Casablanca, 2010
"Si aucune image n’est jamais à la hauteur de ce qu’elle est censée représenter, cela est d’autant plus vrai pour un ensemble d’images qui aurait la prétention de restituer un lieu dans sa totalité ; l’écart étant d’autant plus flagrant que le lieu en question est complexe.
Casablanca est justement une ville extrêmement complexe : multiple, chaotique, contradictoire. Le travail ici présenté ne restitue que quelques fragments de cette complexité, une nuance parmi les nuances.
Je ne peux pas dire que, dans mes différents séjours à « Casa », j’en ai épuisé les secrets. Loin de là… Refusant de planifier mes explorations photographiques, je me suis retrouvé à errer par ses boulevards, ses places et ses ruelles, visitant plusieurs fois les mêmes quartiers, arpentant souvent les mêmes parcours, guidé par mon instinct et hanté par mes obsessions. Beaucoup de monuments et de lieux notables manquent en effet dans ce livre, qu’un guide touristique ne saurait oublier. Ce côté partiel aura du moins l’avantage de laisser libre cours à l’imagination ; au « spectateur » d’en tirer parti, essayant d’imaginer les autres villes qui se cachent derrière le puzzle que ces fragments visuels donnent à voir.
Ce qui m’a frappé dès ma première rencontre avec cette mégalopole, ce fut son double visage, à la fois somptueux et misérable, élégant et décadent, franc et sinistre. Mes pas m’ayant amené là où cette première impression me poussait, l’objectif de mon appareil Polaroid s’est arrêté principalement sur cela. Faiblesse inévitable de l’image préconçue, qui fait en même temps sa force…
La couleur de Casablanca restera toujours pour moi le blanc maculé des murs peints à la chaux, l’odeur celle du poisson étalé sur la jetée d’un port. Les images de ce livre me paraissent empreintes, finalement, de ces deux sensations, au goût vaguement nostalgique (on ne ressent pas de bruit dans mes images : pour une fois cette ville, bruyante jusqu’à l’excès, restera silencieuse).
Mon premier contact avec Casablanca s’est fait, pour ainsi dire, par la mer : je l’ai découverte un matin d’été en venant de Dar Bouazza - où je logeais chez des amis – et en suivant en voiture la corniche d’Aïn Diab jusqu’à l’esplanade de la Grande Mosquée, avant de plonger dans le chaos du centre. Il me semble d’ailleurs que l’océan est omniprésent dans l’âme de cette ville et dans le caractère de ses habitants – échoués ici de tous les coins du pays comme des naufragés sur une côte inconnue. Ce livre ne pouvait donc que s’ouvrir ou, si l’on préfère, se clore sur une image de la plage d’Aïn Diab, parsemée d’individus qui paraissent livrés aux aléas du destin. "
Marco Barbon |
Casablanca, 2010
34 photographies couleur
Tirages pigmentaires 24x25 cm et 40x42cm sur papier Hahnemuhle Photo Rag Pearl
Edition de 10 exemplaires + 1 E.A. pour le format 24x25cm ; édition de 5 exemplaires + 1 E.A. pour le format 40x42cm |