Gerlinde FROMMHERZ 

Céline Ghisleri : La réalité des choses, 2012

Toute chose a des propriétés stables, constantes qui permettent de la reconnaître. Une grandeur et une forme propre, objective. Toute chose a aussi une couleur, une dureté, une matière, un poids... C'est cette réalité physique qui intéresse Gerlinde Frommherz. Ses sculptures ne sont pas le résultat d'une transformation de la matière, mais d'une construction à partir de matériaux, préalablement transformés par l'homme. Une chose, c'est à dire le couple matière-forme*, auquel on donne une finalité pour en faire un objet ou une fonctionnalité pour en faire un outil. Gerlinde Frommherz les introduit dans le champ de l'art, les prive de leur finalité et transforme l'outil en belle chose*.
Un seau, une boîte, un cintre, un tiroir, des roulettes, un serre-joint, perd momentanément son identité pour devenir un simple élément purement plastique. Mais « La forme n'est pas une entité abstraite, elle est au contraire profondément mêlée à la vie et à ses phénomènes. » et c'est le regardeur qui redonne aux choses qu'utilise Gerlinde Frommherz, leur vie antérieure. Qu'il s'agisse de ses dessins ou de sa sculpture, (expansion de ses dessins dans l'espace), chaque élément constitutif s'ancre dans la concrétude de la construction, dans un espace physique tangible. L'artiste expérimente les principes élémentaires de cette construction qui régissent la sculpture d'assemblage, sans intervention chimique extérieure. Tout est sous nos yeux. Un genre de la sculpture qui rappelle l'art minimal, le constructivisme, mais pas seulement. Les sculptures de Gerlinde Frommherz usent d'un langage que le regardeur connaît. Ses oeuvres ouvrent sur un imaginaire ludique que convoquent les jeux d'assemblage de formes et d'objets appartenant à notre quotidien qui contraste avec la rigueur de ses constructions.

Avec l'abri-pluie, le propos de Gerlinde Frommherz est immédiat. Il s'ouvre à la poésie des éléments naturels tout en gardant cette objectivité plastique qui caractérise son travail. L'abri-pluie est à la fois un espace physique et une aire poétique dans lequel le visiteur peut entrer. Une sorte d'architecture créatrice d'un lieu imprévisible qui satisfait le besoin de se protéger et crée la nécessité de rêver. Cette sculpture abstraite, à l'échelle du corps, physiquement préhensible, se présente au flâneur enclin à la contemplation, sous la forme d'une grande boite en bois à échelle humaine. Cette boite est ouverte sur la grande prairie qui l'entoure, ses ouvertures permettent différents points de vue sur le parc du Château d'Avignon. L'espace n'est pas claustrophobe mais ouvert sur le paysage, le spectateur s'en échappe par des passages ajourés ou par le toit diaphane à travers lequel on distingue le bleu du ciel... Ce toit, le spectateur l'aura identifié avant d'entrer, comme un grand tambour sur lequel est tendue une peau de 2m de diamètre, prête à jouer les notes de la pluie quand celle-ci adviendra. Comme chaque oeuvre soumise aux phénomènes naturels, le hasard est contenu dans le processus. On pense aux Lightning field de Walter de Maria suspendus aux hasards de la foudre. L'abri-pluie est sans doute une oeuvre plus humble, la pluie étant moins arrogante que l'orage, moins spectaculaire. L'oeuvre de Gerlinde Frommherz joue avec cette tension entre le silence et un potentiel sonore. Il se fait l ‘écho des différentes évocations de la pluie. Associée à la tristesse chez les poètes occidentaux, chez nous, elle est un élément dont il faut se protéger. De l'autre coté du monde, elle s'assimile à la joie. On la fête dans les zones desséchées, on la sollicite par la danse, elle sera reçue avec euphorie et en musique. Ici et ailleurs, la musique et la pluie se retrouvent souvent liés, la pluie fait des claquettes, chantons sous la pluie et c'est donc naturellement qu'en attendant l'averse, l'abri-pluie se transforme en instrument pour le musicien. De sculpture minimale ou d'espace architectural, l'oeuvre redevient une chose, et nous amène à une autre matière impalpable : la matière sonore. Le couplage se fait entre un matériau sonore et des formes qui par elles-mêmes ne le sont pas, mais qui le deviennent grâce au matériau. « Le matériau est là pour rendre audible une force qui ne serait pas audible par elle-même, à savoir le temps, la durée même et l'intensité. Au couple matière-forme se substitue le couple matériau-forces. » Gilles Deleuze

1. Concept du couple matière-forme développé chez Aristote et chez Heidegger
2. Théorie kantienne de la finalité sans fin qui distingue les belles choses des outils.
3. Henri Focillon La vie des formes 



Drawings and Spaces
In 1993, a the Budapest Galleria, I traced seven drawings onto the walls of a stairwell. these seven imaginary architectural figures resembled open boxes, the memory of my time spent in the Turkish baths of Buda.
In 1993 / 1994, With the help of a topographer, I executed a large geometric drawing on the floor, a tracing which inscribed itself upon the expanse of a football field. Drawn with chalk, this drawing described the translatory movements of an enormous triangle.
Another drawing executed in the studio with adhesive tape described the successive displacements of a long, very low pedestal covered with tools and mounted on rollers.
In different ways, these three examples show a continued interest in my work for the relation between physical and mental space. By way of their dimensions and their distribution on the vertical and horizontal planes of an architectural structure, the drawings regulate the perception of the space through which one moves. The drawings themselves are composed of elements awakening transformations in the imagination.
Raw material.
My work is composed of several parts. First, there is a rather long work process in the studio, a search for forms and the invention of drawn elements capable of reacting on different surfaces. This stock of elements is the raw material for the works.
Places.
The second part of the work consists in finding a place and executing a drawing on location. Taking into account the specificities and the dimensions of a space, I conceive a composition for a concrete context and architecture. It's through the articulation of these different components that the work takes shape, is enriched, and increases in complexity.
Public spaces.
At the moment, I work primarily in public spaces.
Gerlinde Frommherz, 1999



Techniques et matériaux


dessins muraux, dessins au sol / wall drawings, drawings on the floor
sculptures
espaces / spaces
Mots Index


construction
constellations variables / various constellations
transformation
précision et bricolage
espace public / public space
échelle
inventer
chantier permanent
champs de références


La ville
La vie quotidienne / Every day life
L'architecture
L'évolution
L'archéologie / Archeology
repères artistiques


Büro Berlin
Giotto
Albrecht Dürer's Unterweisung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheit in Linien, Ebenen und ganzen Körpern / Albrecht Dürer's Unterweisung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheit in Linien, Ebenen und ganzen Körpern
Fischli und Weiss (An einem stillen Nachmittag, Der Lauf der Dinge)
Franz-Erhard Walther
Collage City de Colin Rowe et Fred Koetter
Constructivisme
Dada