Marcher et photographier sont des verbes d’action, non d’état. De ces formes d’engagement qui déterminent plus qu’une pratique artistique chez Éric Bourret, sans doute faudrait-il tenter de saisir le mobile, ne serait-ce que pour mieux voir, ou voir un peu moins mal, ce qu’il nous livre ce faisant…
« Pour moi, la vraie recherche doit exister dans le fait de remettre en vigueur un certain type de solitude. »
Morton Feldman
Marcher et photographier sont des verbes d’action, non d’état. De ces formes d’engagement qui déterminent plus qu’une pratique artistique chez Éric Bourret, sans doute faudrait-il tenter de saisir le mobile, ne serait-ce que pour mieux voir, ou voir un peu moins mal, ce qu’il nous livre ce faisant — en marchant et en photographiant — avec l’obstination de qui trace une route, aussi réelle dans l’inscription que pensive dans ses effets. C’est toutefois avec d’infinies précautions qu’on devrait se lancer sur cette piste, mettant en quelque manière nos pas dans les siens, des pas de spectateurs patients, sans intention particulière et sans autre conviction que celle que prête à bas bruit toute contemplation, en gardant à l’esprit l’équivocité suggestive de cette idée de mobile qui désigne, comme on sait, tantôt un corps en train de se mouvoir, tantôt la cause incitant quelqu’un à agir. On y songerait d’autant plus volontiers que les deux acceptions valent ici, Éric Bourret étant par excellence ce photographe qui non seulement ne tient pas en place, mais en expérimente à ciel ouvert les conséquences avant de les exposer sur les cimaises.
Pourquoi, s’interrogerait-on pour commencer, a-t-il choisi d’employer le plus clair de son temps, et depuis tant d’années, à explorer, ou plutôt à rencontrer la réalité de certains lieux, proches parfois, d’autres fois éloignés, esseulés souvent, difficiles d’accès, voire inhospitaliers ? Et à quoi semble obéir ce fait qu’il ait, au fil de ses voyages et comme dans la foulée, entrepris de repenser la mesure de son atelier à l’échelle du monde ? Chemin faisant et questionnant, glanant çà et là quelques bribes de réponse, on avancerait sans hâte dans le lent corridor des images. On s’arrêterait, on contemplerait longuement. La mise en série de certaines d’entre elles n’appellerait pas seulement notre regard, elle l’inquièterait, ce qui est toujours bon signe. Car si ce qui est montré là, à l’évidence, ne peut que nous ravir en nous troublant c’est que tout paraît procéder d’une attente sans objet, ou disons d’une pure expérience de l’attente — version serrée de l’attention —, dont la portée a plus d’une fois certains élans presque cosmiques, provoquant à la volée, ici par nappes ou là par points, un complexe d’émotions analogues à celles qu’on ressent à l’écoute de certaines pièces de Morton Feldman, compositeur dont Éric Bourret est par ailleurs l’auditeur passionné.
Passant ainsi d’une image à l’autre, nous nous dirions que par-delà l’incontestable vigueur plastique de cette œuvre, l’artiste a dû forcément ressentir, percevoir, si ce n’est concevoir quelque chose qu’on ne peut quant à nous que deviner tandis que la photo en garde la trace vive à proportion de cet exil délibéré, vécu sur des sommets ou dans d’immenses espaces. Exil d’un humain engagé sans réserve dans sa marche, ne dérogeant jamais à cette règle donnée une fois pour toutes, qui veut qu’il n’y ait d’image qu’à condition d’envelopper l’expérience de la solitude avec celle d’un corps happé par le dehors. Bref, on poserait qu’il n’est pas impossible qu’ainsi s’esquisse une définition de la démarche d’Éric Bourret et ce serait déjà un premier pas puisque, pour une fois, le recours à cette notion usée n’aurait plus rien de métaphorique, la bien nommée démarche de l’artiste ressemblant en son ordre à la réponse que fit Diogène à ceux qui défendaient l’argument d’une impossibilité du mouvement — il se leva et se mit simplement à marcher.
