Floryan VARENNES 

FUTURS ANTÉRIEURS

Créant des passerelles entre un passé médiéval et un futur science-fictionnel au travers de sculptures, d'objets et d'installations, Floryan Varennes traite du soin, de la protection, du queer et des (bio)technologies. Il court-circuite l'histoire dans une perspective visionnaire, anticipatrice de l'avenir que nous aurons, et de celui que nous souhaitons.

Floryan Varennes a été marqué par la lecture de l'Herbarius de Paracelse1 et surtout de Physica2, traité écrit au XIIe siècle par la guérisseuse, botaniste et musicienne Hildegarde de Bingen, dans lequel elle énumère les propriétés curatives de plusieurs végétaux. Il s'est alors rapidement intéressé aux pratiques médicinales employant des plantes (la phytothérapie), et plus spécifiquement celles employant des huiles essentielles (l'aromathérapie). Remède naturel aux multiples vertus connu depuis l'Antiquité, la lavande a ainsi pris une place centrale dans ses travaux les plus récents, à commencer par les Disciplines (2019). Présentés lors du 64e Salon de Montrouge, ces écus armoriaux conçus à partir d'orthèses médicales assemblées par rivetage et aspergées d'essence de lavande confrontent deux visions du soin : une qui cherche à redresser le corps, et une autre, plus volatile, qui puise dans les savoirs ancestraux et les ressources naturelles pour libérer le corps de ses maux. En bouquet, la lavande est entravée par une chaîne d'acier qui l'enserre dans In extremis (2019) ; employée comme matériau unique dans Millefleurs (2020), elle est égrainée au sol jusqu'à occuper entièrement l'espace, tant physiquement qu'olfactivement.

intérêt de Floryan Varennes pour le care – qui regroupe le soin et la sollicitude – n'occulte jamais les agressions qu'entraînent ces pratiques. Il explore son ambiguïté en le rapprochant des arts militaires, questionnant la violence intrinsèque des processus de guérison et la dimension curative antinomique de la guerre. Il s'approprie le concept foucaldien de biopouvoir3, une forme de pouvoir qui s'exerce sur la vie des êtres humain·e·s – en tant qu'individu·e·s ou en tant que population –, pour la protéger (par exemple soignant les malades ou en isolant la population en cas de pandémie), mais aussi pour la contrôler. L'artiste rend alors floue la limite entre la finalité bienveillante du care et les contraintes de son orchestration. Avec Jouvence (2018), assemblage de deux minerves parées de perles, la fontaine d'immortalité se fait coercitive, suggérant un lien entre préservation de la vie et contrôle des corps ; tandis que Le Baiser (2019), La Meute (2020) et L'Assemblée (2021) forment un bataillon biomédical hybridant le soin à la guerre. Sentinelles en armures cristallines faites de PVC riveté, elles sont guidées par une Matriarche (2022), entité flottante dont l'air menaçant n'a d'égal que son rôle tutélaire. Cette armée pellucide nous protège et veille sur nous, en même temps qu'elle nous entrave, comme le soulignent les muselières en acier qui forment le noyau de chaque soldat·e. L'artiste matérialise ainsi le concept de pharmakon – à la fois poison et remède –, et se place dans la continuité de la pensée de Bernard Stiegler4, pour qui toute technologie – y compris médicale – est pharmacologique, pouvant servir soit à construire, à élaborer, à élever le monde, soit à le détruire. 

Dans son exposition Hypersensibilité, Floryan Varennes continue son exploration du care à travers les états de fragilité émotionnelle qui assiègent le corps et le laissent en proie à de multiples attaques, qui viennent parfois de l'intérieur. Pour se protéger (de lui-même), il a ainsi créé une série d'armes en verre d'inspiration médiévale : Flirt (2022), Assag (2020), Fin'amor (2018), Volens Nolens (2022) et Oblivion (2021). Réalisées en collaboration avec le Centre International d'Art Verrier de Meisenthal, elles sont l'évocation d'une succession d'états amoureux, allant de la rencontre à la rupture, en passant par l'embrasement de la passion. Réalisées dans un matériau transparent et fragile, l'artiste rend compte de la force du sentiment qui vous assaille, vous transperce, vous écorche et vous assomme, mais aussi de sa précarité, le verre pouvant à tout moment être brisé comme le pourrait être un coeur.

