Fouad BOUCHOUCHA 

Vue de l’exposition Mes possibles, Galerie Eric Dupont, Paris, 2012

Pour sa première exposition personnelle à la Galerie Eric Dupont, Fouad Bouchoucha interroge ses possibles à travers des œuvres mettant l’expérience du sensible à l’épreuve.
La perception – mentale, visuelle, physique ou auditive – est au cœur du travail de l’artiste, comme l’élément primordial d’un être ici et maintenant, à soi-même et au monde, et en cela l’objet des projections vertigineuses comme de totales frustrations.
Tenter de formuler l’absence. Se représenter l’aigüe. Eprouver le plein par le vide. Dépasser les limites de chaque possibilité, et mettre en forme l’intangible. Sculpter des potentiels, et donner corps – méthodiques - à l’irrationnel : penser le rien, pousser à bout, jusqu’à l’ineptie. Car si nous ne sommes rien, nous pouvons toujours tout.
Vanités ? Possible. Quand, dans Nature morte, un bouquet de fleurs nous renvoie à l’idée que le réel n’est jamais vrai. Quand – à l’instar de La forme des possibles – la page blanche convoque des facultés « démiurges » au sein d’une matrice supposée originelle. Quand la prouesse d’un Ronnie Coleman, champion n’en étant pas moins homme flirte avec la fiction, ou quand le son des revolvers chargés de Handling touche aux incohérences glissées dans nos velléités de conquêtes encore inassouvies. Au coin d’un mur s’érige alors 20 Mille Hertz, sorte d’allégorie des limites de l’entendement.
Les dispositifs de Fouad Bouchoucha se formulent ainsi par le recours à des formes induites par leur propre dessein : les gestes, outils et matériaux utilisés sont ceux convoqués par leur nature même, venant à la fois évoquer ou contredire le but visé. Logiques poussées jusqu’à l’intrigue : ce qui nous prédomine n’existe pas.
Car paradoxalement, l’image, le son, comme l’objet ou le corps sont ici absents, prétextes à la création d’une texture charnelle d’idées s’échafaudant en terrain glissant. Sorte d’autopsie de ce que l’on peut être amené à percevoir et concevoir d’immatériel – et dont l’artiste nous expose là les procédés de fabrique, ou les mécanismes fantasmés.
Diktats, toute puissance, cultes de la performance et anomalies infiltrées, l’artiste pénètre les rouages de construction d’imaginaires collectifs et de réalités confondues, au point où « le visible et le sensible s’y enroulent sur eux-mêmes. ».
Déjà à leur époque, Malevich rendait une icône au suprématisme par un carré blanc, Kandisky s’adonnait aux traductions de phénomènes impalpables par lignes et par couleurs, De Maria inscrivait l’idée de force et d’énergie sur une barre d’acier.
Là, c’est autant de résolutions opérées sur des états de faits, des régimes de représentations et de tentatives d’armement ouvrant des possibles en attendant la fin : chorégraphier la génération d’une lumière blanche parée aux faux reflets, radiographier à la main les nouvelles chartes souveraines régissant la construction de mondes « ex nihilo », orchestrer l’événement qui témoignera de pouvoirs trop humains encore insoupçonnés, et démanteler les mythes... pour de nouveaux westerns.
Leïla Quillacq, Novembre 2012
 

Ronnie Coleman 2012
Presse à jambes, 1200 kg de fonte, 200 x 300 x 100 cm

Une presse chargée de 1200 kg dont la barre a plié sous le poids d’un exploit, témoigne de son avènement. La machine s’érige ici en tant que moule du corps du culturiste en session d’entrainement – modelé et transformé par elle-même. S’agit-il d’un record ? Celui-ci – s’il ne dépasse jamais les limites, ne fait que les repousser. L’objet incarne ainsi cet état latent d’un toujours plus possible, constat d’une humanité fonctionnant en surrégime.
L.Q.

 
 
 
 

Nature morte 2012
Bois, métal, chartes variables, fluo 6000 Kelvin, bouquet de fleurs 180 x 150 x 62 cm

Un éclairage calculé pour rendre la lumière du jour balaye le spectre lumineux pour venir frapper d’un halo blanc un bouquet de fleurs : cet objet étalon servant de signal temporel est un des points de référence habituellement utilisé dans l’ingénierie de calibrage des appareils photographiques. Disposé sur une table d’étude, il est entouré des chartes graphiques régissant nos rapports de captation visuelle du monde. Sorte d’autoportrait pour l’artiste, la pièce met en exergue la construction abstraite de ce qui fait office de miroir – prothèse supposée « fidèle » à la mémoire - et d’où résulte l’image, par laquelle le réel se délite.
L.Q.

 

20 Mille Hertz 2012
Acier, 178 x 65 x 65 cm Édition 1/3 + E.A.

L’objet advient ici d’une tentative à se représenter des manifestations dépassant nos champs de route de perception. Une forme aiguë est non existante en soi, comme la mesure donnée ici suppose une écoute inaudible. De là, l’intuition rejoint la ligne, celle-là même issue du vocabulaire technique induit par la recherche de diffusion de signaux hertziens. Sorte d’antenne contenant en elle-même le potentiel d’un phénomène absent, celui-ci est mis en présence par l’affirmation de l’angle cassant l’espace, pour une dissipation.
L.Q.

 
XYZ 2012
Technique mixte, 170 x 170 x 170 cm
Édition 1/3 + 2 E.A.
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