Dominique ANGEL 

Mon ambition artistique

La recherche d'un hypothétique bonheur fonde la conscience artistique de nos sociétés. De la distraction à l'activité purement utilitaire, de la soumission au libre arbitre, du bon sauvage à la barbarie humanitaire, de l'art pour chacun au tout est art, de la figuration à l'abstraction, de Dieu pour tous à chacun pour soi, de l'homme à la femme, de l'individu à la société, de la vie à la mort, du temps passé au temps présent, je mets dans mon oeuvre autant de grandes causes que de petits plaisirs. Ils stabilisent mon ego et font pencher en ma faveur le fléau de la justice aveugle. Mon ambition artistique est de ne rien laisser au hasard. Mais je m'y prends souvent comme un manche : l'entreprise est aussi malaisée que de vouloir peindre un pet.

Mon projet artistique

Les divers aspects de mon activité artistique sont les fragments d'une oeuvre unique à laquelle je travaille dorénavant. Le titre, Pièces supplémentaires, déborde le projet qu'il annonce.
J'utilise divers moyens d'expressions. La nature de l'art contemporain commande de faire ainsi. Je n'y peux rien.

Mon projet se décompose en cinq parties :
1- Des sculptures de grandes dimensions, conçues comme une sorte de déménagement en catastrophe au cours duquel on s'exercerait à quelques arrangements esthétiques pour laisser croire que tout va bien. Une vidéo une photographie et une installation évoquant les limites de ce principe complètent généralement le dispositif. ( Je ne peux pas croire que mes oeuvres puissent retourner au chaos dès que j'ai le dos tourné ! ).

2- Une installation que je considère être une composition d'atelier, un témoignage, un camp retranché que je recompose chaque fois qu'il est nécessaire avec des apports de sculptures nouvelles et anciennes, des objets, des plantes et toutes sortes de déballages ainsi qu'avec des interventions sonores et vidéographiques. Mon atelier pour l'instant est à l'image du monde. C'est une fabrique d'accessoires gérée par l'esthétique rigoureuse du bazar. Je suis un artiste de mon temps : la nature morte devient l'unique sujet de l'art.

3- Un travail photographique. Il y a là des images de sculptures que je n'oserais jamais faire. Ce sont des sculptures qui n'existent pas. Quelle différence cela fait-il avec la grande majorité des oeuvres d'art dont chacun de nous n'aura, au bout du compte, jamais vu que la reproduction photographique ?

4- Une pièce de théâtre, une suite de textes sur l'art, de poèmes, de nouvelles et de romans, dont trois ont été déjà publiés à l'occasion de certaines de mes expositions : La beauté moderne, éd. vidéochroniques/Musée d'art contemporain de Nice, Petites farces de la vie quotidienne, éd. Actes Sud, La brosse à cheveux et le mexicain, éd. Musée de Belfort, Le 19, C.R.A.C. et le C.A.P. de Montbéliard accompagneront l'ensemble de mes recherches.

5- Ma production vidéo avec laquelle je me suis évertué jusqu'à présent à prouver que : a) Le vent de l'Histoire est composé surtout de courants d'air, b) qu'il poussera des poils aux statues le jour où les poules auront des dents, c) et qu'enfin la tâche de l'artiste contemporain consiste à devoir absolument réussir quelque chose dans un monde raté, a pour objectif maintenant d'affirmer le contraire de ce qu'elle a montré jusqu'à présent.

Mon projet consiste donc à rassembler ces divers éléments en une oeuvre unique. On comprendra mieux mon entêtement à vouloir nommer chacun d'eux Pièce Supplémentaire, sans autre distinction que leur qualité respective.
En ce qui concerne la théorie de cette entreprise, elle s'organise comme partie constituante de mon travail plastique, autour d'un ouvrage littéraire qui s'intitule Conditions relatives à la réalisation de quelques unes de mes oeuvres. J'y décris minutieusement avant qu'elles ne soient réalisées chacune des séries de pièces qui participent des diverses orientations de mon travail. Puis je montre, photos, anecdotes, et autres informations à l'appui qu'avec un même concept, un même système de représentation on peut élaborer des oeuvres diamétralement opposées.
J'envisage d'utiliser l'ordinateur et la technique de ramification de l'hyper-texte pour trouver le développement nécessaire au rapport mot / titre / texte / image etc., puis de rassembler cette étape de mon travail sur un CD-ROM qui trouvera sa place dans une installation finale ou sera confronté la réalité des pièces avec la fiction que représentera cette synthèse.

