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René d'Azur, les parents |
Pietro di Azuro.
Pietro di Azuro, le père de René était un homme d’affaires très puissant et excessivement riche et célèbre auprès de ses contemporains dans toute l’Europe et jusqu’en Chine. Comte immigré d’origine vénitienne (1), il était le fournisseur, le client, l’ami et le confident des plus grands de son temps: rois, artistes, intellectuels.
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Stèle reconstituée, anonyme, vers 1500, cour de La Pierre Sucrée, Lorgues. |
Passionné de jeux abstraits il étudiait les marchés, productions, famines, guerres, alliances, etc... qui sévissaient sur la planète. Véritable initiateur de l’économie politique et bien que totalement désintéressé il avait accumulé une fortune colossale. Son prestige de meilleur négociant de l’univers et de tous les temps dépassait les frontières connues. Un de ses rêves étant de créer une école de cette discipline inconnue jusqu’alors, il aurait collaboré avec Machiavel jusqu’en 97 puis se serait fâché.
C’est sur les conseils d’un moine bouddhiste rencontré au Tibet qu’il s’installe au Château de Cartes Blanches, entre Nice et Marseille. Quand il n’est pas en voyage, c’est là , prenant son pied loin du reste du monde, qu’il mène ses multiples expériences, s’attache à ses inimaginables recherches et élabore ses innombrables stratégies, travaillant jour et nuit d’arrache pied.
Célibataire jusqu’à un âge avancé, faisant un pied de nez à toutes les alléchantes propositions, il trouva enfin chaussure à son pied chez son principal intermédiaire et ami DJ, commerçant en produits et services de grand luxe et d’exception de toutes sortes, fournisseur exclusif, lui aussi, de toutes les cours du monde connu. Nous devons à son livret de comptes de précieux renseignements. Andalou, DJ est installé à Séville.
C’est dans cette ville, chez cet ami, que notre comte di Azuro rencontra la femme, l’incomparable, l’indomptable qui donna le jour au fils.
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René enfant vers 1494 |
Bella, dont le véritable nom ne nous a, aujourd’hui, toujours pas été communiqué malgrè la quantité conséquente de sources qui actuellement nous abreuvent (2), Bella, donc, plus tard surnommée Biscotte, était, d’après le carnet du Docteur M., d’une «beauté effrayante», d’une «intelligence féroce» et leur amour «d’une force surnaturelle». D’origine africaine, à la peau d’ébène, et esclave mondaine, moderne, c’est elle qui choisit Pietro pour époux et pour amant.
Parmi ses recherches «médicales» (voir le précieux carnet de notes du Docteur M., médecin de famille, ami et collaborateur) Pietro se penchait entre autre, à ses temps perdus, sur «la Recherche du Bonheur Intégral». Le pourquoi du comment de la misère humaine, misère matérielle et psychologique, ses origines obscures, ses solutions miraculeuses. Parmi les nombreuses voies qu’il explorait: économie de marché, structures sociales, rêves, hypnose, sexualité, etc..., il en est une assez particulière que nous allons aborder ici car elle provoqua la mort du couple unique en quelque sorte que formait les parents de René d’Azur.
Pietro rapporta d’un de ses nombreux voyages en Asie sur les traces de Marco Polo une fleur de pavot qui avait la propriété étrange de rendre heureux celui ou celle qui en fumait un extrait particulier, le magique opium. Il en importa de grandes quantités et fit des expériences dans le laboratoire du Château qu’il utilisait pour toutes sortes d’études. Afin que ce produit miraculeux devienne moins coûteux et surtout moins volumineux pour une exploitation commerciale éventuelle (n’oublions pas que le commerce était une passion qui l’enrichissait, soit, mais qu’il désirait surtout sublimer), il réussit un jour à extraire de cette substance concentrée une poudre blanche qu’il purifia de plus en plus et qu’il nomma La Poudre. Il l’expérimenta avec joie sur lui-même et plus tard sur son adorable Biscotte, la Déesse Incarnée, la Perle Noire, inventant des instruments spécifiques à sa consommation comme par exemple ”Le Fil à Couper La Poudre”. Leur ferveur amoureuse en était démultipliée et quand René d’Azur en eu l’âge, environ dès la naissance et même avant si l’on considère la grossesse comme le faisait Bella, il eu sa part de réjouissances. Les attentes de Pietro étaient comblées, le «Bonheur Intégral» était là, à sa portée. La commercialisation de ce nouveau produit allait trouver de nombreux acquéreurs, les projets de Pietro étant naïvement d’en faire un produit populaire somptueux. Le comte Pietro di Azuro et la comtesse Bella, au prestige déjà important chez les grands de ce monde pour leur clairvoyance, leur intégrité et leur générosité, n’auraient que plus de rayonnement sur le peuple déjà en extase (exceptés les voisins immédiats). Ce qui certainement guidait le couple presque parfait. Pourtant Pietro, sur les remarques judicieuses de la subtile Bella, devait bien admettre qu’il y avait un problème pour échapper à ce bonheur somme toute artificiel: nous avions bien ce bonheur en nous mais pas sans La Poudre. Et tous deux de rechercher une solution pour s’en émanciper. Le destin ne devait pas leur laisser le temps suffisant pour trouver la voie.