Pour l'artiste, être sensible est surtout et avant tout une force, une ouverture vers les autres, permise par une réceptivité exacerbée et mise au service de la compassion et de l'entraide. L'hypersensibilité transparaît de manière littérale dans l'utilisation du cuir – matériau dermique qui laisse des corps écorchés, à vif – employé dans Hildegarde (2021). Réalisée lors d'une résidence au Musée du cuir de Graulhet, l'oeuvre, portant le nom de la guérisseuse médiévale, est une installation de sept civières en cuir blanc matelassé, suspendues et disposées en cercle. Destinés à recueillir les corps blessés dont les contours musculeux semblent s'imprimer en creux sur leur surface, les bards ainsi agencés forment également un rempart de protection, une zone de repli et de répit, au coeur de laquelle on peut se montrer vulnérable en toute sécurité.

rthèses et remèdes sans corps malades, armes et armures sans chevalier ni chevaleresse, défilé de guerrier·ère·s désincarné·e·s, les corps sont omniprésents dans l'univers artistique de Floryan Varennes, sans jamais être montrés, si ce n'est qu'en négatif, à partir de parures et d'appareillages. Ses oeuvres sont ainsi des représentations de ce que Paul B. Preciado appelle des « somathèques », des collections de postures, de gestes, d'artefacts ou d'images qui sont déterminés par le contexte social ou adoptés par opposition5. L'artiste considère comme le philosophe que la notion de corps n'existe plus, car elle suppose une unicité là où nos enveloppes corporelles sont en réalité le lieu de conflits de pratiques médicales, esthétiques ou discursives. 

Floryan Varennes crée des ouvertures dans/sur les corps qui entament leur déconstruction, et souligne la diversité, les superpositions et les contradictions qui les traversent. Pour ce faire, il découpe et assemble les matériaux, les formes et les concepts : le soin se fait violence, les amours sont bellicistes, les armes sont en verre et l'odeur de la lavande se fait sculpturale voire architecturale. Hybridant des signifiants opposés tout en les confrontant, il refuse les assignations catégorielles, en particulier celles de genre. Ainsi, au prisme des théories et des politiques queeres, Codex Novem (2018), Punctum Saliens (2019) et Sursum Corda (2021) – installations d'étendards à trames ajourées formant une parade militaire sans corps – se muent en défilé de combattant·e·s minoritaires invisibles qui brandissent fièrement leurs couleurs contre des oppresseurs tout aussi invisibles, systémiques. Leurs reflets iridescents, par leur variation du bleu au rose en passant par le violet, se chargent alors des symbolismes genré et sexuel associés à ces couleurs – bleu masculin et hétérosexuel, rose féminin et gay, violet transgenre et lesbien – pour en dissoudre les contours catégoriels.

Plongé dès son adolescence dans la fantasy du Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien et de jeux vidéo tels que Fable, Dark Souls ou The Elder Scrolls, Floryan Varennes s'est pris de passion pour le Moyen Âge et sa relecture dans les époques postérieures, ce que l'on appelle « médiévalisme ». Un engouement pour l'histoire qui l'a conduit à décrocher un diplôme en histoire médiévale, avec un mémoire consacré aux représentations de Jeanne D'Arc. En tant que plasticien-historien, il multiplie les références à cette époque, qu'il voit comme une altérité radicale et qu'il emploie comme modalité heuristique, établissant des comparaisons entre le passé et le présent, voire l'avenir. Ayant aussi grandi avec les animes Neon Genesis Evangelion et Ghost in the Shell, ainsi qu'avec la saga vidéoludique Halo, il est aussi fortement influencé par la science-fiction et ses univers ultra-technologiques. Il (re)compose alors un vocabulaire plastique fait d'armes, d'armures et d'emblèmes médiévaux, et procède à un télescopage temporel qui fait coexister un passé magnifié par les arts et la pop culture, la vision critique d'un présent en crise, et la projection d'un monde techno-futuriste peuplé d'êtres cybernétiques. Aux incisions (a-)corporelles et aux failles émotionnelles s'ajoutent ainsi des brèches temporelles : l'artiste prophétise un futur bâti avec des éléments du passé vus du présent, les inscrivant dans une vision éternaliste du temps, où le présent n'existe plus vraiment6.

Naviguant entre fantasy et science-fiction, il donne forme à ce futur spéculatif dans Mirari: A life relieved (2022), vidéo réalisée en collaboration avec les artistes Harriet Davey et Imogen Davey. S'appuyant sur l'esthétique des jeux vidéo, il se représente en avatar elfique, sans sexe ni aréoles, dormant paisiblement dans un paysage de cendres, le corps nu, une armure de verre comme unique protection. Avec une voix métallique, il mène une introspection méditative qui nous est aussi adressée : rassurant, ce poème invite à entrevoir un avenir libéré des maux qui nous tourmentent aujourd'hui. Cyborg harawayen qui dissout les frontières du temps, du genre et du réel, l'avatar met également à mal celles du corps7. Représenté dans ses plus infimes détails épidermiques, le corps est en effet aussi paradoxalement et résolument absent, réduit à une fiction de pixels, piégé dans une utopie numérique. Floryan Varennes repousse ainsi les contours de sa propre somathèque au-delà de l'organique, du vivant et du réel ; un ultime adieu au corps qui préfigure une ère posthumaine, certes désincarnée, mais pas dénuée d'émotions ni de sentiments pour autant.

