Asmara Dream, 2006-2008
"Ce travail est né du désir de restituer par la photographie l’ambiance caractéristique d’Asmara, la capitale d’un petit et méconnu pays d’Afrique, l’Erythrée. Réalisées entre 2006 et 2008 avec un appareil Polaroid SRL 690, mes images insistent sur l’idée d’une suspension du temps et de l’histoire, entre un passé colonial, qui a laissé des traces profondes sur la physionomie de la ville, et un présent qui semble immobilisé dans une attente sans fin.
Lors de mes différents sejours à Asmara, je me suis demandé souvent à quoi ressemblait la sensation que j’éprouvais en me promenant dans cette ville. Finalement j’ai réalisé qu’elle était similaire à celle qu’on éprouve lorsqu’on rêve. Le rêve est, dans un certain sens, une interruption, une brèche ouverte dans le tissu du temps. Dans un rêve tout semble avoir un autre rythme, un autre déroulement ; tant les choses que les personnes apparaissent plus aériennes, plus subtiles, plus abstraites, comme si elles étaient suspendues dans un limbe en dehors du temps. La même impression saisit à chaque pas celui qui visite cette ville : le comptoir d’un café, la façade d’un immeuble, un homme lisant un journal, un lampadaire, l’enseigne d’un magasin… devant tout cela on se demande à quelle époque sommes-nous, dans le XXIème siècle ou dans quelque époque enfouie dans notre mémoire…
Asmara vit, pour ainsi dire, un triple rêve. Tout d’abord le rêve des colons italiens qui arrivèrent ici à la fin du XIX siècle avec l’intention de bâtir, en Afrique, une nouvelle Rome. Puis le rêve de l’indépendance vis-à-vis de l’Ethiopie : un rêve devenu réalité en 1992, après nombreuses années d’affrontements courageux et sacrifices de vies humaines. Enfin le rêve de ceux qui, confrontés aux difficultés de la situation actuelle, cherchent à tout prix à quitter le pays, s’imaginant un avenir meilleur au-delà de ses frontières. Ces trois rêves, en s’entremelant, ont tissé et continuent à tisser le destin de cette ville, ont nourri et continuent à en nourrir l’âme.
Cependant le temps passe. Les extraordinaires architectures modernistes, vestiges d’un âge d’or, vieillissent irrémédiablement ; les traces du passé fânent sous le soleil impitoyable du haut-plateau ; même le rêve de l’indépendance semble perdre progressivement sa consistance… Que restera-t-il, alors, du rêve d’Asmara?"
Marco Barbon |
Asmara Dream, 2006-2008
80 photographies couleur
Polaroid originaux (8x8,2cm) + tirages pigmentaires 20x20,5 et 80x82,5cm sur papier Hahnemuhle Fine Art Pearl contrecollés sur aluminium, caisse américaine
Edition de 10 exemplaires pour le format 20x20,5cm + 5 exemplaires pour le format 80x82,5cm |
Vues d'exposition, Galerie Clémentine de la Féronnière, Paris, 2016 |