Robin DECOURCY 

Robin Decourcy est un artiste contemporain, chorégraphe et performer français. Né en 1976, créateur des Trek Danse et enseignant différentes techniques d'improvisation, en France et à l'étranger, tels la Composition Instantanée, le Contact Improvisation et l'Improvisation Continue. Engagé dans des pratiques visant à métisser ou à perturber certaines disciplines artistiques, son oeuvre sous-tend une démarche écologique et sociale.

Influencé par Fluxus, le land-art, la scène techno des 90's et les modes de vie nomades, Robin Decourcy applique différentes alternatives de vies communautaires et créatives sous forme de projets artistiques à long terme. Considérant l'être physique et biologique comme premier véhicule, il s'est intéressé à l'habitat et à la marche. Ses premières performances, souvent à caractère autobiographique, se déroulent pendant ses voyages, en extérieur, ou exposées dans des galeries et des centres d'art, qu'il occupe le temps de son passage. Fort de son expérience de danseur interprète et de créateur des Trek Danse, il privilégie aujourd'hui des processus de micro-politiques en utilisant les arts vivants. Ses actions artistiques se présentent sous forme d'expériences à partager en public : jeux, stages, conférences, laboratoires, séjours... qui questionnent les normes de l'organisation sociale en modifiant certains usages de techniques professionnelles, de la santé, de l'économie ou du spectacle. Il coopère avec de nombreux artistes, compositeurs, vidéastes, pédagogues ainsi que des praticiens et des chercheurs en anthropologie et en thérapie holistique.



Alliant des pratiques aussi distinctes que la peinture, la performance, le dessin, l'installation, la danse ou la mise en scène, le travail de Robin Decourcy peut difficilement être défini en tirant le fil rassurant du médium. Capable de traverser l'Espagne, plusieurs mois durant, avec un âne (notamment), d'installer au milieu d'une galerie un épais volume de ronce sèche, ou de mettre en place des dispositifs de performances touchant à des problématiques liées à une forme d'introspection, il jouit sans relâche de sa liberté pour échafauder une oeuvre dont l'enjeu se situe par-delà la forme. Sa peinture elle-même semble avoir compris que la facture est une limite, elle se refuse alors à la question du style et s'autorise un champ d'intervention ouvert.
Plus que la nature purement formelle des oeuvres, ce qui fait lien dans le travail de Robin Decourcy se trouve d'abord dans le rapport (qu'on pourrait qualifier d'intime) que l'artiste entretient avec ses sujets. L'individu est au coeur de ses recherches artistiques, que ce soit à travers le traumatisme, le stéréotype, le commentaire, l'identité, il se donne à voir dans sa complexité. Aussi les "non-dits", le "souci de soi", l'histoire personnelle... occupent-ils une place prépondérante, ces axes de recherches s'articulent autour des questions du déplacement, de la fuite, parfois de la disparition.
Guillaume Mansart

Combining activites as distinct as painting, performance, drawing, installation, dance and directing, Robin Decourcy's work cannot easily be defined by pulling the comforting string of the medium. Capable of travelling across Spain for several months with a donkey (in particular), installing a dense mass of dry brambles in the middle of a gallery, or introducing performance devices which touch on issues connected with a form of introspection, he tirelessly revels in his freedom to underpin an oeuvre whose challenges are situated beyond form. His painting itself seems to have understood that style is a limit, so it rejects the question of style and allows itself an open field of intervention.
More than the purely formal nature of the works, what creates a link in Robin Decourcy's work is to be found, first and foremost, in the relation (which we might describe as intimate) that the artist has with his subjects. The individual lies at the heart of his artistic research, be it through trauma, stereotype, commentary or identity; he is presented in all his complexity. So “unsaid things”, “self-concern”, personal history, and illusion all have a predominant place; these lines of research are connected with issues of displacement, flight and at times disappearance. Traduction Simon Pleasance.





Une contre-tactique par Sylvain Pack, 2007

Si les propositions figuratives de Robin Decourcy sont affirmées d'emblée, elles cherchent par leurs artifices et leur apparente tendresse les profits d'une observation différée. Elles invitent au retard. Ainsi la série des grands formats au crayon de couleur nous entraînent dans des latences, des instants d'écoutes particulières: résultats de procédés graphiques, paysages ou « scènes » se laissant regarder sur une assise adaptée à l'oeil du regardeur. Assez rapidement pourtant on voit se tendre les pièges du concepteur, des processus qui ont plus à voir avec le théâtre de la cruauté, les vertiges dimensionnels d'une Alice ou le monde hallucinant du poète cubain Reinaldo Arenas.

