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Les cauchemars de René d'Azur
Résumé |
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La Ganda, la savante guenon
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Nous savons que René d’Azur devait subir un grave traumatisme à l’âge de 7 ans lors du massacre de sa famille en 1499 dans la cour Carrée, désormais cour de la Pierre Sucrée, au Château de Cartes Blanches, désormais Château de Quatre Planches. Rappelons- nous que la population voisine invitée au château, excédée et hystérique, plongea l’enfant dans les boyaux éventrés de Bella, sa mère, pour une nouvelle naissance, après avoir démembrer et désarticuler le comte Pietro di Azuro qui se suicidera par overdose quelques jours plus tard. Dès ce jour et jusqu’à sa mort, son sommeil fut troublé en permanence par d’effroyables cauchemars peuplés de créatures infâmes, fantomatique et difformes. Une succession de films d’horreur dans un cinéma spécialisé aux séances permanentes. Le décor était toujours le même mais les monstres se renouvelaient sans cesse, se multipliaient et se comptaient par milliers. Ces cauchemars devaient atteindre leur paroxysme à l’époque où René dans les années vingt (c’est à dire en 1518 et quelques), était capitaine du fameux et dangereux galion “La Ganda“ avec Roger Joly et son équipage tétanisé.
Cet équipage, nous le verrons, ne faisait qu’alimenter ses hantises. Il entreprit, précurseur encore une fois, une auto-analyse de ses rêves atroces qu’il subissait chaque nuit et même plusieurs fois par nuit, toutes les nuits et même plusieurs fois par jour, tous les jours, lors de ses nombreuses siestes quotidiennes. De bon matin, alors que le soleil effleurait les haubans de son navire, ou le soir, après la dernière sieste, alors que le même soleil effleurait les haubans du même navire ou d’un autre, il retraçait ces portraits de monstres qui le harcelaient avec ce qui lui tombait sous la main, pensant ainsi s’en débarrasser définitivement. Il en dessina des centaines et les analysa mais rien n’y fit. C’est là qu’il devait s’apercevoir tout à coup que son équipage ne le laissait non seulement pas indifférent mais qu’il l’horrifiait terriblement. Il est temps à présent de dire un mot de cet équipage exceptionnel reccueilli au coeur du triangle des Bermudes ou dans la mer des Sargaces, nous ne savons plus.
Le livre de bord de “La Ganda“ déniché chez un bouquiniste des bords la Seine à Paris, en grande partie déchiré, mentionne un capitaine lui-même déchiré, unijambiste, sourd comme un pot de vin ou une barrique de rhum et affecté de strabisme mais ambidextre, capable d’effectuer mille et une manoeuvres à la fois, et signale vaguement, à la vigie, un hurleur bègue, borgne et manchot. Nous n’en savons pas plus à ce jour mais le décryptage du fameux document progresse doucement. Ils allaient écumer la région et bien au-delà. Notre équipe sait, depuis, que cet équipage, était composé hormis le capitaine C, de V, la vigie borgne, bègue et à qui il manquait un bras et qui, avec son oeil unique, ne distinguant pas les distances et le relief, hurlait à tout bout de champ et de chants: “TETETE, TETERRE, TERRERE!“ montrant du doigt un horizon vide et protégeant son oeil du soleil avec sa seule main, il se cassait la gueule de la grand vergue toutes les dix minutes provoquant régulièrement quelques traumatismes craniens qui n’arrangeaient pas sa santé mentale déjà très fragile mais donnait l’occasion à René d’expérimenter de nouvelles méthodes pour replâtrer ses diverses fractures. S’ajoutaient à cela Be et Bop, frères jumeaux du capitaine C encore plus louches mais complètement manchots au sens figuratif ainsi que Lou et La, mais devons-nous les compter car seul C, voyant tout en double, croyait avoir quatre frères. A notre connaissance l’équipage se limitait à six individus. Aux côtés du capitaine, de ses deux frères et de la vigie se trouvait C’ et A. A, l’artiste du bord, artiste d’abord, albinos et daltonien, souffrant des rayons du soleil et mélangeant les couleurs, rayonnant pourtant du fond de sa cale refuge d’où il ne sortait jamais.