KÉVIN BIDEAUX
Chercheur en arts et en études de genre
Manifesto XXI - 23/06/2022
Extrait de https://manifesto-21.com/floryan-varennes-portrait/










LA PARURE POUR LE TOUT

Dans l'espace se tiennent des mues transies, venant marquer le parcours d'autant de manières de négocier un rapport à l'horizontalité. Les unes plient et ploient, les autres se raidissent et se durcissent, tandis que d'autres encore se boursouflent et se contorsionnent. Chacune de ces formes armaturées, ambiguës et paradoxales, s'obstine à perpétuer une présence corporelle qui, d'une ancienne chair, ne retient plus guère que l'épure. Et pourtant, parce qu'elles se dressent, nous les recevons comme une adresse : de taille anthropomorphe, elles intiment à cet autre corps, celui, palpitant et sensoriel qui les rencontre, de prendre la mesure de leur statut ontologique. S'il est vrai que la faculté de se tenir dressé signale intuitivement la présence d'un vivant évolué, leur structure, répondant à une organisation géométrique rigoureuse, signale quelque chose comme la création d'un être adapté à un milieu.

hacune de ces formes semble ainsi exprimer une fonctionnalité potentielle : il en va d'un processus d'autodéfense contre une agression extérieure. Tout comme la coquille, la carapace ou le plastron, protégeant les tissus mous qu'ils enserrent, ces formes-ci, de nature indéfinissable, déclinent à leur tour divers rapports de préservation face à l'adversité : camouflage optique, enveloppe protectrice ou bords acérés. Cependant, la matérialité des oeuvres que présente Floryan Varennes à la Maison des métiers du cuir infléchit insensiblement l'approche initiale. Ainsi qu'il est d'usage chez l'artiste, le registre des matières et des techniques des cinq séries de sculptures et d'installation, allie à l'organicité du cuir les derniers développements tech- no-scientifiques. Plutôt que de mues, nous serions alors en présence d'exosquelettes, résultant d'une évolution qui ne serait pas tant créative qu'elle est technique.

vec Violence Vitale, Floryan Varennes prolonge son exploration incantatoire d'un corps appareillé. Augmenté ou entravé, celui-ci est caractérisé en veillant à ne jamais le représenter au moyen d'un procédé de suggestion métonymique, jouant la parure pour le tout. À partir d'une érudition académique foisonnante mâtinée d'imaginaires ésotériques et science-fictionnels, l'artiste cristallise certains motifs, tropes visuels ou narratifs récurrents. Or s'il est question d'un techno-corps, c'est aussi, plus largement, au sens où n'importe quel organisme, dès lors qu'il est jeté dans le flux de l'évolution, qu'il doit tenir ensemble la croissance et la déperdition, la réparation et l'agression, négociant des dosages entre l'un et l'autre ; et ce, suivant la définition du conatus, conceptclé de L'Éthique8 du philosophe Baruch Spinoza, afin de « persévérer dans son être », et conserver voire augmenter sa « puissance d'exister ».

epuis ses premiers travaux d'envergure entrepris à partir de 2018, l'artiste place à la source de sa réflexion et de ses motifs deux registres chronologiques entrelacés : d'un côté, le Moyen Âge, ses rapports de pouvoir liés au corps et ses formes de vie, de pensée et d'art en tant qu'elles pallient la brutalité sociale croissante, ainsi que l'historien Johan Huizinga en fera l'hypothèse dans L'Automne du Moyen Âge9 ; et de l'autre, les futurs spéculatifs, tels que diffractés dans l'imaginaire populaire par les productions culturelles existantes, récits et images. De la sorte, l'anthropotechnie, entendue comme la transformation de l'être humain par le biais de pratiques et de modifications corporelles, se décolle de son acception habituelle, entachée d'utopisme triomphant, afin de désigner une caractéristique de l'humain – et quelque chose comme sa présence même.

Par ce biais, l'artiste donne forme à l'une de ses principales préoccupations : se décoller des essentialismes et binarismes de la modernité occidentale, ceux qui tiennent artificiellement séparés la nature et la culture, les genres, mais aussi, et telle sera l'approche spécifique des recherches entreprises dans le cadre de Violence Vitale, les savoirs institués et les savoirs populaires, héréditaires, oraux et communaux. L'exposition entérine un tournant par rapport aux précédentes séries, oeuvres et expositions de l'artiste, élargissant l'approche du corps individuel paré au corps social dans son ensemble. Plus particulièrement, il s'agit avec cette exposition de réfléchir au soin et à la guérison, inséparables de leurs états gémellaires de la violence et de la guerre. Son titre s'y rapporte alors, avancé sous les auspices d'un oxymore et d'une possible résolution par des rapports de protections déclinés sous autant de formes sensibles, et de la mise en suspension d'états contraires. 

