Yannick PAPAILHAU 

Le travail de Yannick Papailhau peut prêter à confusion. Là où l'on pourrait voir des préoccupations scientifiques et de l'utopie, se trouve en réalité de l'imaginaire et de la dérision. Et le joyeux bordel de ses dessins, sculptures et installations est plus sombre et inquiet qu'il n'y parait. Dans une courte série de dessins récents (2011), des portraits sont associés à des squelettes, crânes, parties d'anatomie. Sans être univoque, une inhabituelle tonalité morbide apparaît ici, qui n'y était pas auparavant, chez Yannick Papailhau. Mais à bien y réfléchir, la notion de vanité, de vacuité ou du moins de fragilité des choses, était déjà présente dans bon nombre de ses pièces. Les "projets improbables de lancement" censés permettre l'envoi de modules dans "un espace à déterminer, déterminé ou indéterminé" et finissant généralement par se casser la gueule. Les plans d'architectures complexes destinés à rester à l'état de projets irréalisables. Les machines fragiles et dérisoires comme la pièce "L-DOPA" : une boite en bois contenant une petite hélice, visible à travers une vitre en Plexiglas, reliée à une mini poulie la faisant tourner sur elle même, en un lent mouvement mal assuré et branlant.
Mouvement qui renvoie, par antinomie, à la molécule nommée "L-DOPA" (substance notamment utilisée comme médicament dans le traitement de la maladie de Parkinson "en augmentant, au prix
d'une dépression due à la baisse du taux de sérotonine, le taux de dopamine." (source Wikipédia)). Devant les oeuvres de Yannick Papailhau, on a le sentiment d'une recherche à vide, où les projets ne mènent nulle part, où les machines sont sans fonction claire et les objets, sans objet. Bien que ses réalisations soient dépourvues d'utilité apparente, Yannick Papailhau, tel MacGyver, fait flèche de tout bois. De même, tout semble être un sujet pour lui. Les oeuvres paraissent procéder par rajouts successifs et par digressions. Ce qui génère des histoires dans les histoires, certaines arrivant comme des cheveux sur la soupe. Je me rappelle avoir lue, lors d'une exposition à Marseille, en 2007, au beau milieu d'un dessin, cette note : "Téléphoner à Robert", suivie d'un numéro. L'oeuvre représentait essentiellement, sous la forme du dessin technique, une architecture assez compliquée et nébuleuse. La note hors sujet, normalement cachée, reléguée à la marge, était là, sans complexe, ni discrète, ni ostentatoire, placée dans l'oeuvre. Comme on écrit sur un bout de papier déjà utilisé, à défaut de feuille vierge. Le détail qui tue mais qui devient, à son tour, aussi insignifiant et incongru soit-il, le départ potentiel d'une nouvelle fiction. Les oeuvres de Yannick Papailhau semblent suivre le rythme d'une pensée en mouvement, ne s'interdisant aucun repentir, déguisement, bluff. Chaque production est le fruit d'une agglomération d'informations venant s'enrichir ou s'atténuer, voire se contredire les unes les autres. Elles sont autant de bifurcations, de remises en question qui nous perdent, brouillent les pistes. Dans plusieurs séries de dessins, les couleurs joyeuses dont ils sont bariolés allègent le pathos des corps présentés comme des mécanismes contrariés. Ailleurs, la simple présence de personnages caricaturaux et grotesques tourne gentiment en dérision l'esthétique et l'apparent sérieux du dessin technique et des plans d'architectures complexes. L'architecture, l'anatomie, l'astronomie, la science de manière générale, sont des sujets qui n'intéressent pas spécialement Yannick Papailhau. Ils apparaissent pourtant comme les thèmes récurrents de ses oeuvres mais sont autant de fausses pistes pour le spectateur qui les considérerait ici comme une fin. Ce sont en réalité des prétextes pour relater une pensée en quête de sens et n'obtenant pas franchement gain de cause. Une pensée en proie au doute et à la perplexité. Les dessins et volumes de Yannick Papailhau évoquent des résultats incompréhensibles d'opérations et de recherches inconnues. Des inventions dont on ne connaîtrait pas les applications. Ce sont des plans et des machines dont l'usage nous échappe. S'en dégage une poésie du bricolage, du bidouillage empirique et nébuleux, de l'instabilité, du bancal.

Alexandre Gérard


Ne répondant à aucune volonté programmatique, les oeuvres de Yannick Papailhau semblent au contraire revendiquer avec force leur dimension résolument empirique. Alliant au plaisir de la
construction, celui du tripotage, de la mécanique et de la bizarrerie, ses sculptures, autant que ses dessins, ont renoncé à toute forme de fascination technologique. C'est que l'artiste s'intéresse plus au fonctionnement des machines célibataires qu'à l'efficacité de la production mécanique. L'artiste élabore à tâtons une poétique du bancal à la fois drôle et sensible.

Guillaume Mansart

champs de références


- Le voyage aux pays de la quatrième dimension (Gaston de Pawlowsky)
- Pays des neiges (Yasunary Kawabata)
- Le petit prince (Antoine de Saint-Exupéry)
- La métamorphose (Franz Kafka)
- Notes Marcel Duchamp
- L'univers dans une coquille de noix (Stephen hawking)
- l'astronomie(comprendre l'univers...) Michel Marcelin
- Guide du dessinateur industriel (André Chevalier)
- Van Gogh ou le suicidé de la société (Antonin Arthaud)
- Orphée (Jean Cocteau)
- Andrei Roublev (Andrei Tarkovski)
- L'homme à la caméra (Dziga Vertov)
- Conversation sur l'invisible (Jean Audouze, Michel Cassé, Jean Claude Carrière)
- L'encyclopédie du bricolage
- Le manuel de l'automobile
-(...)