Dyslexique, bourré de tics et de tocs et soufrant de rumathismes et de rhum-mania pour cause de cale, il jouait de la musique comme un ange mais confondait le rouge et le vert comme un démon, ce qui expliquerait les crayons de couleur employés par le Capitaine ambidextre sur le carnet de bord ce 17 septembre 1518, puis les couleurs du futur “Ganda II“ que A fut chargé par Rosa & Rosae de décorer, puis encore plus tard les feux bicolores de position tribord / babord employés encore aujourd’hui. C vacille sur son unique jambe et refuse catégoriquement toute prothèse. Heureusement, ambidextre, il se rattrappe toujours à l’extrême limite. V, la vigie, borgne, manchot et bègue suit l’exemple de C et dénigre toutes les proposition de René concernant une prothèse. A, l’artiste, n’a besoin d’aucune prothèse si ce n’est de lunettes de soleil, d’ambre solaire et de pommades diverses que lui propose sans succès René. Daltonien, albinos, dyslexique et arthritique, il aurait pourtant bien besoin d’un petit coup de pouce. Il faut dire que l’exemple de Be, Bop et C’, toujours volontaires pour les multiples prothèses abracadabrantesques qu’expérimente René ne les encourage pas à suivre le même chemin.
Quant à C’, parlons-en, ami du capitaine, le Cobaye, qui rongeait tout ce qu’il trouvait, était toujours prêt à se faire amputer d’un membre ou d’autre chose et à s’en faire greffer un autre ou autre chose par René d’Azur. Il était devenu difforme, croulant sous les prothèses que lui confectionnait René. Il échangeait ses divers membres avec Be et Bop, les deux frères un peu bébettes du capitaine, eux aussi très très fatigués et eux aussi, comme un seul homme, toujours disposés à participer aux expériences chirurgicales et sanguinaires de René. Édentés par le scorbut et la malnutrition, équipés chacun à tour de rôle d’un appareil dentaire aux noyaux d’olives noires ou vertes ou autres dattes, et la langue coupée remplacée par un bout de prépuce ou autre apendice des deux autres, ils chantaient pourtant à tue-tête aux côté de leur ami A. Et C, le capitaine sourd comme un pot, et V, la vigie bègue hurleuse, se joignant aux trois autres formaient un quintet inquiétant aux Q.I. cuits et recuits. Quant à Lou et La, ils restaient muets comme deux carpes. Le capitaine C aurait composé une chanson, devenue célèbre beaucoup plus tard dans le monde entier, en hommage à ses “quatres“ frangins vénérés, “BeBop et LouLa“. René d’Azur invente alors une nouvelle façon de dormir, encore une invention ratée qui n’aura aucune suite. Au cours de ses nombreux voyages, René aura l’occasion de se familiariser avec entre autre outil de couchage le hamac des Indiens. Son souci : dématérialiser le sommeil, faire en sorte que le sommeil ne soit pas troublé par la matière afin qu’il soit le plus doux possible, le sommeil étant le secret du “bonheur intégral”.
A la recherche d’une perfection totale, il négligera pourtant la matérialisation de ses idées. Ce matelas, hamac dans un caisson d’eau cubique, combinait, en un savant calcul, la loi de la gravitation de Newton et la poussée d’Archimède. Son rêve, c’est le cas de le dire, étant d’analyser ses propres rêves et, bien avant Freud, avoir les moyens de décortiquer son inconscient. Nous pensons qu’il se fit enterrer dans un caisson similaire, ses cendres posées sur une voile triangulaire flottant dans une sphère, reproduisant en 3D le sceau et le blason di Azuro qui, depuis des siècles, rappelons- le était un triangle circonscrit dans un cercle lui-même inscrit dans un carré. En fait, comme à son habitude, il “invente” un processus de sommeil, un objet, dans l’espoir de comprendre, d’éclaircir un mystère et de soigner ses cauchemars insupportables. Ce projet inclus un scribe, A, chargé de noter toutes les manifestations du sommeil sous forme de code, comme des partitions musicales.
Ces sons inarticulés ponctués de ronflements sont indéchiffrables et pour finir n’autorisent aucune analyse et sont absolument incompréhensibles. Ce matelas “aquatique” révolutionnaire n’aura donc aucune suite immédiate et rentrera dans le lot des inventions ratées de René d’Azur, quant à sa “psychanalyse”, ça tombe à l’eau.
Le “hamacazur” est aussi un outil de voyage, un moyen de transport dans le temps, pour tout dire un souvenir de famille, de voyageur solidaire: mieux dormir pour être en éveil, se connaître pour mieux connaître les autres. Le sommeil comme voyage : le rêve
Mais ça c’est une autre histoire.
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