Une nuit, pour les sept ans du petit René le couple invite tous les voisins du Château de Cartes Blanches pour une fête mémorable dans la cour carrée. C’est l’automne et les nuits sont encore douces. Bien que le couple mixte et excentrique soit mal perçu par la population des environs, et peut-être pour cette raison même, une centaine de personnes répond à l’appel. Quelle aubaine de se gaver de l’excellente cuisine de Bella et de la non moins excellente cave de Pietro!
On mange beaucoup et on boit surtout.
Le couple est en pleine forme et, alors que les conversations vont bon train, l’alcool aidant, dans un accès délirant sous l’effet de La Poudre, Pietro, Bella et même le petit René entament une démonstration provocante de leur «Bonheur Intégral». Sous la pression de la foule ivre, en cercle, le formidable couple et l’enfant se livrent à une danse endiablée comme ils le faisaient parfois entre eux. Un spectacle envoûtant et provocateur, un trio parfait qui irradie d’amour. Les convives autour d’eux se resserrent et les encouragent par des cris et des battements de mains et de pieds. Le rythme tantôt sensuel, tantôt infernal accompagne le triangle di Azuro aux confins d’une sexualité sans limites. Le cercle autour des corps nus et emmêlés se fait plus pressant. Les battements s’accélèrent. Une excitation démesurée répond à cette exhibition infinie. La frénésie l’emporte. La cour carrée se rétrécit en une apothéose meurtrière. Seul le Docteur M., médecin et ami de la famille se tient à l’écart, redoutant le pire, et assiste à l’inévitable catastrophe. Avec une violence indescriptible la foule en furie se jette sur ces corps extasiés. Des hommes survoltés violent le corps offert de la belle déesse lancinante, lui déchirent le ventre encore ondulant, pour y plonger, tout près d’un coeur ardent, la tête de l’enfant hystérique, son dernier amant, puis les laissent dans leur sang noir, génial et brûlant. Des femmes, au même moment, avec une ferveur farouche, démantibulent à coups de bâtons un Pietro dans une béatitude excédée puis le traînent par les pieds pour le jeter ensuite dans un fossé, évanoui et les membres désarticulés.
Le sort avait voulu que cette histoire se terminât sur le schéma propre à la famille di Azuro dont le sceau et le blason, depuis des siècles, était un triangle circonscrit dans un cercle lui-même inscrit dans un carré. Cette figure devait par la suite croiser souvent la route de René d’Azur.
Le 13 octobre 1499, René d’Azur se réveillait, indemne, dans le ventre de sa mère pour une nouvelle naissance. Pietro gisait dans un fossé, le corps démantelé et proche de la fin. Bella ne se réveillerait plus jamais. Le Docteur M. à qui nous devons cette description dans son fameux carnet de notes et qui, ce soir- là, avait été battu et traîné jusque dans le village voisin revint constater avec grand peine les dégâts. Il enterra le corps de Bella dans la cour Saint-Georges du château et alita le comte prostré dans son malheur et l’enfant paralysé dans ses pleurs. Il les soigna avec dévotion les jours suivants et le comte, à sa grande surprise, reprit rapidement du poil de la bête. Il semblait réfléchir intensément, préoccupé comme jamais auparavant. Jusqu’au jour où, semblant avoir pris une décision importante, il fit appeler le docteur: «Mon cher M., lui dit-il, j’ai fait une grave erreur dans mes recherches scientifiques, La Poudre ne m’a apporté que désillusion. Voyez le résultat. Bien! Vous allez m’administrer toute la production qui se trouve dans le laboratoire. Détruisez toutes mes notes, absolument toutes. Ma vie est un échec. Je vis le malheur absolu. J’ai raté mon but. Ma seule réussite, Nascimento Essepçaõ, je vous la confie, voyez cela avec mon ami DJ à Séville». Le Docteur M. n’eut pas le courage d’obéir à la première demande du comte, c’est René qui exécuta spontanément cette requête, sachant qu’il perdait là son père bien aimé pour toujours mais comprenant qu’il y gagnait son amour à tout jamais.
Ainsi fut fait.
