Laurent PERBOS 

Des oiseaux blancs, posés sur les branches d'arbres de métal, pleurent des larmes de couleur. Nul ne sait si c'est la perte de leur ramage qui les rend si tristes, où si au contraire il leur faut se départir d'oripeaux trop joyeux, impropres à une si grande douleur. Bleues, jaunes, rouges, les larmes s'échappent de leurs yeux vides et glissent le long des plaques d'acier géométriques, dont la configuration adéquate concentre les flux colorés en un goutte à goutte régulier venant s'écraser au sol, où la couleur se dilue, s'échappe, retourne au monde.

Laurent Perbos utilise majoritairement les matériaux issus de l'industrie du loisir (sport, bricolage, décoration) pour matérialiser des visions poétiques, relectures contemporaines d'émotions séculaires dont il considère qu'elles sont le fondement du désir de représentation. Ainsi la peur, la colère, l'émerveillement ou le rire se déploient dans des arrangements de matières artificielles aux couleurs saturées, fortement narratifs. Car Laurent Perbos raconte des histoires : de celles que le gamin chanceux se promet devant sa boîte de Caran d'Ache neuve. En bon post-moderne, il remixe pêle-mêle paysages fantastiques (tremplins sportifs démesurés de type « Jacques et le haricot magique », scènes de chasse exotiques...), ersatzs de nature modifiée (arcs-en-ciel brisés, rochers inquiétants, souches psychédéliques...), et références à une histoire de l'art classique (le « Martyr » de Saint Sébastien) et conceptuelle (les « Compositions » de Mondrian) avec malice ou gravité, c'est selon.

Alors chez Perbos, comme chez Walt Disney, on pleure en technicolor. L'artiste a d'ailleurs l'honnêteté (et le flair!) de ne pas s'exprimer littéralement sur les raisons de cette mélancolie : et le spectacle doit continuer anyway. Ainsi, on ne saura jamais si ces oiseaux sanglotent sur les utopies vingtièmistes perdues sur lesquelles ils se juchent, évoquées dans la reprise par l'artiste d'un arbre de béton constructiviste de 1925, sitôt construit sitôt détruit à l'occasion d'une énième exposition universelle ; s'ils représentent une simple allégorie de la souffrance originelle de la peinture ? où bien s'ils souffrent d'autres maux secrets, peut-être contenus ailleurs, dans le paysage auquel ils se greffent, le mur sur lequel ils s'achoppent, la société dans laquelle nous vivons.

Pensif, l'enfant referme sa boîte de crayons de couleur.


Dorothée Dupuis, 2012

Vues de l'exposition The Birds, Chapelle des Pénitents, Lurs (2012)

Vues de l'exposition à la Valerie Lambert Gallery (Slick Art Fair), Brussels (2012)

The Birds (prototype)

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