De tous ces lieux découverts, investis, traversés sous le rapport aventureux de l’homme qui va, il y a donc, comme autant d’archives du désir vagabond, des images. Toutes sont prises aux quatre coins du monde, eux-mêmes de prime abord sans réelles affinités, sans « liens d’espace », comme aurait dit Claude Ollier, hétérogènes par conséquent les uns aux autres, où l’on perçoit pourtant un « air de famille » en tant qu’ils sont, tous et chacun, exempts de toute présence humaine. Car il s’agit le plus souvent de lieux désertés ou de toujours inhabités, qu’on imagine livrés à eux-mêmes, c’est-à-dire à l’intensification de leur propre étendue, en l’absence de quiconque, même si ces lieux ont bien fini par recevoir un nom : Grands Causses, Larzac, Lac du Salagou, terres de l’Afrique Australe, ou encore forêts primaires des îles de la Macaronésie. C’est là, équipé et chaussé comme un explorateur, muni de son matériel de survie et de ses appareils, s’enfonçant dans le paysage, méditant, aux aguets, qu’inlassablement se rend Éric Bourret. Et c’est de là qu’il nous revient avec son lot d’images qu’il ne serait pas absurde d’aborder comme on lit des pages arrachées au journal d’un voyage dans le temps.
En parcourant les séries consacrées à chacun de ces lieux, on ne se contente déjà plus de considérer ce qui leur prête une simple phénoménalité. Rien ne les réduit à des sites remarquables et, parmi d’autres, les photographies du Causse du Larzac en donnent un bon exemple. L’ensemble des attributs y est certes immédiatement reconnaissable, mais de l’enchevêtrement et de l’immobilité des branches et autres rameaux, des ramures et des lichens rugueux qui composent l’austère végétation hivernale, sourd autre chose, comme par excès, quoique en demi-teinte. Quelque chose qui aurait affaire au silence impavide d’un réel rendu à lui-même, ou encore à l’usage d’un lexique raréfié. On s’en convainc en remarquant le saupoudrage d’une neige fatiguée auquel répondent, comme pour l’imiter, les condensations grises et blanches de la ouate du ciel. Nulle présence, encore une fois, et cependant nulle crainte. Qui en effet pourrait éprouver quoique ce soit de ce genre puisqu’ici, il n’y a personne ? Et l’on se dit que le spectacle du Causse du Larzac nous est soudainement étrangement familier. Comment ne pas y voir l’énigme d’un face-à-face, impassible et aphone, nous tendant sans emphase le miroir de notre condition ?
Mais tout juste suspendue, la démarche reprend, le marcheur n’attend pas. Existence et désir se trament si bien en lui, l’appel est si puissant qu’il lui faut de nouveau avancer, traverser l’océan, poser le pied sur une rive nouvelle, marcher jour après jour sur un sentier herbeux, et puis lever les yeux. Ici, la patience des forêts primaires lui a donné rendez-vous. Leur élégance aimante son regard, le hisse vers le haut en étirant son corps bipède du côté de l’infini. Il lui suffit maintenant de regarder de tout son être. Ça vibre là-haut, ça tremble a minima. Forêt est le mot qui désigne sous cette latitude une délicatesse en acte, forte en découpes, riche en lacis tendus à contrejour, avec ses millions de nervures gorgées de chlorophylle. Un frou-frou végétal sans sous-titres. Un réel inondé par la lueur ajourée d’un ciel tour à tour révélé et caché à force de couvrements et de recouvrements, selon le remuement des branches et des feuillages. Une mobilité pareille, aussi douce que souveraine, sort vertement de l’ordinaire. On est sûr qu’il y a là quelque chose du sérieux d’un jeu d’enfant. À vrai dire un pur drame temporel où la vitalité extrême des frondaisons, pour ne pas dire leur jeunesse, réactive les qualités ancestrales de ces troncs plantés là, allez savoir pourquoi. Forêts premières, dit-on à leur sujet, dont l’évidence est telle qu’elle fait pâlir l’idée même d’origine. Forêts sans âge, quoi qu’il en soit. Forêts témoins à leur façon d’une « naissance continuée »2. Grâce à la subtilité des surimpressions relançant l’anamnèse, c’est bel et bien l’enfance des forêts, et avec elle celle du monde, que l’artiste met au jour, nous rappelant du même coup que le passé demeure ce qui n’en finit pas de passer, qu’il est ce qui ne cesse d’irriguer et de soutenir le présent. Découvrant chaque image, spontanément, l’œil d’aujourd’hui suit le graphisme renouvelé des temps premiers avec une telle aisance qu’on se laisse bientôt envahir par les rêves éveillés de toutes ces âmes végétatives, et qu’on s’abîme sans peur dans une profondeur aérée où le caprice des formes, le dégradé des limbes réussiraient presque à nous faire oublier l’existence du vide. Rien de cela n’aurait jamais été donné sans le regard inquiet mais bienveillant de ce marcheur. Regard pointé vers les hauteurs, là où se reflète comme sur un dais princier la mémoire des temps.
