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Documentsdartistes.org invite des artistes à produire une parole pour rendre compte de leur travail, de leurs recherches et réflexions, dans un contexte d’isolement et de distance sociale.
L’Eldorado de la Méduse
Texte de Denis Brun extrait de New Wave Potatoes
Éditions de l’Obsidienne
Lecture et captation sonore : Roland Semadeni
Image / montage / musique : @Denis Brun |
Au départ, il s'agissait d'un texte écrit pour une installation gonflable et flottante, exposée au Parc de la Maison Blanche en 2014 durant le Festival des Arts Éphémères.
L'installation montrait un radeau de fortune, construit avec des palettes et des chambres à air de poids-lourds, sur lequel coexistaient des animaux et des humains gonflables.
Au premier degrés, on pouvait y voir une métaphore "fun-tragique" du Radeau de la Méduse de Géricault.
Une lecture différemment orientée pouvait laisser place à l'évocation d'une situation aussi dramatique mais beaucoup moins sordide, voire, bien plus décadente et festive.
Une bande son disponible sur Mixcloud, faisant partie de l'installation, était diffusée via un QR-code posé sur un cartel au bord du plan d'eau, face à la sculpture gonflable.
Voici le lien de cette bande son :
https://www.mixcloud.com/denisbrun7/mixeldoradomix/
Cette installation (gonflables, radeau, bande son et texte) fut à nouveau présentée lors de l'exposition personnelle How creep is your love qui eut lieu chez Vidéochroniques à Marseille, en 2018.
La nouvelle L'Eldorado de la Méduse a été ré-écrite en 2019 pendant une résidence au Jardin des 5 Sens à Aix en provence, durant le montage de l'exposition personnelle Things and animals.
Elle est, dans la vidéo que je vous présente aujourd'hui, lue et enregistrée par un plasticien/musicien : Roland Semadeni, avec qui j'ai travaillé par téléphone et internet.
Le diaporama est composé de photos noir et blanc prises à Rome entre le 25 décembre 2018 et le 1er janvier 2019.
La musique de fond fut réalisée après un séjour à Turin en octobre/novembre 2019 lors d'un échange entre l'Espage GT de Marseille et Trasloco/Festival Nesxt, de Turin.
En 2014, j'ai écrit la première version du texte par jeu, en pensant surtout à l'installation qu'elle "supportait à l'écrit", tout en me réjouissant de la cyber-bande son qui allait en découler.
En 2019, les Éditions de l'Obsidienne, à Montpellier, m'ont proposé de publier des nouvelles :
http://www.lobsidienne.org/html/denis-brun.php
Lorsque j'ai regardé ce que je pouvais leur proposer, j'ai immédiatement eu envie de me replonger dans l'univers d'Alice, et de le préciser, tout en le re-situant dans une Rome où j'avais littéralement "erré comme une âme en joie" durant le précédent hiver.
Au moment de la réécriture le l'Eldorado, j'étais hébergé dans une grande maison, sur les hauteurs d'Aix en Provence.
J'étais complètement seul durant un mois.
La journée, je montais mon exposition et le soir, je relatais les aventures d'Alice en version améliorée.
La solitude était omniprésente dans ce travail d'écriture.
Elle tissait des ponts invisibles mais évidents entre l'isolement que je vivais au Jardin des 5 Sens, mon expérience Romaine, et le spleen chronique d'une Alice que je n'avais pas connue personnellement mais qui avait réellement existé et dont on m'avait parlé des années auparavant, à Los Angeles.
Il y a selon moi, une approche noble du "tragique" chez Alice qui, rejoint en creux, la grandeur sombre et mélancolique que j'ai pu découvrir et tant aimer à Rome.
Du reste, si l'on considère cette vidéo à la lumière de l'actualité, sous un angle distant et amusé cela va de soit, on peut y voir des analogies liées à la déambulation dans des rues vides, où seuls l'architecture et les arbres renvoient à l'humain, qui a presque disparu de l'image.
En outre, le malaise d'Alice et son isolement 5*****, même s'ils n'évoquent pas directement la situation de confinement dans laquelle nous nous trouvons, peuvent décrire de façon générique la tristesse immense liée l'abandon, tout comme celle de l'impuissance face au drame (quel qu'il soit) d'une existence (quelle qu'elle soit).
Il y a heureusement pour moi, et pour d'autres je l'espère, au travers de ces écrits et de ma création en général, la possibilité de sublimer le tragique, en le grimant, le moquant et le malmenant, afin de dédramatiser son origine dans la réalité. |