jeu » de la bâche de la FLAC, le mouvement et le changement d'échelle du carreau de ciment de l'entrée de l'Espace o25rjj, passe de son lieu d'origine intérieur (au sol, horizontal) ; en façade, dans l'espace public (extérieur, vertical).
Dans la suite matérielle des mosaïques, les carreaux de ciment font partie de l'histoire de la décoration intérieure, sur cette frise du « comment habiter ? ». Ils sont « de la couleur dans la maison ».
Le motif répétitif, l'évolution de ces ornements et représentations, peuvent être au cœur de cette rencontre entre la Villa Loupian du Musée archéologique et l'Espace o25rjj, tout autant que les histoires de modifications architecturales et d'usages de lieux, les différentes strates et superpositions emmêlées.
 
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