Du ciel à la terre, d’un continent à l’autre, il n’y a jamais qu’un pas, celui qui signe la décision d’aller y voir. La série Cradle of humankind prolonge donc le voyage. Et le sol nous revient illico sous la plante, là où précisément les pas s’impriment l’un après l’autre pour conjurer la chute. C’est sous ce jour que se découvre la cause matérielle la plus élémentaire, faite de simples brins, de branches tordues, brisées, d’amas de brindilles consumées, de cendres dispersées, de brûlis. Une phrase fuse. Elle tient en peu de mots : quelqu’un est passé là avant nous. Avant le photographe lui-même. Jadis, naguère et aujourd’hui sont en fusion dans le creuset du voir. Oui, ces traces sont, auront été et ne seront jamais que celles d’un devancement. Oui, pour nous qui sommes les tard venus, quelqu’un a fait là ce que seul un humain entreprend lorsque l’emporte le geste de Prométhée. Les forêts nous avaient convoqués vers le ciel ; le feu, les braises et leur tapis de poussière nous font à présent baisser les yeux, histoire de sonder le puits des âges. En déclenchant, le photographe s’est proprement métamorphosé en archéologue sauvage. Son scrupule se porte sur le reste compliqué, sibyllin, d’une incinération archaïque ou d’un feu encore tiède, sensible au ras de ses reliefs. Le cadrage à bords perdus est si contraint, la définition si dense, si rude d’exactitude qu’on voudrait bien savoir si ces images ont été prises à hauteur d’homme ou, qui sait, du point de vue de Sirius. Qui donc, se demande-t-on, aurait le culot d’affirmer qu’elles dérivent d’une observation appliquée quand on connaît la force de la rêverie ? Mais comme en art tout est affaire d’échelle, cela importe peu, car c’est la terre enfin qu’on aperçoit. La terre meuble qu’on ne peut pas ne pas voir ni fouler, quand bien même on l’oublie, et avec elle la face de la Terre elle-même, visible d’ici ou d’ailleurs. C’est comme si cette poussière et cette cendre étaient d’humbles révélateurs — rappel de l’Écclésiaste — de l’unique certitude quant à notre devenir. Comme si, en somme, la cendre et ses brouillons poudrés rappelaient leur promesse à quiconque se souvient de son propre avenir. Cendre, « mot gris » écrivait Derrida, « thème poussiéreux de l’humanité, l’image immémoriale s’était d’elle-même décomposée, métaphore ou métonymie de soi, tel est le destin de toute cendre, séparée, consumée comme une cendre de cendre »3.