En prenant pour assise théorique son intérêt pour la médecine médiévale, dont il dit explorer la « dimension curative antinomique », Floryan Varennes décline un parcours scénographique conçu comme un arc narratif somptueux et somptuaire. Celui-ci embrasse et relie, par une mise en lumière ciselée, les cinq parties de la proposition. Violence Vitale s'ouvre sur une première salle rythmée par une série de onze étendards en faux cuir. Évidés et tramés de manière à décliner un filet géométrique en damier, leur revêtement iridescent les dématérialise en les animant de reflets perle, bleutés, turquoise et rosés. Reprenant une pièce plus ancienne, Codex Novem, leur précédente présentation suspendue cède désormais la place à une chute en cascade. Ces bannières abandonnées, qui signalent d'ordinaire les appartenances de chacun, ainsi que l'exaltation des rapports de force belliqueux, indiquent déjà l'entrée dans un autre registre. Sursum Corda, « haut les coeurs » en latin, donne à l'impression initiale, celui d'une splendeur déchue et d'une acmé déjà dépassée, un prolongement plus ambigu, où la chute luit en même temps faiblement des prémisses d'un nouvel horizon. 

Lorsque la clameur de la bataille s'estompe, et que l'ancienne splendeur se meurt, alors il faut panser et pallier, rapiécer et régénérer. S'ouvre le temps long, laborieux et ductile, de la réparation, et avec lui, celui des techniques du soin. Autour du corps meurtri, ces savoirs communautaires viendront reconstituer une armure artificielle. Suspendues à la verticale, sept civières en cuir blanc pelliculé d'un traitement antibactérien irradient depuis un même centre de gravité placé à une hauteur de trois mètres. Hildegarde, le nom de l'installation, fait référence à la femme de lettres et guérisseuse Hildegarde de Bingen, célébrée pour ses livres préfigurant les découvertes à venir sur la circulation du sang et le système nerveux. Un réseau de nervures parcourt la surface des pièces qui s'enfle par endroits à la manière d'un tissu musculaire irrigué d'un fluide vital, tout en demeurant retenues à d'autres points par un système de rivets métalliques.

atelassées et destinées à accueillir un corps de manière douce, chacune de ces civières est cependant dénuée d'occupants. Transposant la panacée du Moyen Âge à l'ère cyber-futuriste des medical pods [lits médicaux destinés à régénérer les corps], l'installation semble elle-même palpiter d'une vie organique ou de ses possibles prémisses. Un autre registre s'y superpose cependant : les civières sont frappées de leur titre, épelé à la manière d'un logo d'une grande firme, indiquant le possible dépassement de l'actuelle privatisation par brevets du soin par les industries capitalistes, ses techniques et ses appareillages. En cela, l'artiste vient opposer une contre-narration au récit qu'expose la philosophe Silvia Federici dans Caliban et la sorcière10, où celle-ci décrit l'avènement inexorable d'un mode de production fondé sur l'extractivisme et l'accumulation des richesses succédant à l'ancien féodalisme du Moyen Âge. 

De ce phénomène, Graal Theory, un plus petit dispositif élaboré à partir d'instruments médicaux, en cuir bleu et en caoutchouc dentelé, marque une seconde déclinaison. Semblable à une cage de torture et suspendu par une chaîne, il reprend la circularité des civières tout en tournant sur lui-même lorsqu'il est actionné. Par ce contenant, le soin futuriste renoue avec sa part antérieure de sacré : s'il tourne, c'est qu'il accueille les voeux. En un sens, la pièce éclipse le sort moderne de la médecine, projet politique dénaturant l'attention partagée au vivant par ses systèmes effets délétères sur les corps et les consciences. En cela, elle vient contrer le projet de dressage historique et ses avatars modernes biopolitiques, tel que le décrit le philosophe Michel Foucault au fil de plusieurs ouvrages, notamment au sein de la Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical11.