Tout comme dans son travail chorégraphique, le trait de Robin Decourcy poursuit un dessin précis et exigeant. D'apparence naïves ses représentations consignent les ambiguïtés d'un réel tangible. Ces ambiguïtés assignées à l'homme dans son rapport à la violence ou à l'enfance sont passées sous le filtre de soins élaborés et studieux. L'étudiant dissèque des sujets indociles. Réitérant des codes artistiques liés à des représentations occidentales dites populaires, il fait aussi lentement dériver ses actions du côté périphérique : banlieue, no man's land, stratosphère, monde rural, vide d'une feuille usée comme d'un exotisme décalé. Par sa filiation picturale à l'art brut, au pop-art , à l'illustration, il donne à ses formes les aspects d'un certain réalisme, comme "éculé". Ainsi la question d'un « bon goût » en art, d'un certain penchant pour le bas-côté et la relation quasi-suspecte qu'il entretient avec l'iconographie religieuse et mythologique font de sa pratique quotidienne un terrain d'observations comparables à des systèmes poétiques d'hors-champ, ou d'autres jeux plus herméneutiques.
De ce regard oblique et volontiers confus, Robin Decourcy nous convie à la visite d'un monde à notre échelle en disséminant des actions, des images et des évènements. En mettant des groupes et des êtres humains dans des situations expérimentales et en relatant des performances alliant sa vie à des situations marginales, il ramène le plus souvent des situations complexes à des gestes simples, compréhensibles, acceptables.

L'utilisation hétéroclite de la photographie, de la vidéo, de la radio, du numérique ou de médiums artistiques beaucoup plus traditionnels, tel l'aquarelle, le crayon de couleur, la céramique ou la peinture lui permet de se retrouver dans la position d'un arpenteur qui, par le premier outil qu'il a à sa disposition, se sent comme dans l'urgence d'informer ses proches d'une sensation. Figure d'errant qu'il aborde et romantise à l'occasion, travesti en gitane dans les rues de Séville dans la vidéo « Harpia », accompagné d'un âne au marché dans la série photographique « Ridding tikki », traveller transportant un même grand format pendant plusieurs années, photos de voyage et dessins trouvés parsemant ses projets de « Magazine ».
Mettant lui-même son corps ou d'autres en état d'exploration de sa propre vie, de son érotisme ou de son déclin, il retrouve des entreprises de simulacres actifs qu'ont investi avant lui Frida Khalo ou cet autre crayonneur qu'est Pierre Klossowski auprès desquels son travail s'est nourrit. Cette attitude bio-graphique, basculant sans cesse entre l'obsession de la sincérité et son évidente mystification, est à situer bien loin du jeu narcissique ou d'un schéma rédempteur judéo-chrétien. Cette alter-expérience , cette réflexion du moi emprunte beaucoup plus au souci d'un être-témoin, réceptacle du réel, d'une poésie affranchie. L'expérience critique ne semble être ici possible que parce qu'elle est traduite par le témoignage singulier du corps humain, de la peau, de l'agencement d'un corps en mouvement.

Le corps humain, le paysage ou l'objet à la portée du corps humain, semble être au final dans la pratique plastique de Robin Decourcy , le support d'une méditation, d'une réflexion plus large à partager. Jouissances, contemplations, abandons, solitudes, maladies psychiques, vices, accidents sont autant d'états qu'ont peut commencer à identifier dans le tressage de son iconographie mais il apparaîtrait que, tout comme dans ses supports de présentation, ses encadrements ou certaines délimitations de ces dessins il y ait une préférence donnée à une inconstance du sujet, d'une spécialité dans sa dissémination, comme une obéissance profondément tactile, contre-tactique.


Techniques et matériaux


Huile, crayon de couleur, pastel, composition instantanée, poésie sonore, performance, land art, phonographie, video, mise en scène, chorégraphie
Mots Index


illusion, manipulation, robot, jouir, ubiquité, avatar, confusion, perversion, dépossession, simulacre, corps, énergie, maladie, animal, déplacement
champs de références / repères artistiques


Gianni Motti, Frida Khalo, Magritte, Pier Paolo Pasolini, Antonin Artaud, Santiago Sierra, Pierre Klossowski, John Keats, Jacques Rancière, Sharunas Bartas, St John Perse, Bruce Nauman, Merce Cunningham, Miles Davis, Camaron de La Isla, John Cage, Gordon Matta-Clark, Philip Guston, A Filetta, Le Douanier Rousseau, Octavio Paz, Georges de La Tour, John Giorno, Marcel Duchamp, Robert Ashley, Paul Gauguin, Werner Herzog, Henri Michaux, Paul Mc Carthy, Le Caravage, Henry Darger, Fluxus, Enrique Morente, Rembrandt, Verlaine, JMG Le Clézio, Francis Alys, Henri Chopin, Richard Long, Francisco Lopez, Tsai Ming-Liang, Emmanuel Carrère, Andy Warhol, Eliane Radigue, Pablo Picasso, Jean Michel Basquiat, Israel Galvan, Maurice Blanchot, Richard Long, Gregor Schneider, Steve Paxton, Cornelius Cardew, Anna Halprin, Lawrence Halprin, Walt Withman, Giorgio Agamben, Hubert Duprat, Morton Feldman, Meredith Monk, Jaime Sabines...