En suivant son aventure artistique depuis plusieurs années, on se dit qu’il n’est pas impossible qu’il y ait quelque chose du présocratique chez Éric Bourret. Ou peut-être du sage taoïste. Car il est clair que quelques soient les séries ou les lieux, les thèmes ou les régions, ce sont exclusivement, en leur aspect rudimentaire, leur instabilité native, les éléments qui semblent l’alerter et lui fournir une matière à penser. Air, feu, terre et eau sont donc ses matériaux quand, comme par provision, ciel, déserts, glaciers, sommets, vapeurs, nuées, deviennent ses documents. Des figures évasives du devenir universel. En récusant tout horizon, restant au plus près de la manifestation elle-même, les images qu’il a prises sur les bords du Lac du Salagou confirment à cet égard que toute surface, fût-elle celle de notre planète ou celle sur laquelle s’organisent nos projets biographiques, est avant tout un théâtre d’illusion où les catégories de proche et de lointain, d’ancien et de nouveau, où la plastique des cimes, des plaines ou des abîmes sont à la fin des fins les figurants, aussi éphémères que fugaces, de nos intrigues humaines. Approchons lentement le milieu aquatique, on verra que les différentes prises de vue du lac nous instruisent moins sur l’état du réel qu’elles exhibent ce qu’il en est de son impermanence. Ce ne sont là que brins flottants, vaguelettes, zones de clarté ou d’opacité, tremblements et dérives, suspensions de fétus, infinité de micro volumes qui se bousculent mutuellement, ne se posent jamais sur un quelconque socle, mais fournissent les preuves définitives que tout plan, toute surface, tout fondement, au détail près, n’existent qu’à la faveur d’un inlassable procès d’agitation, de discrètes turbulences, de courants dominants et de contrariétés formant des flux et des reflux. Bref, qu’il n’y a là rien de vraiment consistant, si ce n’est dans l’instant.
Et s’il faut maintenant revenir au mobile que nous avions pressenti et qui aura sans doute été la cause d’une aventure ayant pour nom Éric Bourret, la série intitulée Grands Causses sera très édifiante. Qu’y voit-on ? Non pas ces larges étendues que le titre et son imaginaire présupposeraient, mais de simples troncs d’arbres, cadrés frontalement — on pourrait dire aussi bien tronçonnés —, de telle sorte que s’y exhibe leur seule insurrection. Mais il y a plus. Comme à son habitude, en marchant-photographiant, Éric Bourret ne réalise jamais une image — fétiche de l’idéal — mais visualise d’ores et déjà, tandis que son corps se déplace, une image d’images. Un peu comme s’il s’efforçait de restituer sur la planéité à venir des supports la somme indéfinie des multiples esquisses dont est nourrie toute perception. Comme si l’idée même de contour relevait de l’abstraction. Si bien qu’on comprend un peu mieux à quoi correspond ce fameux mobile auquel on doit l’ensemble des photographies qu’Éric Bourret accumule au gré de ses errances. Il ne s’agit nullement pour lui, au nom d’un culte rendu au sacro-saint « instant décisif », de prendre une photo, et pas davantage de rendre compte d’une manière naturaliste d’un supposé état des choses. Qu’il ait affaire aux Causses, aux forêts de Madère, à la surface d’un lac ou à la rougeur de la terre africaine, tout revient au contraire à opérer, d’une façon éminemment paradoxale, un geste soustractif par le biais d’une saturation. Revenant à la série des Grands Causses où le sujet de la photo est un arbre, ou plus précisément son tronc, on ne peut qu’être frappé par ceci que la multiplication des superpositions à laquelle l’image est soumise tend à faire disparaître l’objet en tant que tel — la verticalité d’un cylindre de bois — au profit de la vibration, presque liquide, de son altération sans fin. Et voici que ces troncs, avisés un à un, se changent en de grands cierges couverts de cire lumineuse, symboles classiques de l’écoulement du temps.