Une prochaine salle, et la série qu'elle accueille, module à son tour le spectre totalisant du projet moderne au profit de possibles contre-usages alternatifs. Avec les trois cibles étoilées suspendues en cuir verni mate- lassé de N.K. (Morgenstern) 1.1, l'ambiguïté d'un être organique autonome ressurgit en fin de parcours. En cuir verni matelassé et riveté, de teinte rouge sang caillé pour les deux premières, et d'un bleu de ces nuits que l'on dit d'encre pour la troisième, les pièces fusionnent les champs de référence à une arme militaire médiévale (l'arme blanche « morgenstern », pour « étoile du matin ») et à la cellule anticorps (les cellules « natural killer » ou « N.K. », ces « tueuses naturelles » du système immunitaire capables de vaincre les cellules infectées), tout en les agrandissant à une échelle qui, en cela, les dote d'une existence ambiguë, rayonnante et proliférante. En cela, les systèmes de protection, techniques et biologiques, fabriqués et innés, fusionnent jusqu'à créer de la sorte un nouvel organisme, à la monumentalité paradoxale.

n long couloir mène jusqu'à l'ultime salle qui, à l'instar de la première, recontextualise un registre d'oeuvres plus anciennes, La Meute, afin d'en rénover l'appréhension. L'Assemblée se compose de neuf nouvelles itérations des « muselières », emblématiques du travail de l'artiste. Articulées à la manière d'une armure et partiellement repliées sur elles-mêmes de manière à esquisser un renflement, et un cocon, celles-ci s'inscrivent dans les précédentes recherches entreprises autour de la parure. Translucides et luisant d'un éclat bleuté, leurs membranes sibyllines en pvc médical sont lardées d'attaches, de rivets, d'anneaux et de clochettes en inox, tandis que leur forme reprend de manière indicielle les éléments formels d'une armure médiévale, spalières et jambières, ici détachées d'un rapport explicite au corps individuel pour faire fusionner la chair absente et son appareillage.

'une nature ambiguë, la série met en tension une transparence fluide et aqueuse avec la résistance de la matière et de la gravité, ces rivets et attaches qui travaillent les structures comme leur envers contraignant. Il en va, plus fondamentalement, d'une antinomie qui infuse les recherches et la production de Floryan Varennes, où la séduction naît de la violence, la guérison de la guerre et le remède du poison. Parsemant l'étendue de la salle qui accueille les pièces, un champ de chardons, choisis pour leurs propriétés phytothérapeutiques, plantés au sol, accentue la présence du naturel au sein de la proposition. L'Assemblée vient ménager un point d'orgue à un cheminement tout entier régi par la suspension formelle des oeuvres, tout en ouvrant un fragile moment de concordance entre le corps et son appareillage, le technique et le chimique, l'apparition et la disparition.

Sans gommer les tensions ni la lutte vitale, la série ménage néanmoins, par son aspect plus directement technologique et cyberfictionnel, un possible élément de résolution. Il en va d'une évolution technique postulée comme réversible, ni bonne ni mauvaise, dont le cours peut être infléchi, à condition que les corps meurtris, ou vulnérables, s'en saisissent ensemble et s'en arment à leur tour. En reconnectant les imaginaires à l'histoire, et plus précisément au Moyen Âge tardif, que l'artiste définit comme une période permettant de faire l'histoire des marges, la croyance aux usages alternatifs des ressources techniques ressurgit. Leurs représentations désirantes, et leurs formes électives, elles, sont encore à faire advenir, en ouvrant le spectre des possibles pour l'amener vers une polysémie résiliente. Si le philosophe Bernard Stiegler, à la suite de Jacques Derrida, attirait l'attention sur le fait que « tout objet technique est pharmacologique » (Ars Industrialis12), à la fois poison et remède, c'est en ce sens : la puissance destructrice contient une puissance curative, et toute technique, originairement, est irréductiblement ambivalente.

À l'encontre d'un dépassement du corps par la technologie, Floryan Varennes avance qu'un usage alternatif des moyens techniques est possible. Son parti pris est celui d'une attention aux espaces de friction, ceux qui accueillent les corps vulnérables et ouvrent l'intervalle du soin, de la réparation et de la régénération. L'artiste nous en livre, plutôt qu'une illustration figée, autant de possibles incarnations palpitant d'une vie encore contenue.

INGRID LUQUET-GAD
Philosophe & critique d'art

Extrait du catalogue Violence Vitale
Semaine #446, 2021.
https://www.immediats.fr/semaine-24-21-no-446-floryan-varennes-violence-vitale-restitution-de-la-residence-artistes-en-entreprises-ministere-de-la-culture/











Post-Prophylaxie

Les sculptures et installations d'une remarquable perfection formelle de Floryan Varennes, dégagent en tant que corpus, une étrange joute entre fascination et répulsion, absence de corps et présence physique imposante de part la préciosité de leur matériaux, leur mode d'accrochage et les symboles qu'elles convoquent. Mettant souvent en scène des armes de combats, des outils chirurgicaux ou encore du matériel de répression coercitif, ses oeuvres s'engagent pleinement dans une représentation subjective de la violence. Non pour la dénoncer explicitement, mais d'avantage pour penser son intégration dans le corps comme discipline de vie, une manière d'apprendre à vivre avec pour mieux s'en défendre ou construire à partir des souffrances qu'elle cause physiquement ou psychologiquement. C'est ainsi qu'armures, boucliers côtoient scalpels, muselières, mais aussi lavande, minerve, tissus et autres matières douces, apparaissant comme pour apaiser et contre-carrer les supplices évoqués par les hérissements froids et métalliques de bon nombres de ses créations. Celles-ci figureraient alors une sorte de self-healing (auto-guérison) qui pourrait, somme toute, devenir la condition existentielle de l'être vivant contemporain, soumis aux plus perfides brutalités, celles qui ne font pas de bruits, qui ne disent pas leur nom, n'étant le fait de personne : une oppression flottante et durable sans origine notable.