Au chevet d’un père libéré d’une découverte empoisonnée et heureux de rejoindre, grâce à son fils, sa femme tant chérie, René aurait reccueilli ses dernières paroles balbutiantes:
«...mon..t..très...ch...cher...fils, àch...àch...àchaque...se...secondede...tavie, jujus...qu’àqu’à...jusqu’àladernièreseconde, va...s...t..ch..t...v....re...àla...àla...àlarecherch...che du...bonheurIntégral, comme sss...si tout, deu...main, deu...vait sssssss’arrêter».
Quelques jours plus tard, le comte Pietro di Azuro mort d’overdose et d’euthanasie était enterré aux côtés de sa bien aimée. Le petit René porta la première poignée de terre à sa bouche et la jeta dans la fosse. DJ, mort de chagrin, était venu aussitôt à l’enterrement. René devait lui confier plus tard une pierre de cette poignée qu’il avait gardé dans la bouche: une petite pierre ronde et sucrée. La cour carrée du Château de Carte Blanche s’appellerait désormais la cour de La Pierre Sucrée.
DJ emmena René à Séville.
Bella di Azuro.
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”Biscotte d’or” (détail),
pièce de monnaie européenne crée par DonJuan et Bella, vers 1490 |
Bella, la mère de notre petit héros, était, d’après le carnet du Docteur M. retrouvé au Château de Quatre Planches, d’une «intelligence féroce», d’une «bonté effrayante», et d’une «beauté inhumaine». (!!!)
En provenance d’un comptoir portugais de la côte occidentale d’Afrique, ses origines royales lui donnaient une certaine noblesse. Destinée à devenir princesse elle préféra parcourir son continent, à l’étude de sa riche diversité. Se fâchant avec son père, le roi Bõ N’Diaze dont nous ne savons à ce jour pas grand chose, Bella quitta très jeune son foyer, pieds nus, traversant l’Afrique en tous sens à l’apprentissage de ses langues, religions, us et coutumes qu’elle comparait, établissant pour la première fois une véritable encyclopédie de ce continent. Mais ce long voyage de cinq années n’était pour elle qu’un parcours initiatique. De retour à son comptoir, à l’âge de 18 ans, la monotonie du village et surtout le contact avec ces curieux hommes blancs qu’elle trouvait si beaux lui donnèrent une nouvelle envie de voyage. Elle irait en Europe poursuivre le travail commencé en Afrique. Mais comment faire?
L’idée lui vint le jour où El Conde DonJuan Buenaventura Diaz de Hispalia de la Castilla, alias DJ, de passage au comptoir pour affaires, lui adressa la parole dans l’espoir d’une petite aventure. Cette aventure prendrait une autre dimension. El Conde DonJuan, l’Andalou, bel homme et amateur de belles choses, était un commerçant de Séville assez particulier puisque spécialisé en produits de qualité exceptionnelle. Sa réputation dépassait les frontières de l’Europe et il avait pour clients les plus prestigieuses personnalités du monde connu. Il achetait et vendait sur tous les continents n’importe quoi mais toujours le premier choix. Lui-même, homme de qualité et de goût, était perpétuellement en alerte et la jeune Bella ne pouvait échapper à son attention tous azimuts. Bella qui connaissait l’illustre marchand de réputation eu le déclic: elle allait le séduire et se proposer comme marchandise, ainsi elle pourrait aller en Europe et avec un peu de chance, se libérer par la suite de cet esclavage volontaire, peut-être se faire acheter par un roi Blanc et alors, avec l’argent du négoce, étudier à sa guise ces populations inconnues qui la fascinaient tant. Prostitution de luxe, première bourse d’études ou secret espoir de mariage? Qui peut juger ou savoir? DonJuan n’avait jamais trempé dans ce sale commerce d’esclaves. C’était contre ses principes. Mais la proposition de Bella, et Bella elle-même, était séduisante. Elle serait l’esclave la plus chère jamais vendue dans l’histoire de l’humanité. Cette idée seule le ravissait. Bella aurait la liberté de choisir son maître et les cinquante-cinquante sur le prix de la vente (il aimait bien cette formule) seraient les bienvenus, sans compter le prestige. C’est ainsi que notre belle intellectuelle quitta son Afrique natale pour un nouveau continent, celui qu’on ne tarderait pas à appeler l’Ancien Monde.
Il ne fallut pas une année pour que Bella fût convoitée par les plus grands de ce futur Ancien Monde. Les couronnes, les palettes, les plumes et les bourses les plus célèbres firent les offres les plus inespérées. Face à ce défilé véritablement zoologique qui enchantait Bella, rien ne la décidait pourtant à céder à quelque transaction. Qu’importe, DonJuan, désespéré au début, s’attachait à cette compagnie agréable et découvrait cette personnalité extraordinaire. Et puis les enchères montaient, le mythe Bella, comme une traînée de poudre, noire celle-là, enflammait les imaginations, jusque dans les chansons populaires. De plus Bella savait se rendre utile. S’initiant à la comptabilité et au secrétariat, elle suivait son maître dans tous ses déplacements, en profitant pour étendre sa connaissance du comportement humain en Europe. Les affaires de DonJuan ne s’en portaient que mieux. Et puis quel laisser-passer, quel savoir-faire, quel faire-valoir et quel savoir-vivre! Une grande affection les unissait à présent et, finalement, on avait du mal à imaginer quel client pourrait un jour répondre mieux que DonJuan aux attentes de Bella. Qui pourrait un jour les séparer. On en avait oublié que cette Négresse était à vendre comme un vulgaire objet de classe. Jusqu’au jour où...
