Menu
Voir aussi :
- No beach nice fine art
René d'Azur et Roger Joly, Pirates.
Résumé
Les relations entre nos deux hommes, qui se révèleront être nés la même année, le même jour, au même instant mais pas à la même heure, aux caractère et destiné étonnamment semblables, ne nous sont pas encore à ce jour entièrement connues.
Le galion La Ganda
Seules leurs aventures communes de piraterie à bord du galion ”La Ganda” nous ont été partiellement relatées par un carnet de bord très endommagé déniché en 1994 par le plus grand des hasards chez un bouquiniste des quais de la Seine à Paris, et détruit depuis dans l’incendie de janvier 1997 à la Fondation René d’Azur. Incendie accidentel ou criminel?. Nous essaierons d’en tirer ici toute la substance avec toute la prudence que cela impose.
René d’Azur pour d’obscures raisons “d’expériences sociétales” (1) dans diverses communautés amérindiennes (il aurait artificiellement instauré des systèmes d’organisation sociale tout à fait nouveaux aux conséquences catastrophiques), René donc devait être rappatrié de toute urgence en métropole par les autorités inquiètes sur un galion espagnol chargé d’or.Le 2 mai 1519, à l’instant où Leonardo da Vinci expirait, mais pas à la même heure, ce galion, alors qu’il traversait la mer des Sargaces ou le triangle des Bermudes, ou les deux à la fois, devait être brusquement frappé d’un sortilège et mué en vaisseau fantôme. Seul René d’Azur, protégé par on ne sait quel miracle ou onguent de son invention ou autre, devait être épargné. Le reste de l’équipage, figé par une peur titanesque et inexplicable, devait plus tard, seulement beaucoup plus tard, récupérer plus ou moins, chacun à divers degrès, une santé mentale. René allait ramener le galion au premier port venu avec un équipage dément mais efficace, comme robotisé et à sa merci.
C’est là, dans le petit port d’une petite île inconnue (nous pensons à la Dominique), qu’il devait rencontrer pour la première fois Roger Joly ou du moins l’homme qui se faisait appeler ainsi. Un petit marché aux esclaves, un petit marchand d’esclaves et un petit esclave grandiloquent qui haranguait la foule, vantant ses mérites pour être vendu au meilleur prix. La petite foule et le petit marchand étaient comme écrasés devant une telle éloquence pourtant incompréhensible. Il parlait en effet dans une langue de son invention qui devait bien des années plus tard dans la région s’appeler le Créole. C’était le premier Africain, Nèg’ maron mais il ne le savait pas encore, que René, lui le Chabin, le Nègre blanc, voyait dans ces parages.
Attiré par cette voix puissante, par ces propos peu ordinaires que bizarrement il comprenait parfaitement et par cette situation cocasse où un brillant esclave noir éclipse un sombre maître blanc par un rayonnement rarement observable, immédiatement séduit, René conclut l’affaire en un éclair, laissant le petit marchand repartir les mains vides, ravi, envoûté, comme saoûl. Un effet du duo René-Roger qu’avec crainte, haine, respect ou admiration on allait dénommer RR, un effet qui devait agir ou sévir bien souvent par la suite.
Pavillon "di Azuro"
Pavillon "Bucco di Bocca"
Pavillon "Banan papa U"
L’équipage était resté à bord, prostré, soumis comme un seul homme, prêt à obéir au premier venu pour une raison inconnue ou connue de René seul ou de Roger ou des deux. Ces hommes et le galion fantôme rebaptisé “La Ganda“ par René en souvenir de cette odeur à la peau si douce, son premier amour, son obsession, allaient silloner la mer des Caraïbes et bien au-delà sous pavillon di Azuro, le fameux triangle circonscrit dans un cercle inscrit dans un carré. René et Roger allaient terroriser la région quelques années durant, piratant les riches colonisateurs pour redistribuer aux pauvres colonisés.
René et Roger avaient de multiples traits communs et bien plus encore, entre autres un goût immodéré pour les images et autres symboles, emblèmes, drapeaux, bannières, écussons, blasons, sceaux, icônes et autres signes, signalétiques, signalisations, signaux et signatures démontrant un sens aigu de la communication mais aussi du spectacle et enfin d’un ego surdimensionné. Au point que ”La Ganda” fut très souvent surchargée de messages illisibles tant pour ses alliés que pour ses proies. Ceux-ci et ceux-là, en attente ou en déroute, leur reprochèrent assez souvent ce qu’ils interprétaient à tort ou à raison comme un manque d’ordre ou d’honnêteté, de franchise ou de rigueur.