La transparence à l'oeuvre dans les créations de Floryan Varennes pourrait ainsi signifier cette violence diaphane désincarnée, que subissent paradoxalement tous les corps d'aujourd'hui en régime post-démocratique. Si la guerre n'est plus celle frontale du Moyen Age, - dans lequel l'artiste puisse une importante somme de références théoriques, historiques et symboliques - elle est bien présente au travers de l'usage quotidien de nos récents dispositifs médiatiques, outils technologiques de communication, du travail déshumanisé, et des relations humaines / animales / végétales éclatées. Mais comment dès lors donner une forme, une présence à cette violence? Peut-être en la traitant par l'inverse, à savoir la notion de care notamment lorsqu'il compose par le biais d'accessoires thérapeutiques bien connu pour servir, tant bien que mal, à faire triompher la vie.

Le soin étant justement ce vers quoi l'artiste s'oriente dernièrement, surtout suite à une récente expérience de résidence en milieu hospitalier, d'où ressort la vulnérabilité des corps et des choses, comme en atteste son usage récurant du verre, de lavande, de textile... Mais s'il a recourt au care, cette notion si dévoyée de nos jours, il ne s'agit pas ici de nier ou d'étouffer le mal, sans lequel il n'y aurait pas lieu de prendre soin. Floryan Varennes préfère souligner dans ses modalités de représentation que violence et « prendre soin » demeure les deux faces d'une même réalité. Ses recherches se situent généralement entre deux concepts et laissent jouer cet entre-deux au sein de ses oeuvres. Entre Médiévalisme revisité et style rétrofuturiste, sexualité désinhibée et sacralité, on assiste chez Floryan Varennes à une Fantasy Queer évoquant une temporalité suspendue où la place de la violence, de l'amour, et la manière dont ces deux termes se rencontrent à la surface comme à l'intérieur des corps, restent encore à négocier.

Benoit Lamy de la Chapelle
Directeur du centre d'Art - La Synagogue de Delmes









Et les hérauts de l'histoire furent soumis à la question...

A contre-courant du matérialisme contemporain, Floryan Varennes travaille le corps, ses représentations et ses extensions, sans le montrer, sensible à ce qui le constitue sans pour autant l'incarner. Le corps comme phénomène apparaît dans son oeuvre comme un conglomérat symbolique (psychologique, politique, métaphysique) dont la complexité le dispose à une extraordinaire plasticité. Pour mieux libérer son potentiel de métamorphose, il façonne des sculptures, des installations et des objets hybrides qui subvertissent les systèmes référentiels, qu'il s'agisse des conventions vestimentaires, des codes de couleurs, des identités de genre, des autorités sociales ou des normes médicales. Son geste de déconstruction consiste ainsi à tordre l'histoire, à déjouer les processus d'identification et à réinterpréter les archétypes pour interroger ce corps-surface ici creusé, disséqué, déployé à partir de ses vides qui en renforcent paradoxalement la présence. Minimalistes dans leurs compositions, cliniques dans leurs présentations, ses oeuvres font reposer leur raffinement formel sur une solide assise conceptuelle. Floryan Varennes condense en effet en chacune d'elle les résultats de ses foisonnantes recherches, qui empruntent autant à l'histoire médiévale, à la psychanalyse, à la philosophie ou à la sociologie de la mode, qu'à la médecine et aux études sur le genre. Leurs titres savants, parfois sibyllins, trahissent une érudition livrée ici sans autorité et qui résonne dans chacun des signes logés au creux de ces corps absents.

Le corps en défaut, c'est aussi celui de l'artiste en production qui s'astreint à une discipline rigoureuse, quasi monacale. Patiemment, scrupuleusement, il enfile des perles, les brode, épingle des milliers d'aiguilles et assemble des carrés d'étoffe, faisant l'expérience d'une répétition rituelle, relevant à la fois du soin chirurgical et de l'ascèse religieuse. Les mondes du médical et du sacré constituent d'ailleurs deux univers de référence que Floryan Varennes hybride constamment. Leur mise en tension renvoie dos-à-dos deux visions du corps qui se partagent son potentiel symbolique : d'un côté, celle de la science qui réifie le corps en le rationalisant, de l'autre, celle de la religion qui le discipline en le sacralisant.