On le voit, multiplier, superposer, accumuler sont les actes qui permettent à Éric Bourret, tandis que son pas recouvre tous les autres en les anticipant, de s’affranchir de la croyance en l’essence immuable des choses. C’est en ce sens qu’il y a quelque chose d’héraclitéen dans son travail. Et c’est cela qui rend bouleversantes et somptueuses ses images. Qu’on se tourne vers chacune des séries, on constatera sans peine que le processus de recouvrement-soustraction est constamment à l’œuvre, constamment relancé. Par exemple, lorsque l’artiste scrute avec une application méticuleuse la donnée de la terre africaine, il ne le fait que pour pouvoir reléguer au second plan — paradoxe magistral en l’absence de toute perspective — l’impression de stabilité immédiate afin de révéler le feuilletage des mille et un accidents d’une généalogie. De même le brouillage des frondaisons des forêts primaires lui permet-il de « noyer » le motif végétal pour entrevoir la cause inaperçue de sa vision, à savoir la lumière. Le plus saisissant de toute cette affaire tient finalement à ceci qu’Éric Bourret, tout photographe qu’il est, n’a en réalité jamais pris la moindre photo, que la capture ne l’a jamais intéressé, qu’il s’en est d’emblée détourné, pour la simple et unique raison que toute l’énergie créative que la marche lui prête n’aura jamais visé qu’à se déprendre, qu’à substituer, le temps d’une pause, l’expérience éphémère de la durée au leurre dérisoire de toute saisie.
Pierre Parlant, 2020
The non-state of things
« For me, the real search must lie in
the fact of bringing back a certain
type of solitude. »
Morton Feldman
"To walk" and "to photograph" are verbs of action, not state. With regard to the forms of engagement which, in Eric Bourret's case, determine more than an artistic practice, the motive must no doubt be understood, if only to get a clearer (or a less unclear) view of what he shows us when doing so – walking and photographing – with the obstinacy of one who is tracing out a route that is as real in its inscription as it is pensive in its effects. But it has to be with infinite caution that one takes this path, following, so to speak, in the artist's footsteps, as patient onlookers with no particular intention, or any conviction other than what is conferred at a low level of noise by any form of contemplation, bearing in mind the suggestively equivocal nature of the idea of "motive", which of course may denote movement (as in a "motive force") or a reason to act. And indeed both these acceptations are valid here, given that Bourret is a photographer, par excellence, who not only cannot stand still but who experiments in the wilds with the consequences of this, before hanging the results on walls.
To begin with, we might ask why, over many years, he has been exploring, or rather encountering, the reality of places – some close by, some distant, some remote and inaccessible, even inhospitable. What would seem to lie behind the fact that, in the course of his voyages, and as though in his striding, he redimensions his studio on the world scale? Along the way, and in a process of questioning, while here and there gleaning elements of response, one moves without haste down the slow corridor of the images. One stops; one contemplates lengthily. There are groupings that do not just appeal to the eye; they unsettle it. Which is a good sign, in that, if what is being shown cannot but delight and disturb us, this is because everything appears to result from waiting without an object, or, let us say, a pure experience of waiting – a close form of attention – whose scope on more than one occasion has been almost cosmic, and which, in its flight, generates, whether in layers or in points, a complex of emotions analogous to what one might feel when listening to certain works by Morton Feldman, of whom Eric Bourret is an avid admirer.
Passing from one image to another, we might think that, beyond the unquestionable formal vigour of Bourret's work, he necessarily feels, perceives, or indeed conceives something that can only be guessed at, of which a living trace is embodied in the photographs, in proportion to this deliberate exile among peaks and broad spaces. It is the exile of someone unreservedly committed to walking, and to the inflexible rule that there can be an image only if the experience of solitude is fused with a body in thrall to the exterior. In sum, we might suppose that it would not be impossible to formulate a definition of Eric Bourret's approach in this way. It would be a first step, at least, since, for once, this well-worn notion is by no means metaphorical. The approach in question, at its own level, is like Diogenes' reaction to those who argued against the possibility of movement: he simply stood up and walked.
All these open, occupied places, traversed in the adventurous relation of one who advances, are represented by records of vagrant desire, images from all over the world, from places without any obvious affinities – without "links in space", as Claude Ollier might have put it – and thus heterogeneous, but with a "family likeness", in that they are all devoid of human presence. Many have been abandoned, or were never inhabited in the first place. They have in any case been left to themselves, in other words to the intensification of their own expanses, in the absence of whomsoever. They do nonetheless have names: Grands Causses, Larzac, Lac du Salagou, parts of southern Africa, or again the primary forests of Macaronesia. There it is that Eric Bourret, meditative, alert, equipped and shod like an explorer, with his survival kit and his cameras, plunges into the landscape. And it is from there that he brings back his images, which it would not be absurd to scrutinise as one might pore over pages torn from the logbook of a journey through time.
