La permutation et le combinatoire, le hasard et le jeu, clés de lecture fondamentales chez Gilles Barbier, servent ici deux dispositifs évolutifs qui, tout en faisant du temps de l’exposition un ensemble de moments uniques, mettent en relief le long travail de l’artiste sur sa propre mémoire et sur son identité.
La Boîte noire se compose de quatre tourniquets sur lesquels se déploie une sélection de « Dessins noirs ». Cette série entamée en 2002 forme un ensemble que l’on pourrait comparer à un journal de bord, un carnet de notes. Les dessins noirs transcrivent les spéculations, les questions, les hypothèses et toutes les recherches qui accompagnent ou précèdent le travail de l’artiste. Imaginés comme autant d’éclairages, ils sont systématiquement traités sur fond noir, et les motifs comme les textes qui y figurent sont peints à la gouache noire en « réserve ». Le blanc du papier joue le rôle de source lumineuse et agit à la façon d’un néon ou d’une lampe, révélant le sujet, le tirant du all-over noir dont il semble couvert. Agencés, ils créent ainsi un monochrome noir, une immense nuit éclairée ça et là par de petites lumières, laissant apparaître des détails, des textes, des scènes.
Ces dessins, agencés sur des tourniquets dont les vitesses de rotation sont toutes différentes. Se crée ainsi un espace combinatoire mettant en valeur une notion essentielle du travail de Gilles Barbier : la suspension de l’état défini (voire définitif) des choses au profit d’une plage qui regroupe tous les états possibles de ces mêmes choses ; la suspension de la trajectoire unique au profit des trajectoires multiples…
L’installation Checkers voit s’affronter sur un damier géant deux équipes de 12 Pawns ou Pions.
Avec la série « Clones » entamée dès 1995, l'artiste peut travailler sur les relations très fortes qui se tissent entre la représentation, la génétique, l’image mécanique, l’écriture, le langage, l’information, la transmission et l’imaginaire.
Quand l'artiste représente un clone, il délivre l’image d’une fiction pure, parfaitement identifiable (lui-même) et absolument muette. On sait que le clone de Gilles Barbier n’existe pas. Il n’est qu’une figure du possible, une chimère, un « autre », mais bizarrement ce mot désigne aussi un « même » (ce n’est pas le double) qui rend sa représentation mécanique concevable.
Parmi les « Clones», les « Pions » ont un rôle particulier, puisqu’ils incarnent les acteurs du jeu que Gilles Barbier a imaginé afin d’orienter son travail dès 1992. La première série date de 1995 avec l’installation Comment mieux guider notre vie au quotidien (collection MJS, en dépôt au MAMCO, Genêve). Depuis 2011, une nouvelle famille, plus joyeuse, baroque et grimaçante est initiée avec le Pawn (Soviet Suprem 1). Elle est réunie pour la première fois, faisant se cotoyer Geisha, Ménine, Papous et autres afin de jouer le temps de l’exposition une grande partie de dames.
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The fundamental keys to the artist’s work, permutation and combination, luck and games, are used here as two devices which, while making the exhibition a series of unique moments, also underline Gilles Barbier’s extensive work on his own memory and identity.
The Black box consists of four garrots on which are placed a selection of 'Black drawings'. The series, started in 2002, operates as a logbook or a notebook. The black drawings transcribe the speculations, questions, hypothesis, and all the research that accompany or advance the artist's work. Conceived as lighting, they are systematically drawn on black and the patterns, as well as the texts, are painted with black gouache in 'reserve'. The white of the paper takes the role of a light source and operates as a neon or a lamp, revealing the subject and drawing it from the all-over black colour which it appears to be coated with. Altogether, they create a black monochrome, an extensive night enlightened here and there by small lights, revealing the details, the texts, and the scenes.
Those monochromes are placed on garrots which rotation speed are all different. As such, a combinatory space highlights an important notion in the work of Gilles Barbier: the suspension of the definite state of things for the benefit of a strand that gathers all the potential states of those same things; the suspension of a unique trajectory for the benefit of multiple trajectories...
The installation Checkers consists of a giant checkerboard where two teams of 12 Pawns each are fighting.
With the series “Clones”, started in 1995, the artist works with the strong relationships built between representation, genetics, mechanical image, writing, language, information, transmission, and fantasy.
When the artist depicts a clone, he delivers the image of a mere fiction, perfectly recognisable (itself) and absolutely mute. We know that the clone of Gilles Barbier does not exist. It is only one face of the possible, a chimera, an 'other', but weirdly, this word also refers to a 'self' (it is not the alter ego) which makes its mechanical representation conceivable.
Amongst the “Clones”, the 'Pawns' have a peculiar role as they incarnate the actors of the game that Gilles Barbier has imagined in order to focus his work better from 1992. The first series goes back to 1995 with the installation Comment mieux guider notre vie au quotidien (How to better guide our everyday life); MJS collection, currently on loan to MAMCO, Geneva. Since 2011, a new family that is more joyful, baroque and grimacing, was initiated with the Pawn Soviet Suprem. It is gathered for the first time here, putting together Geisha, Menins, Papuans, and others in order to play, for the duration of the exhibition, a big game of Checkers.
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