Son positionnement médiévaliste1 correspond au besoin de réactiver l'imaginaire d'un corps idéalisé qui manque à l'inconscient collectif contemporain. Plutôt que d'y voir un contre-modèle à la modernité, Floryan Varennes réévalue la pensée du Moyen-Âge et, à travers elle, la dette contractée par notre époque à son égard. L'étude des manuscrits, tapisseries, sculptures, bas-reliefs et peintures du Moyen-Âge l'ont ainsi très vite conduit à reconsidérer l'idée d'une condamnation unanime de la vie charnelle pour découvrir une époque où la médecine dialoguait avec l'alchimie, où l'homosexualité n'était pas toujours réprouvée et l'androgynie élevée au rang d'idéal. La lecture des philosophes chrétiens médiévaux (Saint-Augustin, Hildegarde de Bingen, Thomas d'Aquin) et celle d'historiens contemporains (Jacques Le Goff, Régine Pernoud, Michel Pastoureau, Georges Duby) lui a ainsi inspiré une vision duelle, plutôt que dualiste du corps, réconciliant idéal ascétique et idée de concupiscence. Cette façon de se tenir entre deux, caractérise bien sa pensée, celle de rendre agissantes les dichotomies, de jeter des ponts significatifs entre le sacré et le profane, le masculin et le féminin, l'amour et la guerre, le plaisir et la douleur.

Si la culture médiévale a véhiculé de nombreux archétypes, elle s'est aussi façonnée ses propres symboles. Fervent lecteur des nombreuses thèses que Michel Pastoureau a consacrées à l'héraldique médiévale, Floryan Varennes parachève son investigation du champ symbolique en ramenant les codes culturels au niveau du signe plastique. Les motifs géométriques ne sont donc jamais seulement employés pour leurs qualités compositionnelles, mais également pour leur force de signification. Ainsi en va-t-il du losange (découpé dans des foulards, brodé sur des pantalons, creusé dans les étendards, dessinés par les contours sur les cols de veste) qui symbolise un trait d'union, qu'il s'agisse d'une porte entre la terre et les cieux, ou de la vulve qui permet le passage entre l'intériorité utérine et le monde extérieur. De même, la grille n'est pas seulement un moyen de prolonger l'appel au vide des peintres abstraits, elle renvoie, comme le propose Rosalind Krauss2, à un espace infini, divin, sacré, qui se prête à des projections spiritualistes.

Avec la notion de parure, Floryan Varennes trouve un champ conceptuel où faire converger les langages de trois lieux de représentation : le social, le martial et le médical. Partageant leur étymologie, la « parure », expression du jeu de rôle social, a ici trait à la « parade » militaire, moyen d'afficher les attributs de pouvoir3, comme à « l'appareillage » thérapeutique, ou l'ensemble des dispositifs médicaux qui assistent et prolongent le corps. Par la synthèse des moyens de parer le corps, Floryan Varennes opère une révision de leurs imaginaires et les interroge sous un nouveau jour. Le brouillage entre ces trois catégories sémantiques a priori peu propices à comparaison (la société, la guerre, la médecine) permet en effet à Floryan Varennes d'opérer des rapprochements extrêmement significatifs, porteuses de questions bien concrètes, notamment sur l'idée du soin comme acte guerrier, combat et moyen de torture. Les parures confectionnées par Floryan Varennes réagencent donc leurs systèmes de valeurs habituels en procédant par inversion, notamment en sacralisant ce qui normalement relève du profane. L'esthétique hiératique qu'il développe se traduit dans la solennité de leur mise en espace et le choix d'un code chromatique en noir et blanc. Présentées sur des socles immaculés, accrochées au mur ou suspendues, ses oeuvres sont également sacralisées par le travail de la lumière qui les auréole et accentue leur brillance, jusqu'à les apparenter à des reliques ou à des ex-voto. Le tour de force de l'artiste consiste cependant à contrebalancer cet appel à la transcendance par l'introduction d'éléments triviaux qui en troublent la lecture immédiate. Il en va au fond des oeuvres de Floryan Varennes comme des deux corps du roi décrits par Ernst Kantorowicz4 : partagées entre une dimension sacrée et une autre profane, elles plongent le spectateur dans un état d'hésitation permanent qui contrarient ses réflexes interprétatifs.