Examining the different series, one is reluctant to see them in terms of mere phenomenality. Nothing reduces their origins to remarkable sites; and the photographs of the Causse du Larzac, among others, provide a good example of this. The attributes as a whole are, of course, immediately recognisable; but something else springs out, as though in excess, albeit in half-tones, from the entanglements and immobilities of branches, foliage, boughs and rough lichen that constitute the austere winter vegetation – something that relates to the impassive silence of a reality given back to itself, or to the use of a rarefied lexicon. This can be seen in the sprinkling of sleepy snow to which, as though in imitation, the grey and white condensations of the flocculent sky correspond. No presence, once again, and yet no fear. Who, in effect, could feel anything like that, since there is no one here? And we may feel that the Causse du Larzac is suddenly strangely familiar to us. How can we not see in it the enigma of a confrontation, cold and mute, holding up to us, unemphatically, a mirror of our condition?
But, scarcely interrupted, the walking begins again. The walker does not wait. Existence and desire are so closely woven within him, and the call is so strong, that he must once more move forward, cross an ocean, set foot on a new shore, and, day after day, walk along a grassy path before raising his eyes to the patience of the primary forests. Their elegance holds his attention, raising him upward; his biped body tends toward the infinite. Now he just needs to look, with all his being. There is vibration above. It trembles minimally. "Forest" is a word that designates, in these latitudes, delicacy in action, rich in cutouts and intertwinings, tense, backlit, its myriad veins swollen with chlorophyll. Frills of plants without subtitles. Reality inundated by the pierced gleam of a sky alternately revealed and hidden, with coverings and re-coverings in the movements of branches and boughs. Such mobility, both soft and sovereign, is clearly out of the ordinary. It has the seriousness of a children's game. In truth, it is a pure temporal drama in which the extreme vitality of the fronds, not to say their youth, reactivates the ancestral qualities of the trunks – planted there, who knows why. "Primary forests", so self-evident as to render the very idea of origins irrelevant. Ageless forests, at any rate. Forests that signify, in their way, "continuous birth". Thanks to the subtlety of the overprintings that build up the anamnesis, what the artist brings to light is the childhood of forests, and that of the world, recalling that the past never ceases to pass. It never ceases to enrich and sustain the present. In each image, the contemporary eye spontaneously follows the renewed graphic style of primordial times with such ease that it is soon invaded by waking dreams of all those vegetative souls, and dives fearlessly into airy depths in which the caprices of form, the shadings of limbs, almost make us forget the presence of the void. Nothing of that would exist without the uneasy but benevolent gaze of the walker. A gaze directed toward the heights, where the memory of times is seen as on a princely dais.
From sky to earth, from continent to continent, there is never more than a step – which validates the decision to go and see. And the Cradle of Humankind series prolongs the journey. The ground arrives back under the soles of our feet, precisely where paces are printed one after another so as to prevent a fall. Thus it is that the most elementary cause comes through in shoots, twisted, broken branches, heaps of burnt twigs, dispersed ashes, seared earth. A succinct phrase: "Someone was here before us." Even before the photographer. The previous, the before and the present are fused in the crucible of seeing. Yes, these traces are, will have been, and cannot be other than, those of an anticipation. Yes, for us latecomers someone has done what could have been achieved only by a devotee of Prometheus. The forests urge us skyward. Fire, embers and their carpet of dust draw our eyes down into the well of the ages. Pressing the shutter, the photographer is an unreconstructed archaeologist. His scruples concern the complicated, sibylline remains of an archaic incineration or a still-warm fire, sensitive to the surface of its reliefs. The borderless framing is so constrained, and the definition so dense, so severely exact, that one can only wonder if these images were taken from the human viewpoint or (who knows?) that of Sirius. Why then, you might ask, would one ever suggest that they derive from applied observation, knowing the power of reverie? But given that, in art, everything is a question of scale, this matters little. It is the earth, in the end, that one perceives; the shifting ground that one cannot avoid either seeing or stepping on, even if one forgets it – and with it the face of the Earth itself, viewed from here or elsewhere. It is as though this dust, this ash were humble manifestations – vide Ecclesiastes – of unique certainty about what lies ahead. As though, in sum, ash and its powdered drafts recalled the promise they had made to anyone who remembered their own future. Ash: "Grey word", wrote Derrida, "dusty theme of humanity. The immemorial image disintegrated of its own accord. Metaphor or metonymy of the self. Such is the fate of ash, separated, consumed like ash of ash."
