Katia Bourdarel, Petit frère
Il y a dans l'œuvre de Katia Bourdarel une récurrence des thèmes liés à la fausse innocence de l'enfance. La cruauté, la sexualité, la mort, le rêve, l'enchantement... toutes les forces latentes qui construisent l'inconscient des hommes s'y déploient à travers un langage plastique sensible et évocateur. Les récits ont une place privilégiée dans ce monde qui fait aussi de l'expérience vivante de l'artiste un élément essentiel.
Petit frère se rapporte à un conte des frères Grimm (Frérot et sœurette), composé d'un ensemble de cinq personnages constitués de bustes d'animaux ornementés (chevreuils, chamois, bouc et chèvre) et de costumes d'apparat aux lourds drapés, l'installation impose une présence à « l'inquiétante étrangeté » (Das Umheimlich). Une familiarité troublante qui entre en résonance avec le monde animal. C'est le sentiment d'une fraternité qui se joue alors dans notre rapport à l'œuvre, l'expérience d'une relation à l'animal qui remet dans le réel le lien d'amour entre une jeune fille et son frère devenu chevreuil.
Nourrie du conte, l'œuvre de Katia Bourdarel cultive pourtant ses singularités. L'ambiguïté sexuelle s'y fait plus présente, dans la stature des personnages dressés, totémiques, dans les motifs ou les plis des tissus (ainsi que dans la série d'aquarelles qui s'ajoute à l'installation)... L'hybridité s'y livre avec élégance, rappelant tout de même au passage que l'étymologie définit l'hybris comme une « démesure ».
Petit frère recèle cette passion du trouble et du non-dit. L'œuvre se donne à lire jusque dans ses moindres détails comme le lieu de l'incarnation des pulsions les plus inoffensives et les plus obscures. Ce que montre l'artiste avec force, c'est la scène étrange d'une réalité enfouie qui respire en chacun de nous, calmement.
Guillaume Mansart
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