Marco BARBON 

Les pas perdus, 2012
31 photographies couleur
Tirages pigmentaires 13x18cm sur papier Hahnemuhle Fine Art Pearl, encadrés, baguette en bois
Edition de 6 exemplaires + 2 E.A.
 
"Cela se passe de l’autre côté de la Mer Méditerranée, mais cela pourrait se passer également ici. Nous sommes à Tanger, lieu de tous les départs, ville-frontière entre le Sud et le Nord du monde. Frontière par la quelle transitent aussi bien ceux qui veulent passer de l’autre côté du détroit pour gagner l’Europe que ceux qui reviennent au pays, pour retrouver leurs proches. Les uns comme les autres ne se sentent plus chez eux, ni ici dans leur pays d’origine ni dans les villes, les villages ou les banlieues qui les ont recueillis de l’autre côté de la mer. Ici comme là-bas la même sensation d’aliénation, d’émargination, une blessure profonde et inextinguible : la perte d’un pays.
«O comme se ressemblent les pays, comme se ressemblent les exils… » - écrit le poète marocain Abdellatif Laâbi. Les mots du poète résonnent dans ma tête lorsque j’arpente les rues de cette ville bénie par la lumière. Sous mes yeux, dans le viseur de mon appareil photo, des images s’imposent, telles les fragments d’un film.
Je suis sur un terrain vague aux abords de la médina, mon regard surplombe le port. Cette zone franche qui n’appartient plus à la ville, qui est déjà un ailleurs : un ici qui est déjà là-bas. Les lieux, les civilisations se confondent. Aucun indice ne permet de dire que nous sommes en Afrique du Nord. Cette jetée, ces panneaux, ce sol jonché de détritus, ces présences solitaires on pourrait les retrouver aussi bien dans n’importe quel port de l’Europe du Sud : Marseille, Gênes, Patras, Brindisi…

Des individus – hommes, femmes, enfants - qui se dirigent vers les quais, vers l’embarcadère, vers les bureaux de la douane. D’autres qui traversent, simplement, se dirigeant vers l’autre versant de la côte, au-delà du môle. D’autres encore qui s’arrêtent dans ce no man’s land baigné par le soleil et balayé par le vent. Quelques rendez-vous inattendus ou secrets. Les ombres s’allongent au fur et à mesure que le soleil se couche paresseusement à l’Ouest du monde. Au dessous, le ciel, immuable terrain de chasse des nuages.
L’œil photographique prend la mesure de ce vagabondage, de cette solitude, de cette lumière éblouissante…

« …tes pas ne sont pas de ces pas qui laissent des traces sur le sable… »

Dans le champ de l’appareil photo, transformé en caméra de surveillance, les humains finissent par perdre leur identité pour devenir des pions sur le vaste échiquier du monde, des présences sans histoire destinées à l’oubli

… tu passes sans passer »

C’est le destin des exilés. Le chemin du retour est sans fin."

Marco Barbon

 
 
 
Vues d'exposition, Le Magasin de Jouets, Arles, 2014
 
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