Il leur arrivait de hisser par exemple un deuxième pavillon terrifiant et inconnu jusqu’alors, le ”Bucco di Bocca”, terrifiant parce que signifiant ”pas de quartier”: une empreinte anale issue de la nuit des temps brodée d’or sur un drap noir. Ou bien un troisième pavillon, peut-être encore plus menaçant, que Roger joignait aux deux autres en certaines occasions: la silhouette d’un homme à genoux saluant d’un bras d’honneur et épousant la forme de la côte ouest de l’Afrique, le Joly Roger de Roger Joly, le “sans
merci“ ou ”banan papa U” qui inspirera bien des années plus tard la fameuse insulte créole ”patat maman ou”. Ou bien encore ces immenses drapeaux, ”o c’oco”, fixés à la proue du galion, privilège de Rosa & Rosae, les Amazones jumelles, ces furies fantastiquement belles et cruelles, futures capitaines du navire: les profils de deux caïmans en tête à tête, en tête à queue ou cul à cul, s’agressant, s’aimant ou indifférents.
Pavillons "wel com", "go hom", "sit com"
S’ajoutait à cela Roger s’acharnant à placer de multiples manières sur les haubants du galion ses multiples bannières bananières: “wel com“, “go hom“ et “sit com“ que René, ironique, appelait ventilateur, aspirateur et radiateur, du nom de quelques vieilles trouvailles. Bref, cette lourde armada communiquante ajoutée à d’autres systèmes complexes lumineux ou sonores bien que précise et savante provoqua dans la carrière de nos compères pirates quelques confusions fâcheuses.
Les ambitions politiques de Roger Joly, entre autres fonder une “République Bananière“ (1), l’avaient amené à se faire “déporté volontaire“ (1) sur ce nouveau continent, sans doute le premier Noir à fouler ces terres. Elles l’amenèrent, dans son obsession de “communication optimisée“ (1), à élaborer une nouvelle langue. Africain originaire d’un comptoir portugais de la côte ouest où faisaient escale Espagnols, Anglais et autres Français (celui-là même du roi Bõ N’Diaz, le grand-père de René), Roger Joly, probablement un N’Diaz, déjà poussé très jeune par un idéalisme utopique de “fusion des peuples du monde“ (1), avait tenté et finalement réussi à faire un mix, un métissage, de toutes ces langues avec la sienne, africaine. Espérant tôt “atteindre une unité idéale“ (1) par le biais d’une “linguistique relationnelle interactive“ (1). La langue créole était née et devait survivre sur plusieurs continents quelques siècles plus tard.
Ces rêves provoqueront la fin de René-Roger, la fin du RR. Un autre RR (Rosa & Rosae) prendra avec succès la succession.
Roger dessina en effet le projet de créer un journal créole et de le diffuser partout sur son passage. Ce projet pris forme manuscrite avec l’aide de l’ingénieux René. Mais les résultats étaient insatisfaisants aux yeux d’un Roger ayant pris connaissance d’une machine à imprimer allemande qui avait un succès fou en Europe. Nos deux amis se mirent en tête de transformer leur vaisseau fantôme en une sorte d’imprimerie et de maison d’édition ambulante. Ils pensèrent alors à se rendre chez les enfants de J. Fust, ex-associé fortuné de l’infortuné Monsieur Johann Gutenberg.
Ce qui fut pensé fut dit et fut fait.
Des circonstances encore inconnues par la Fondation René d’Azur ne nous permettent pas de retracer avec précision ces péripéties qui envoyèrent Roger Joly dans les geôles germaniques, puis, nous ne savons pourquoi, au Royaume-Uni dans les années soixante. Là, rebaptisé Joly Roger selon l’étrange coutume anglaise inversant toute chose, il devait mener une carrière artistique, sportive et politique sans grandes conséquences immédiates dans ce Royaume mais très influante, quatre siècles plus tard, retraversant l’Atlantique, dans les États du même nom.

(1) dixit Roger Joly.
Fanion de René-Roger