Dominique Angel

My artistic ambition

The quest for a hypothetical happiness founds the artistic consciencs of our societies. From distraction to purely useful activity, from submission to free will, from the good savage to humanitarian barbarism, from art for everybody to all is art, from figuration to abstraction, from God for all to every man for himself, from man to woman, from the individual to society, from life to death, from time past to time present, I put as many grand causes into my work as I do simple pleasures. They stabilize my ego and cause the scourge of bind justice to lean in my favor. My artistic ambition is to leave nothing to chance. But, I often make a real mess of things: the undertaking is as difficult as wanting to paint a fart.


My artistic project

The various aspects of my artistic activity are the fragments of one sole oeuvre on which I work from now on. The title, "supplementary pieces", overspills the project it announces. I use various means of expression. The nature of contemporary art orders me to do so. It's beyond my control.

My project can be broken down into 5 parts :
1- Large-scale sculptures, conceived as a kind of spur-of-the-moment moving out during which one might attempt some esthetic arrangements in order to convince oneself that everything's alright. A video, a photograph, and an installation suggesting the limits of this principle usually complement the central mechanism. ( I cannot believe that my works will return to chaos once I turn my back! ).

2- An installation that I consider to be a studio composition, an eyewitness account, a fortified camp that I recompose whenever the need calls, adding new and old scylptures, objects, plants, and all kinds of loose goods as well as video and sound interventions. For the moment, my studio is in the image of the world. It is a factory of accessories managed by the rigorous esthetic of the bazar. I am an artist of my time: the still life becomes the sole subject of art.

3- Photographic work. These contain images of sculptures I would never dare to make. They are sculptures that don't exist. What's the difference with regards to the great majority of artworks that most of us know, in the end, only through photographic reproductions ?

4- A theater work, a series of texts about art, poems, short stories and novels, three of which have already been published on the occasion of some of my exhibitions: La beauté moderne, éditions vidéochroniques/Musée d'art contemporain de Nice, Petites farces de la vie quotidienne, éditions Actes Sud, La brosse à cheveux et le mexicain, éditions Musée de Belfort, Le 19, C.R.A.C. and the C.A.P. of Montbéliard will accompany the ensemble of my research.

5- My video production I have worked so hard on up to now has proven: a) that the wind of history is composed of hot air b) that statues will sprout hair when hens grow teeth c) and finally that the contemporary artist's task consists in absolutely succeeding at something in a messed up world. Its current objective is now to affirm the contrary of what it had proven up to now.

My project thus consists in gathering these various elements into one sole work.
One will better understand my stubborness in wanting to name each one of them "Supplementary piece", without any other distinction save for their respective quality. As far as the theory of this enterprise is concerned, it is organized like a constituent part of my artwork, around a literary work entitled Conditions relative to the realization of some of my works. In it, I describe in minute detail each of the series of artworks which accompany the various orientations in my work, before they are realized. I then show photos, anecdotes, and other information, to demonstrate that one can, using the same concept, the same system of representation, elaborate diametrically opposed works.
I envision using the computer and the ramification technique of hypertext to find the development necessary to the relation between word / title / text / image etc., then to gather this step of my work onto a CD-ROM which will find its place in an installation where the reality of the works will be confronted with the fiction represented by this synthesis.

Dominique Angel

Techniques et matériaux


sculpture
vidéo / video
installation
performance
écriture / writing


« Tout a commencé par la sculpture. C'est le principal moyen d'expression que j'utilise. Il détermine l'ensemble de mes recherches. Cela dit, la diversité de mes orientations artistiques n'est pas unique en son genre, elle se retrouve dans l'histoire et la tradition des avant-gardes (...).
Alors j'écris et je publie en effet des romans et d'autres choses encore, sans pour autant me revendiquer comme écrivain ; je suis simplement un artiste qui écrit, un artiste qui utilise la photographie, qui fait des vidéos, mais avec au départ la sculpture comme conception de l'espace. Je suis donc sculpteur avant tout, même si cela semble être une contradiction. »
Extraits d'un dialogue avec Frédéric Bouglé, paru dans art présence, N°33, janvier 2000.

