Katia Bourdarel puise dans une culture à la fois populaire et savante pour construire une œuvre aux archétypes narratifs élémentaires et allusifs. Dans ce projet, le conte est un élément clef. De Peau d’Ane à Cendrillon elle revisite, sans états d’âme, tout un monde et propose une mythologie, certes personnelle, mais touchant à l’universel, à l’intemporel. Avec une subtile distance, souvent avec humour, elle sait nous reconduire dans les méandres de notre intimité enfantine pour mieux faire ressurgir nos plus grandes joies, nos plus intenses frayeurs.
Cette cohérence de propos se retrouve de manière exemplaire dans l’installation Bambi forever.
Au départ, un conte animalier de Félix Salten, auteur hongrois de culture viennoise grand ami de Freud, “ Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois ”, paru en 1928. Puis Thomas Mann recommande l’ouvrage à Walt Disney. Exilé en Suisse à cause du régime nazi, Salten vend les droits de “ Bambi ” à Disney en 1938. En 1942, le dessin animé sort sur les écrans américains et après guerre dans le reste du monde. Voilà pour la référence.
De cette source, Katia Bourdarel propose une confrontation entre une vidéo d’animation et un ensemble de sculptures de jeunes cerfs en bois. L’animation reprend en boucle le passage traumatique de la mort de la mère.
“ La vidéo Bambi Forever c’est l’image même du conte : la vidéo finit dans la “ neige ” - celle du conte, celle de l’image perdue c’est-à-dire celle dont on sait, en la regardant, qu’on est en train de la perdre : le passé, la vie, le regard en arrière, le coup d’œil rétrospectif d’Orphée (…) Le coup de feu, la détonation violente qui déchire l’animation en deux : le crayon alerte et idyllique des premières scènes, le noir de l’après. L’entrée de Bambi dans la nuit. Bambi forever, coincé dans sa nuit toujours recommencée, poussée vers son devenir-cerf.
C’est une nuit “ blanche ” dans toute la force plastique de son oxymore. Bambi Forever renverse le sens du conte initiatique : ni évolution ou régression, progrès ou recul, juste le devenir-cerf qui pousse Bambi à devenir le fond même de l’élémentaire qui l’enveloppe, la pluie, la neige. Devenir autre : bois, végétal, forêt. ” (Charles Floren).
Spectateurs impuissants au drame qui se joue inlassablement devant eux, les jeunes cerfs, aux corps gravés/tatoués de messages (“ no dream ”, “ no desire ”, “ hopless ”…), sont parmi nous, avec nous. Comme eux nous revivons, fatalement ce destin de pixels, forever…
Rémy Kerténiann
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Bambi Forever 2004
Video-animation, 2'15'' en boucle, six sculptures en bois, 3 exemplaires, encombrement variable
Vues d'exposition à la Galerie Roger Pailhas Collection Fonds communal de la ville de Marseille
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Bambi Forever 2004
Video animation, 2'15'' en boucle
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Extrait de la vidéo |
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