Looking at Eric Bourret's artistic itinerary over the last few years, one might feel that there is something Presocratic about him. Or perhaps Taoist. It is clear that, whatever the series or the site, the theme or the region, what seems to interest him most, and to really get him thinking, is their rudimentary aspect, their inherent instability. Air, fire, earth and water are his raw materials. Sky, deserts, glaciers, summits, vapours and clouds are his documents, as though in prolepsis. Evasive figures of universal becoming. Rejecting all horizons, and remaining as close as possible to the phenomenon itself, the images he brought back from the shores of Lac du Salagou confirm that every surface, whether that of our planet or that upon which our biographical projects are set out, is firstly a theatre of illusion in which the categories of near and far, old and new, the forms of summits, plains and abysses are, in the end, ephemeral, fleeting ciphers in our human schemes. Approaching the aquatic world slowly, we see that the images of the lake tell us less about the state of the reality they portray than about its impermanence. There are fragments of flotsam, ripples, areas of clarity or opacity, tremblings and driftings, suspended wisps, an infinity of micro-volumes that jostle one another, never occupying a common base but providing conclusive evidence that every plane, every surface, every foundation, in every detail, exists only thanks to an endless process of agitation, with discrete eddies, dominant currents and oppositions of ebbing and flowing. In short, there is nothing substantive here, other than the instant itself.
But to return to the "motive" we mentioned, and which, no doubt, is the prime mover in the Eric Bourret "adventure", the Grands Causses series is a case in point. What does it show? Not the wide-open spaces that its title would suggest, but tree trunks, framed frontally, so that their ascension alone is seen. There is more, however. As usual, the walking-photographing Bourret never produces just one image – fetish of the ideal – but visualises, as his body moves, an image of images, as though striving to reproduce, on the future flat surface, the indefinite sum of the multiple palimpsests that make up every perception. As if the very idea of a "contour" was an abstraction, giving a better understanding of the "motive" to which we owe the photographs he has accumulated in the course of his wanderings. For him, the point is not to take a photo, in the name of a sacrosanct "decisive instant", any more than to give a naturalistic account of a supposed state of things. Whether in the Causses or the forests of Madeira, on the surface of a lake or the red earth of Africa, in a highly paradoxical way it comes down to a subtractive gesture, through a process of saturation. And as to the Grands Causses, where the photographic subject is a tree, or more precisely its trunk, one cannot but be struck by the fact that the multiplicity of the superimpositions tends to replace the object as such – the verticality of a wooden cylinder – by the vibration, almost liquid, of its unending alteration. One by one, the trunks become candles of luminous wax, classical symbols of passing time.
It is clear that multiplication, superimposition and accumulation are the ways in which, while his footsteps, covering all others, prefigure them, Bourret frees himself from any belief in the immutable essence of things. In this sense, there is something Heraclitean in his work. This is what makes his images so powerful, so rich. His series are permeated by a covering-subtracting process, constantly recommenced. When, for example, he meticulously examines the soil of Africa, he does so only in order to dispel – in an adroit paradox, given the absence of perspective – any impression of immediate stability, and to reveal the stratification of the thousand and one accidents of genealogy. Likewise, the obscuring fronds of primary forests allow him to "bury" the plant motif so as to bring out the unseen cause of his vision, namely light. The most striking thing, finally, is that Eric Bourret, though a photographer, has never really taken a single photo. Acquisition does not interest him. He has always rejected it, for the simple reason that the creative energy he finds in walking has always been channelled into replacing, if only for a moment, the derisory illusion of possession by the ephemeral experience of duration.