« It all began with sculpture. It is my main means of expression. It determines the whole of my research. That said, the diversity of my artistic orientations is not unique in its genre, it can be found in history and the tradition of the avant-gardes (...).
I thus write and publish novels and still other things, without however claiming to be a writer; I am simply an artist who writes, an artist who uses photography, who makes videos, but with sculpture as a conception of space for my starting point. I am therefore asculptor above all, even if that seems to be a contradiction. »
Excerpts from a dialogue with Frédéric Bouglé, in art présence, N°33, january 2000.
champs de références / repères artistiques


« - Dans ta sculpture, tu ne récuses pas un certain classicisme sculpturant, voire une tradition de la modernité ( modelage, taille directe , assemblage, matériaux ) mais ils sont ici un moment de travail et subissent des associations et des retournements qui viennent perturber la règle de construction de l'oeuvre et en modifient le sens. Quelle fonction accordes-tu à ce détournement des usages ?
- Tout d'abord, l'histoire de l'art est un énorme vivier dans lequel je puise indifféremment. Il en va de même pour les moyens que j'utilise, qu'ils soient traditionnels comme le moulage, la taille directe, ou archaïques comme la récupération, le bricolage ainsi que la captation de la réalité par l'intermédiaire d'un appareil photographique, d'une caméra vidéo et de techniques de communication comme internet. Bien entendu, chacun des moyens employés est choisi en fonction de contenus précis. (...)
- Quelles sont les rencontres qui t'ont marqué et ont eu une incidence sur ton oeuvre ?
- Des gens parfaitement inconnus la plupart du temps. Des gens qui étaient justes avec la vie. Parmi les artistes récents, Dieter Roth certainement en raison de la générosité et de la qualité avec laquelle il a envahi le Musée de Marseille l'été dernier et la manière dont il a indiqué dans un tel lieu, sans aucun cynisme, qu'en définitive l'atelier de l'artiste est le dernier espace dans lequel l'art est encore visible.
- Au jeu des familles , où retrouverais-tu la tienne?
- Dans la dispersion, je ne sais plus à quelle famille j'appartiens.
- Tu vis dans une région qui, de Nice à Marseille, a vu naître les mouvements artistiques pour la France. Comment t'inscris-tu dans cette histoire ?
- En franc-tireur, comme tous les artistes à une certaine époque qui ont participé à cette histoire. Ceci dit j'exagère, la question des tendances et des groupes d'artistes a été déterminante pour l'évolution de mon travail. Les idées auxquelles je parviens maintenant prennent naissance dans cette période là. Il subsistait là, encore vivaces certaines formes de l'avant garde. »
Extraits d'un entretien avec Philippe Cyroulnik, paru dans le catalogue Dominique Angel, coéd. Musée de Belfort, Centre d'Art et de Plaisanterie, Le 19, Centre Régional d'Art Contemporain de Montbeliard, 1998.

« - In your sculpture, you do not refute a certain sculptural classicism, not to mention a modernist tradition ( modeling, carving, assemblage, materials) but they appear as a moment of work and undergo associations and transformations which disturb the rules governing the construction of the work and modify the meaning. What function do you accord to this deviated usage ?
- First of all, art history is a giant vivarium from which I cull indiscriminately. The same goes for the means I use, whether they be traditional like casting, carving, or archaic like salvaging, bricolage as well as the capturing of reality using a camera, viedo camera and communication techniques like internet. Of course, each means employed is based on precise contents. (...)
- What encounters marked you and influenced your work ?
- Perfect unknowns most of the time. People who were in tune with life. Among recent artists, certainly Dieter Roth because of the generosity and the quality with which he invaded the Marseille Museum last summer and the manner in which he indicated, in such a place and without any cyniscism, that in the end the artist's studio is the last place in which art is still visible.
- Tell us about your artistic family ?
- I no longer know to which family I belong.
- You live in a region which, from Nice to Marseilles, spawned France's artistic moments. How do you situate yourself within this history ?
- As a sniper, like all the artists who took part in this history at a given time. I'm exaggerating a little, the question of trends and artists' groups played a major role in the evolution of my work. The ideas I now arrive at, are rooted in that period. Certain forms of the avant-garde subsist there, still lively. »
Excerpts from an interview with Philippe Cyroulnik, in the catalog Dominique Angel, coédition. Musée de Belfort, Centre d'Art et de Plaisanterie, Le 19, Centre Régional d'Art Contemporain de Montbeliard, 1998.