Le corps que Floryan Varennes cherche à saisir et à rendre est en effet une entité aussi concrète, qui vit et éprouve la vie, que spirituelle, qui trouve dans l'éthique courtoise le moyen de se codifier. Indexé sur les codes et usages de la cour, le paradigme de l'amour courtois, ou bien plutôt du fin'amor5, décrit la façon dont les chevaliers s'éduquaient aux plaisirs sensuels par la maîtrise de leurs pulsions, par ailleurs potentiellement homosexuelles6. Georges Duby a ainsi montré combien les rites de séduction, étayés sur les pratiques courtisanes, étaient régis par un ensemble de règles qui visent à domestiquer les débordements du désir. L'attente, la chasteté, le goût des épreuves et de la mesure mettaient ainsi en oeuvre un jeu mondain de façon à élever le corps à un certain degré d'abstraction, qui le rapproche du corps aseptisé dans les représentations médicales. Floryan Varennes appuie cette comparaison voyant dans la mise à distance clinique du corps un moyen de l'idéaliser. Il applique par ailleurs cette discipline courtoise à son processus créatif. Par le maniérisme et la répétition du geste, il rejoue en effet le difficile parcours du chevalier courtois et traduit la sophistication de sa stratégie amoureuse par le raffinement formel des pièces.

Le désir dans l'amour courtois ne se rapporte pas exclusivement au plaisir. La frustration, la distance, le silence et les obstacles à franchir qu'il engage sont les causes de maux qui tourmentent l'amant, et qui doivent être vécus comme tels. Réunies sous l'expression de la Delectatio Morosa (de delectatio : le plaisir, l'amusement, et de moror : retarder, suspendre), ces souffrances représentent les frustrations que le désir rencontre dans l'expérience de l'attente, de l'absence et de l'incertitude de la réussite du projet amoureux. Cette problématique morale, qui éclot dans la théologie du XIIème siècle, rejoint une autre idée forte, celle de la « torture courtoise7 », dont la pratique vise non pas tellement la douleur physique mais bien plutôt un mal psychologique, qui ne porte pas atteinte à l'intégrité du corps. Le thème des douleurs de l'esprit est ici le point de départ d'une réflexion plus générale sur l'ambivalence des affects, et le refus d'un partage binaire entre plaisir et peine. Cette pensée se concrétise dans la production d'objets duplices, qui mêlent le vocabulaire de la guerre et du champ médical pour mieux réévaluer la distinction entre blessure et soin. La sublimation des tortures, blessures de guerre, tourments amoureux et souffrances pathologiques permet alors d'en prendre la mesure sans se laisser affliger. L'opération sublimatoire s'incarne ici dans le façonnement d'une esthétique duelle qui transforme le dégoût et l'aversion en jouissance esthétique. L'utilisation d'aiguilles, du cuir ou d'instruments chirurgicaux associe ainsi leur aspect rutilant et séducteur à l'agressivité de leurs usages. Face à ces oeuvres, le public est comme tenu en étau entre les souffrances auxquelles elles se réfèrent et la fascination qu'elles suscitent malgré tout.

La vaste entreprise de réforme héraldique opérée par Floryan Varennes aboutit in fine à l'élaboration d'un singulier systèmes de signes, agissant comme une infinie réserve herméneutique. Au spectateur alors de suivre le parcours symbolique que l'artiste trace au sein de ces mondes uchroniques, sans hiérarchie, ni ordre, où le contemporain se médiévalise, où le sacré devient profane, où le féminin et le masculin s'indifférencient. Le corps qui brille littéralement par son absence trouve ici dans ces écrins le minimum plastique par lequel il peut se révéler. A l'articulation entre transhistoricité, transidentité et transfixion8, son oeuvre opère de sagaces transitions formelles et conceptuelles pour mieux parer les imaginaires du corps avec les attributs de l'esprit. Soumis à la question, tordant les certitudes du discours historique, ces hérauts d'un nouveau genre finissent alors par constituer les termes d'un manifeste engagé et résolu, édifiant un nouvel idéalisme.

Florian Gaité
Septembre 2018
Alter-Héraut / CAC Istres



1 Le médiévalisme se définit par l'ensemble des références culturelles, sociales, politiques et artistiques du Moyen Âge, allant du XIXe siècle au monde contemporain.
2 Cf L'Originalité de l'Avant-garde et autres mythes modernistes (Paris, Macula, 1993).
3 La « parade » affiche en ce sens un caractère polysémique qui unit tous ces univers de référence : défilé militaire, manifestation culturelle ou chorégraphie amoureuse, elle désigne aussi le jeu de rôle social, notamment dans les travaux du sociologue Erving Goffman.
4 Cf Les Deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge (1957).
5 L'expression « amour courtois » a été forgée par Gaston Paris, historien de la poésie médiévale, en 1883.
6 On peut penser ici à l'ambiguïté du baiser sur la bouche entre chevaliers, pratique commune du Moyen-Âge.
7 Cf Faustine Harang, La Torture au Moyen-Âge (2017) 8 Le fait de traverser les chairs en vue d'amputer.


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