Le coup de foudre fut immédiat et réciproque. Le comte Pietro di Azuro de passage à Séville chez son meilleur ami (affectueusement surnommé DJ) pour lui montrer son extraordinaire et dernière trouvaille, La Poudre, avait tous les atouts pour séduire l’hyperséduisante Bella. Et, inversement, ce solitaire à la recherche du ”Bonheur Intégral» ne pouvait rester insensible aux charmes de l’ultrasensible Bella. La rencontre fut super-renversante, définitivement et irréversiblement. Bien sûr DJ se sépara avec grand peine de l’inséparable, mais pour cet homme d’honneur la fidélité au masculin était supérieure à tout sentiment bassement féminin. Bella épousa le comte vénitien dans un déluge de plaisirs le 1° janvier 1492. En cette fin de siècle prometteur elle s’installa au Château de Cartes Blanches et réalisa son rêve: l’étude, l’étude, l’étude et encore l’étude.
Pourtant, excellente femme d’intérieur, elle gère rondement les affaires du Château et ceci malgrè les handicaps dus à une couleur mal vue dans cette région où l’on souffre en ces temps difficiles des Maures. Bonne cuisinière, elle crée un jour une nouvelle sorte de pain à la forme de son sein qu’elle nomme biscotte (il est à noter que ceci n’est pas une nouveauté, on sait en effet que les Mésopotamiens s’en délectaient dèjà trois mille ans Av.J.C parmi 300 sortes de pains). On la surnommera dorénavant Biscotte, ce qui explique les références affectueuses et admiratives à Biscotte d’Azur que nous allons trouver dans les livres de bord du galion “la Ganda“, terrifiant vaisseau des terribles pirates que furent Roger Joly et René d’Azur puis Rosa et Rosae, les amazones jumelles aux mystérieuses cicatrices symétriques.
Le Comte di Azuro voulait mille et un enfants de Bella mais, prise par son travail, elle ne consentit dans un premier temps qu’à une exception, ce devait être la seule. Partagée entre ses voyages à la suite de son époux et les comptes rendus de ses observations à la suite de ces voyages, elle n’avait guère le temps de s’occuper d’une famille nombreuse tel qu’elle concevait l’éducation des enfants et l’attention portée à son mari et à elle-même. Aussi, c’est au début de l’année 1492 qu’elle accepta exceptionnellement la fécondation des particules porteuses de vie de l’être aimé, et, en octobre de la même année naissait notre héros, Nascimento Essepçaõ di Azuro (@).
Sept années de «Bonheur Intégral» devaient être la durée de ce trio unique et solidaire, jusqu’au carnage final. Bella, déchirée rendra l’âme au sein du triangle familial, encerclée par ses assassins dans la cour Saint-Georges, la cour carré du Château de Cartes Blanches, un 13 octobre 1499.
On ne retrouvera que bien plus tard la bague de fiançaille de Bella, une bague en corail noir, diamants noirs et perles noires montés sur de l’obsidienne au sceau de la famille di Azure dont les origines connues remontent à 2000 ans Av. J.C. à Babylone, un triangle circonscrit dans un cercle inscrit dans un carré.
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”Biscotte d’or” (détail),
pièce de monnaie européenne crée par DonJuan et Bella, vers 1490 |
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(1) Nos recherches sur les origines de la dynastie N’Diaze nous amènent en Ethiopie. De fortes présomptions nous laissent penser qu’il y aurait un lien de parenté avec As’Ur, éminent intellectuel sumérien, ami du roi Gilgames en 2700 Av.J.C et sommité très puissante à l’époque. Ethiopien d’origine, fils renié du Roi des Rois, il est probablement un ancêtre de la famille Lazuli établie à Venise la lacustre depuis des lustres, à la chute étrusque, et dont le célèbre Lapis ne serait autre que l’arrière-grand-père de Pietro.
(2) Bella serait une des filles de Bõ N’Diaze, roi Nègre de la côte ouest du continent africain installé sur un comptoir portugais où les affaires florissaient. Des descendants de ce groupe familial important auraient été déportés vers la Nouvelle-Orléans, aux États-Unis. Ils seraient devenu musiciens.
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